Maintenir et développer une agriculture nourricière et écologique locale prise en charge par les populations locales elles mêmes. |
Annie Weidknnet pour ATTAC (France)
Je ne vous parlerai pas en spécialiste, en universitaire, en expert mais en simple citoyen qui a une expérience issue de l’action. Quel avenir sans agriculture ? rigoureusement aucun, sauf à trouver le moyen de ne plus manger ou de vivre de chasse et de cueillette… En effet, se pose à nous (à nous tous et pas seulement aux africains ou aux brésiliens…) en ce début de millénaire la question, très politique, que se posait déjà la Rome ancienne :
politique frumentaire : les pouvoirs publics se préoccupent de nourrir tant bien que mal, les populations, en particulier les villes gonflées par l’exode rural, d’où que vienne et quelle que soit la nourriture. L’ordre public et la sécurité alimentaire reposent sur une police efficace et sur une armée puissante.
politique agraire : la société assure sa propre indépendance et sécurité alimentaire en mettant en œuvre une politique agricole donnant toute sa place à la paysannerie nourricière. La société fonde sa prospérité, son indépendance et sa sécurité alimentaire sur une classe paysanne libre jouissant d’un accès égalitaire à la terre. Elle administre sagement l’agriculture, pour qu’elle soit en mesure de fournir un surplus notable tout en améliorant autant que possible le potentiel de production du territoire, par des aménagements fonciers appropriés.
On sait pour les Romains qu’ils ne réussirent pas à conserver une paysannerie capable de fournir une production locale suffisante pour assurer leur autonomie alimentaire et ce qu’il en est advenu lorsque les transports n’ont plus pu être assurés avec sécurité et régularité…
1/ Un choix de société : revenir à l’essentiel
Il s’agit d’un choix de société : quelles sont nos priorités ? se nourrir, nourrir ses enfants en était une pendant des siècles. Est ce un progrès de l’abandonner ? et pour quoi au juste ? les téléphones portables, les accessoires de déco ? et à quel risque surtout.
1.1 - La nourriture : un besoin vital
Vous connaissez la différence entre les Dieux et les hommes en Grèce ancienne ? Les hommes doivent se nourrir tous les jours, les dieux se contentent de l’odeur de leur cuisine ! Et ce sont les paysans qui ont pour rôle dans la société, d’abord de produire de la nourriture.
Alors pourquoi dis t-on qu’un pays est sous développé parce qu’il a encore 40% de paysans ? Qu’il est très développé parce qu’il n’en a plus que 5% ?
1.2 - Elle doit être produite sainement, ici et par des paysans
Nous avons besoin des paysans pour nous nourrir sainement sans hypothéquer la possibilité que les générations futures auront de le faire à leur tour ; les paysans le peuvent si la société les en charge. La place des paysans dans la société est donc centrale pour notre avenir alimentaire : Vous avez besoin de l’agriculture, et vous ne mesurez pas le risque que vous courez en ne lui faisant pas la place qu’elle mérite et qui lui revient Edgar Pisani, 2004
Nous devons mettre fin à un lourd héritage de préjugés anti paysans qui se manifeste par différents symptômes :
Est ce parce qu’ils nous rappellent notre dépendance incontournable aux besoins essentiels du corps ? Qu’ils se collettent au quotidien avec la reproduction du vivant, la nourriture et les déchets ? nos Intouchables ?
Edgar Pisani exprime bien cette sous estimation de la question agricole dans nos pays qui s’imaginent en avoir fini avec les questions alimentaires, sauf peut être sous l’angle partiel de la malbouffe ou de problèmes sanitaires, OGM, pesticides : Vous avez besoin de l’agriculture, et vous ne mesurez pas le risque que vous courez en ne lui faisant pas la place qu’elle mérite et qui lui revient, (Edgar Pisani, Leçon inaugurale à l’Ecole Supérieure d’Agriculture d’Angers, 2004)
1.3 - Nous devons donc sans attendre traduire nos choix en pratiques
Construire ici et maintenant des alternatives, Il faut aussi sortir du piège : pensées alternatives diverses mais pratiques uniques ,auto, télé, supermarché et commencer à modifier tout de suite ce qu’on peut modifier, ici nos consommations alimentaires.
Les construire AVEC les paysans, ce que nous mettons en œuvre en Midi-Pyrénées dans le réseau des AMAP (chacun des 2 collèges qui constitue l’association pèse 50% des voix).
Redonner aux paysans leur place essentielle dans la société : Il est clair qu’on peut tabler sur les désirs de la société pour dessiner une nouvelle politique agricole, mais il est clair aussi qu’il faut aplanir les obstacles de tous ordres qui se dressent devant les projets paysans, sans quoi il serait incohérent de vouloir susciter des AMAP.
