C'est l'un des axes de travail du Comité pour la fiscalité écologique. Les pistes proposées ? Une modulation de la taxe d'aménagement, un versement pour sous-densité obligatoire, des taxes sur les bureaux vacants et la rétention du foncier à bâtir.
Amenagement | 03 avril 2013 | Actu-Environnement.com Laurent Radisson
Le Comité pour la fiscalité écologique a rendu le 28 mars dernier un avis portant sur la question de la fiscalité et de l'artificialisation des sols, en même temps que celui portant sur l'introduction d'une assiette carbone dans la fiscalité française.
Ces recommandations ont pour ambition d'alimenter les débats du projet de loi de finances pour 2014.
Artificialisation continue du territoire
Le constat est maintenant connu. La France fait l'objet d'une artificialisation continue de son territoire et perd l'équivalent d'un département tous les dix ans. "L'artificialisation des sols entre 2000 et 2006 s'est faite à 90% aux dépens d'espace agricoles", constate l'avis.
"Le tissu urbain discontinu, très consommateur d'espaces, représente les trois quarts des espaces artificialisés", ajoute le document. La construction de maisons individuelles apparaît être la cause principale. Mais l'immobilier d'entreprise est également fortement consommateur de sols. Or, les usages industriels et commerciaux se caractérisent par "une sous-utilisation des surfaces disponibles (surfaces de bureau inoccupées, friches industrielles et commerciales)", relèvent les signataires de l'avis.
Citant également le rapport du CAS sur les aides publiques dommageables à la biodiversité, le document rappelle le rôle de l'Etat et des collectivités territoriales dans l'artificialisation des sols, qui résulterait de la faible fiscalisation des propriétés publiques.
Christian de Perthuis précise que le comité qu'il préside n'entend pas remettre en cause les besoins en logements, infrastructures et équipements mais trouver des moyens pour répondre à ces besoins tout en préservant la valeur écosystémique des sols.
"Une politique efficace à cette fin ne peut pas reposer sur un seul instrument et doit nécessairement associer le droit de l'environnement et le droit de l'urbanisme (…) ainsi que des instruments financiers et fiscaux", estiment les signataires de l'avis. Avec une double perspective : économiser les sols, d'une part, réutiliser les sols artificialisés, après réhabilitation le cas échéant, d'autre part.
Moduler la taxe d'aménagement
Que recommande le comité suite à ce constat d'artificialisation accélérée ? La première proposition consiste à moduler la taxe d'aménagement selon la valeur du terrain sur lequel on aménage. C'est-à-dire appliquer un malus lorsque l'aménagement se fait au détriment de terres à forte valeur écologique et, au contraire, un bonus lorsqu'il porte sur des friches ou un périmètre déjà artificialisé. Tout en veillant à éviter l'écueil de la complexification d'une taxe précisément créée pour simplifier la fiscalité locale. Cette taxe pourrait également être rééquilibrée afin de privilégier les parkings intégrés au bâti au détriment de ceux construits à l'horizontal et occupant une grande surface au sol.
Une autre piste avancée par le comité vise à systématiser le versement pour sous-densité en-dessous d'un seuil minimal de densité inscrit dans le plan local d'urbanisme (PLU), y compris pour les locaux industriels, commerciaux et de stockage.
Autre recommandation du comité : instituer une taxe sur les bureaux vacants sur le modèle de la taxe sur les logements vacants mais en distinguant la vacance "structurelle" de la vacance "conjoncturelle".
Taxer la rétention du foncier à bâtir
Enfin, il s'agirait d'instaurer une taxe sur la rétention du foncier à bâtir, ou d'adapter les taxes existantes, en zone AU1 des plans d'urbanisme, c'est-à-dire en zone d'urbanisation future non équipée destinée essentiellement à l'habitat. L'objectif ? Inciter à utiliser ces terrains pour la construction, en veillant toutefois à ce que le zonage soit bien défini en amont et en permettant le cas échéant le déclassement de terrains non construits. Dans le même objectif, le comité préconise de supprimer les abattements pour les terrains à bâtir dans l'hypothèse d'une détention longue, voire de pénaliser fiscalement celle-ci. Cette préconisation est en fait d'ores et déjà satisfaite par l'une des mesures annoncée le 21 mars par le président de la République dans le cadre du Plan d'investissement pour le logement.
Sauf que le spécialiste de la fiscalité écologique, Guillaume Sainteny, alertait précisément la commission du développement durable de l'Assemblée nationale le 27 mars sur cette mesure, couplée à celle contenue dans la loi de finances pour 2013 sur la même question de la fiscalité du foncier non bâti s'appliquant aux terrains constructibles. Aujourd'hui, cette fiscalité est faible. Mais ces modifications vont conduire à une fiscalité de l'ordre 50.000 euros/ha à compter du 1er janvier 2014 et de 100.000 euros/ha à compter de 2016. "Evidemment, personne ne peut payer ça", déplorait M. Sainteny.
Les propriétaires peuvent encore échapper à l'impôt en signant une promesse de vente avant la fin de l'année. Si l'intention était sans doute louable au départ en visant à renforcer la densité urbaine et à combler les "dents creuses", ces mesures risquent d'avoir des effets inverses et catastrophiques, alerte le maître de conférence à Polytechnique. Car les terrains concernés sont les terrains constructibles classés U (zones urbaines) et AU (zones à urbaniser). Or, parmi ces terrains se trouvent de nombreux terrains agricoles. Ce que reconnaît implicitement le comité pour la fiscalité écologique qui préconise de veiller "à ne pas pénaliser les terrains effectivement affectés à un usage agricole, mais non nécessairement classés en zone A".
Guillaume Sainteny a calculé que les terrains constructibles en zones U et AU représentent plus de 50.000 hectares en Ile-de-France, dont trois-quarts sont des espaces naturels et agricoles. D'où ses sombres prédictions en la matière : fin de l'agriculture péri-urbaine et des circuits-courts, accroissement de l'étalement urbain, de l'imperméabilisation des sols, des distances de transport, des consommations d'énergie et des émissions de CO2… A moins que les élus procèdent à temps au déclassement des terrains en cause pour les reclasser en zones agricoles.