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4 janvier 2017 3 04 /01 /janvier /2017 14:15

 

 

Des scientifiques de l'Inra ont analysé la recherche sur les OGM. Les conflits d'intérêts y sont répandus, selon les auteurs. Or, le phénomène augmente de 50% les probabilités que le résultat soit favorable aux intérêts de l'industrie OGM.

 

Agroécologie | 21 décembre 2016 | Guillaume Krempp

© lily

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De l'eau ou de l'huile sur le feu ? Seules les réactions des politiques et de l'industrie des semences OGM nous diront ce que constitue l'étude menée par trois chercheurs de l'Inra, publiée le 15 décembre. Les scientifiques ont travaillé sur l'influence des conflits d'intérêts dans la recherche sur l'efficacité et la durabilité des semences génétiquement modifiées. Ils se sont tout particulièrement penchés sur la littérature liée à la modification génétique Bt, connue pour ses propriétés herbicides. Le sujet est inflammable, en particulier en Europe, où la controverse est régulièrement alimentée. A cet égard, cette publication comble un étonnant manque de réflexions scientifiques sur une question pourtant cruciale : à quel point la recherche académique est-elle influencée par les conflits d'intérêts ? Les chercheurs n'ont en effet relevé que deux études tentant de répondre à cette question. Il s'agissait ainsi de combler un vide scientifique face à une problématique toujours d'actualité.

 

Des conflits d'intérêts dans 40% des études

Relever les conflits d'intérêts au sein de la recherche sur les semences OGM est un travail plus complexe qu'un simple inventaire. Car les liens entre industriels et recherche sont plus nombreux que le laissent croire les seules déclarations de conflits d'intérêts. Ces dernières étaient présentes dans 7% des 672 études analysées alors que les scientifiques de l'Inra ont recensé des conflits d'intérêts dans 40% des cas. Un constat à relativiser : les chercheurs ont ici considéré comme source de conflits d'intérêts le financement de l'étude par des entreprises de semences OGM. Or, près d'un tiers de la recherche est supportée financièrement par ces acteurs économiques.

Après avoir établi les catégories de conclusions "favorables", "neutres" et "non-favorables" aux intérêts de l'industrie OGM, les auteurs de l'étude se sont penchés sur deux domaines de la recherche : l'efficacité et la durabilité de l'OGM Bt. Au sein du premier champ d'étude, les chercheurs ont ainsi relevé 17 études "non-favorables" et exemptes de conflits d'intérêts contre 81 conclusions "favorables" issues d'analyses concernées par un conflit d'intérêts. Sur la durabilité des semences OGM, les scientifiques ont dénombré deux fois plus de rapports "non-favorables" en l'absence de conflits d'intérêts (83) que de rapports "favorables" en présence de conflits d'intérêts (42). D'où les conclusions de l'étude : les conflits d'intérêts augmentent la probabilité de conclusions "favorables" de 26% pour les articles sur l'efficacité et de 50% pour les recherches sur la durabilité des OGM. Le traitement statistique de l'étude aboutit au résultat général suivant : la fréquence de résultats "favorables" aux intérêts de l'industrie des semences OGM augmente de 49% lorsqu'il y a conflit d'intérêts.

 

Les chercheurs font leur auto-critique

Les auteurs de l'étude admettent que cette analyse mérite d'être élargie à d'autres types de conflits d'intérêts puisque seuls ceux d'ordre professionnel ont été analysés. De même, les conflits d'intérêts non-financiers, d'ordre politique, idéologique ou religieux n'ont pas été pris en compte. Enfin, une telle étude attend encore d'être réalisée sur le lien entre recherche académique et organisations non-gouvernementales.

Les chercheurs ont notamment anticipé certaines critiques. Ils admettent que la corrélation forte entre conflit d'intérêts et conclusions "favorables" pourrait être renforcée par le fait qu'une entreprise de semences OGM peut a posteriori retirer la mention de son financement si l'étude en question a donné des résultats "non-favorables". Inversement, il est possible que les universitaires mentionnent des co-auteurs issus d'entreprises seulement lorsque leurs conclusions sont "favorables" à l'industrie OGM.

A ces critiques formulées par les auteurs de l'étude s'ajoutent celles d'Alain Deshayes, président de l'Association française des biotechnologies végétales (AFBV). Cet ancien directeur de recherches à l'Inra, qui fût notamment directeur-adjoint du centre de recherches de Nestlé France, estime que "sur le plan scientifique, c'est un très mauvais article". Dans la distinction entre conclusions "favorables", "neutres" et "non-favorables", M. Deshayes observe "un biais idéologique fondamental". Enfin, le membre fondateur de l'AFBV estime que ces catégories, construites à partir des titres et des résumés des recherches, ne sont pas solidement établies.

 

Des mesures préconisées

Alain Deshayes partage en revanche les mesures préconisées pour mettre fin à cette influence de l'industrie sur la recherche académique. Il serait tout d'abord nécessaire, selon les auteurs, de rendre obligatoire les déclarations de conflits d'intérêts. De même, les scientifiques de l'Inra proposent de mettre en place un fonds d'investissement indépendant dans la recherche sur les OGM. Gouvernements, ONG et industriels contribueraient tous à ce fonds. Ainsi pourraient disparaître les liens financiers directs entre science et intérêts économiques ou politiques. Le président de l'AFBV approuve cet objectif "depuis plus de 20 ans" en admettant l'erreur des scientifiques et de l'industrie au sujet des OGM : "Là où on a échoué en France et en Europe, c'est qu'on a tenté de faire passer ça comme quelque chose d'anodin".

 

 

Source : http://www.actu-environnement.com/ae/news/chercheurs-inra-ogm-conflits-interets-resultats-etudes-industrie-agrochimique-28136.php4#xtor=EPR-1

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