2 - L’impasse agro-industrielle et son bilan
2.1 - Place dominante (80% en France) de l’agro industrie liée à la grande distribution s’appuyant sur une agriculture :
2.2 - Des décennies de politique systématique de bas prix agricoles afin d’organiser les transferts de capitaux vers l’industrie
Les paysans sont devenus des techno-serfs, receleurs temporaires d’argent et/ou de subventions destinées à d’autres secteurs. (expressions de Jean Pierre Berlan). Les maraîchers n’ont aucune subvention.
2.3 - La standardisation des produits :
2.4 - Des problèmes graves à résoudre :
2.5 - La déshérence des territoires ruraux transformés en dortoirs, lieux de loisirs, et souvent devenus déserts humains et sociaux
2.6 - On oublie trop souvent :
Donc un bilan écologique et humain désastreux et dangereux :
3/ Les AMAP : paysans et mangeurs ensemble pour relocaliser la nourriture
C’est une crise d’insécurité alimentaire qui est à l’origine des 1érs systèmes de contrats locaux, les Teïkei, au Japon, il y a 40 ans : poussant des mères de famille à faire produire, à un agriculteur local, des produits sains qu’elles s’engageaient à payer à l’avance. Ces crises ont mis en évidence les limites d’ordre sanitaire et écologique de l’agro industrie et du productivisme C’est la crise de la vache folle qui, en France, en 2001 est à l’origine de la mise en pratique du partenariat AMAP.
3.1 - les AMAP sont une prise de conscience de citoyens, paysans et mangeurs…
…qui remettent ensemble au centre de leur réflexion et de leur action des notions de base :
3.2 - les AMAP, plus précisément consistent à…
…recréer les conditions économiques et sociales pour que des paysans puissent nous nourrir durablement et sainement et en vivre dignement.
La situation est si grave que nourrir la population locale, par exemple ici en Midi-Pyrénées, sera impossible si nous n’arrivons pas à générer des installations massives de paysans nourriciers.
Par exemple, la ceinture maraîchère de Toulouse qui avec 1.500 fermes, nourrissait il y a 40 ans la grande région Midi-Pyrénées et au delà, a pratiquement disparu, quasi aucun paysan de moins de 40 ans au marché de gros, quelques retraités…. L’agglo de Toulouse, 900.000 habitants, se nourrit sur l’Espagne du sud, son eau déjà rare, ses esclaves et les camions….
Lueur d’espoir, des élus locaux et régionaux commencent à s’intéresser à cette action citoyenne et à se poser la question de leur rôle dans le maintien d’une agriculture locale en particulier prés des villes. Il y a besoin de la synergie de tous.
Le concept
Les AMAP sont : La garantie d’écoulement de la production faite à un producteur sur la base d’un engagement réciproque entre lui et un groupe de consommateurs, s’inscrivant dans le long terme, et établi sur la base d’objectifs partagés et régulièrement , et non de résultats immédiatement exigés.(Daniel Vuillon)
Les AMAP ne sont donc pas un système de distribution de paniers, ni une entreprise de livraison de denrées, même locales et de qualité. Elles ne sont pas un nouveau type de service offert aux consommateurs, elles ne sont pas un label de qualité ou d’origine, elles ne vendent pas de la confiance comme ces labels.
Les AMAP ne sont en concurrence avec aucun autre mode de commercialisation.
Partenariat et responsabilité réciproque
Une Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne (AMAP), est un partenariat fondé sur un engagement réciproque et solidaire sur le long terme entre un groupe de citoyens mangeurs et la famille de paysans qui les nourrit.
Contrat
Chaque famille de mangeurs signe un contrat individuel avec la famille du paysan nourricier.
Une AMAP est donc une somme d’actes autonomes, de prises de responsabilité individuelle découlant d’une information et d’une prise de conscience. Cela n’a rien avoir avec l’adhésion à un système de livraisons de paniers par exemple. Le contrat sort la relation du rapport fournisseur – client pour réintroduire l’échange économique dans la durée et dans une histoire humaine.
Prix et rémunération du travail paysan
En AMAP Les prix sont établis par le paysan en fonction de ses charges d’exploitation et de sa rémunération. Cela permet de construire la viabilité de l’agriculture nourricière locale et d’améliorer les conditions de travail et de rémunération des paysans. Il s’agit aussi de rendre à nouveau le métier attractif pour les jeunes, et que les fils continuent le travail des pères. Cela signifie que la société, chacun de nous, doit faire le choix de payer à nouveau la nourriture à son juste prix afin que les producteurs puissent vivre dignement de leur travail et que leur rémunération soit à la hauteur de leur utilité sociale. (L’alimentation ne représente plus que 14% environ des budgets, 40% dans les années 50.). De toutes façons, que nous le voulions ou non, la nourriture est en train d’augmenter. Il faut aussi avoir le courage de dire que ce n’est pas aux seuls paysans, déjà très souvent précaires eux-mêmes, mais à l’ensemble de la société, de prendre en charge les problèmes de pauvreté.
