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14 novembre 2019 4 14 /11 /novembre /2019 09:34

 

 

A la demande de collectifs de riverains, les élus du Pays Basque ont lancé les études pour la réalisation d’un nouvel échangeur autoroutier à Saint-Jean de Luz. Loin des politiques décarbonées pour lutter contre le changement climatique, ce projet favorise une nouvelle fois le tout-voiture au détriment des services publics de transport en commun. De plus, il est contre-productif et à toutes les chances d’intensifier les bouchons qu’il est sensé réduire. Un projet inutile et contreproductif qui commence à être contesté localement.

Saint-Jean de Luz est une ville de la côte Basque, qui comme ses consorts, supportent en été des conditions de circulation déplorables. Le tourisme de masse en est le principal problème, mais également le fait qu’elle est située sur une zone complexe : traversée d’est en ouest par une rivière, la Nivelle, dont le large estuaire remonte jusqu’à sa frontière avec Ascain, avec une très belle baie à l’ouest et une magnifique corniche littoral au nord et au sud. Les contraintes pour se déplacer sont donc fortes : pas d’accès à l’ouest, peu au sud et au nord et une rivière soumise à la marée à traverser.

Saint-Jean de Luz est également traversée par l’autoroute qui relie Bayonne à Hendaye et dispose déjà de deux échangeurs, au nord et au sud. Problème : les habitants de l’intérieur du pays (Ascain, Saint-Pée, ou plus loin), n’ont pour la plupart pas d’accès direct à l’autoroute. Ils doivent soit passer par les berges de la Nivelle et traverser les quartiers nord de Saint-Jean, soit rejoindre l’échangeur sud par une route légèrement plus longue. L’accès par les berges est donc relativement fluide, les locaux ayant connaissance de l’ensemble des itinéraires bis (voire ter) pour rejoindre l’autoroute, et cette voie sert donc majoritairement d’accès au personnes et entreprises souhaitant se rendre à Saint-Jean même.

 

source : Géoportail

source : Géoportail

Mais voilà, la pression touristique est telle que du mois de mai à octobre, le centre-ville de même que l’axe Ascain/Saint-Jean le long de la Nivelle saturent. Pas tout le temps, pas tous les jours, mais il est clair que la densité de touristes dans Saint-Jean ralentit très notablement toute la circulation et ces ralentissements peuvent remonter loin du centre-ville, jusqu’au voies d’accès à Saint-Jean et notamment jusqu’au berges de la Nivelle.

Les collectivités locales (Conseil départemental et Communauté d’Agglomération Pays Basque) soumises aux vieux réflexes habituels ont donc demandé à ASF et Vinci d’étudier la possibilité de mise en place d’un 3ème échangeur permettant aux automobilistes d’avoir un accès direct à l’autoroute depuis le centre de Saint-Jean, espérant fluidifier la circulation locale. Sous-entendu : plus on augmente les infrastructures routières, plus la circulation est fluide.

Fausse bonne idée qui a la peau tenace ! Idée fallacieuse, surtout imposée par les maires et présidents qui sont naturellement portés vers le béton et les grands projets bien visibles, preuves de leur investissement et garant de laisser une trace pérenne de leur passage aux affaires. Idée préconçue, enfin, reprise par des collectifs locaux (soutenus pour partie par des opposants politiques aux maires en place) pour demander à mieux circuler, sans qu’ils aient les moyens de se rendre compte qu’ils jouent contre leur propre camp et qu’ils se font manipuler.

En effet, à part faire du bien à l’égo des élus et à leurs chances de réélection, ces projets d’infrastructures routières n’ont jamais participé à améliorer nos conditions de circulation. Et ce n’est pas une découverte récente car, dès 1968, le mathématicien D. Braess démontrait ce paradoxe : « l’ajout d’une nouvelle route dans un réseau routier peut réduire la performance globale, lorsque les entités se déplaçant choisissent leur route individuellement ». Depuis, les spécialistes se sont largement penchés sur le principe du trafic induit pour montrer la relation directe entre l’augmentation des perturbations routières et le niveau d’infrastructures. A contrario, ils démontrent également que la suppression de certains axes majeurs a pour conséquence la baisse du trafic routier sur les autres axes. Les modalités de ce paradoxe sont complexes, mais elles sont bien réelles : plus les villes investissent dans le tout-voiture et dans l’accès routier à leur centre, plus les bouchons sont importants. C’est le cas de Marseille et de Lyon par exemple qui sont toutes deux sillonnées d’autoroutes et de rocades. C’est le cas de Paris également avec des problèmes sur l’ensemble de ces différents périphériques, et qui augmentent à chaque construction de nouvelle autoroute. Inversement, des cas d’école de suppression de voies (Lyon, requalification de l’A43) ont permis de démontrer que la circulation diminuait sans report sur les autres voies. Comme évaporée. En fait, plus les axes sont importants, plus la tendance globale est de les emprunter. Inversement, s’ils sont moins pratiques, nous nous déplaçons moins, autrement et ailleurs.

Quels sont les risques de ce nouvel aménagement autoroutier à moins de 2 km du centre-ville de Saint-Jean ? Tout simplement de voir l’axe des berges de la Nivelle totalement saturé même en-dehors des périodes touristiques. Certes, l’accès à l’autoroute sera simplifié. Mais croire que la circulation sera fluidifiée, c’est oublier l’augmentation de trafic pour prendre cette entrée, et plus sûrement, l’énorme flux entrant directement dans Saint-Jean depuis ce nouvel échangeur, et qui va ralentir cette voie et saturer le centre-ville alors que ce flux était jusqu’à maintenant tamponné par des échangeurs éloignés, réorientant une partie des véhicules vers d’autres destinations.

A une époque où la lutte contre le changement climatique est vitale et où il faut avoir pour objectif principal des économies décarbonnées, constater que des investissements publics continuent à favoriser les voitures et le transport individuel est totalement incompréhensible, et surtout dangereux. Tout particulièrement quand ces investissements vont encore réduire le reste de qualité de vie qui nous reste. D’un point de vue strictement écologique, il faut également rester extrêmement vigilant ! Même si les voies d’accès semblent rester dans l’emprise de terrain déjà artificialisés, les milieux attenants sont très sensibles : estuaire de la Nivelle, zones humides, plans d’eau, … Mais surtout, ce projet participe à une politique qui favorise les émissions de gaz à effet de serre et qui dégrade notre qualité de vie. Tout cet argent serait bien mieux employé à développer les transports en commun entre la côte et l’arrière-pays pour réduire notre dépendance locale à la voiture. Une nouvelle fois, les élus locaux ratent le train de la lutte contre les gaz à effet de serre.

Une pétition est en ligne pour dénoncer ce projet :

Contre le projet d’échangeur autoroutier à Chantaco

Les organisations de protection de l’environnement du Pays Basque devraient également très prochainement se mobiliser contre ce projet pour en demander l’annulation pure et simple.

 

 

 

Source : https://ecologuesenrages.home.blog/2019/11/13/nouvel-echangeur-de-xantako-chantaco-a-saint-jean-de-luz-la-fausse-bonne-idee-habituelle/

 

 

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