Confiance
Les AMAP invitent le consommateur à établir lui-même une relation directe avec le producteur, la confiance réciproque résultant de cette relation et non d’une certification quelconque. Cette relation permet ainsi au mangeur d’acquérir des connaissances sur les conditions dans lesquelles sa nourriture est produite et de devenir un partenaire éclairé du paysan.
Partage et solidarité
Le paysan partage la récolte entre les adhérents consommateurs. Les consommateurs partagent les aléas de la production, les hauts et les bas des récoltes. Les mangeurs aident le paysan, par exemple lors de la récolte, ils reprennent contact avec le travail de la terre, la réalité de la production, les saisons… Ils mettent leurs compétences au service les uns des autres.
3.3 - Les AMAP permettent ainsi d’agir sur :
3.4 - les AMAP, une transmission entre acteurs
- Du Japon aux Etats-Unis
Dans les années 60, des mères de familles japonaises s’inquiètent de voir l’agriculture s’industrialiser avec un recours massif aux produits chimiques (en 1957, les premières victimes de Minamata, empoisonnées au mercure, sont déclarées). Ces mères fondent alors en 1965 les premiers Teikei, ce qui peut se traduire par la nourriture avec le visage du fermier dessus, dont le principe de fonctionnement est le suivant : en échange de l’achat à l’avance de la récolte du paysan, ce dernier s’engage à fournir à ces mères des aliments cultivés sans produits chimiques.
A peu près à la même époque en Suisse, des fermes communautaires nommées food guilds développent leur propre partenariat avec les consommateurs locaux en leur fournissant chaque semaine des produits frais. [1].
EN 1985, un fermier américain rentre de Suisse après avoir étudié les food guilds. Il rencontre alors Robyn Van Hen, une agricultrice bio du Massachusetts. Avec l’aide d’autres producteurs et consommateurs, ils fondent la première Community Supported Agriculture (CSA) à la ferme Indian Line de Robyn [2].
Le concept se répand ensuite rapidement par bouche-à-oreille dans tous les États-Unis, puis gagne le Canada où il prend le nom de fermier de famille.
En 2000, on recensait des CSA dans de nombreux pays : plus de 1000 en Amérique du Nord, 100 en Angleterre, et aussi en Australie, Danemark, Pays-Bas, Allemagne, Hongrie, Ghana, Nouvelle Zélande… [3].
- 2001 Des paysans, Denise et Daniel Vuillon, à l’origine des AMAP en France
La même année, Denise et Daniel VUILLON, couple de maraîchers du Var, rendirent visitent à leur fille aux États-Unis. Cette dernière participait à la vie d’un CSA. Les Vuillon trouvèrent l’idée intéressante et l’étudièrent sur place. De retour en France, ils présentèrent ce système lors d’une conférence organisée par ATTAC [4] à Aubagne (13) en février 2001 sur le thème de la malbouffe. Des consommateurs furent alors motivés et mirent en place avec eux la première AMAP en mars : les distributions commencèrent en avril avec 32 paniers.
Très vite les demandes d’information et d’installation ont été nombreuses. Ils participent à la création des AMAP de Provence soit 22 AMAP les deux premières années. 2001 = 4 AMAP, 2002 = 20, 2003 = 35, 2004 = 45, 2005 = 75, 2007 = 110 AMAP
Au printemps 2007 , en Provence, les Vuillon ont encore aidé à la création de 7 AMAP, par la mise en relation de 7 comités de pilotage d’AMAP avec 7 nouveaux producteurs qu’ils ont sensibilisés et accompagnés, après avoir effectué la visite de chaque ferme. Une de ces AMAP est une installation d’une Jeune Agricultrice qui a fait son stage aux olivades sur un terrain mis à disposition par la mairie d’Aubagne. Parallèlement et comme beaucoup de personnes relaispour l’essaimage, la création des AMAP nécessite toujours de faire la sensibilisation et de répondre aux besoins d’échanges et d’information sur les expériences d’AMAP.
- L’Essaimage national :
Toutes les AMAP se sont faites à l’issue de rencontres entre les initiateurs et les producteurs ou mangeurs, sous forme de réunions de sensibilisation et de témoignage, de stage aux Olivades, ou de déplacement et de visites de ferme un peu partout en France. Ainsi un véritable réseau de personnes RELAIS, paysans et consommateurs à égalité, s’est constitué qui continue à transmettre et à accompagner les nouvelles AMAP pour la durabilité du système.
Aujourd’hui en France le mouvement se développe depuis, porté ou non par des organisations régionales mais toujours très largement en lien avec les expériences fondatrices. Il doit y avoir environ 500 AMAP
Source : http://www.planete-urgence.org/