Energie / Climat | le 14 June 2012
En mai 2011, suite à la catastrophe de Fukushima, la Commission européenne a décidé de procéder à un examen de sûreté des centrales européennes. Plusieurs étapes ont donc eu lieu dans ce but : une évaluation de la part des exploitants a été demandée. Puis, les Autorités de sûreté nucléaires nationales ont examiné ces évaluations des exploitants (voir l’analyse critique de Greenpeace France : Les 58 réacteurs nucléaires français aussi fragiles que ceux de Fukushima ). Enfin, une équipe internationale a passé au crible ces rapports des autorités de sûretés.
Cette “analyse par les pairs” s’est concentrée sur trois aspects : les risques naturels, la perte des systèmes de sûreté et la gestion des accidents graves.
Greenpeace publie aujourd’hui sa contre-expertise de l’évaluation finale par les pairs qui a été été étudiée, décortiquée, analysée par Antonia Wenisch et Oda Becker experts indépendants. Ces experts ont donc étudié en profondeur des cas de centrales nucléaires réparties dans toute l’Europe en France, Allemagne, Espagne, Suède, Grande-Bretagne, Slovaquie, Slovénie, Suisse et en Belgique, découvrant ainsi des éléments inquiétants.
Des audits lacunaires …
Malgré un processus complet, l’audit commandé par l’Union Européenne reposait sur des bases incomplètes. La réalisation de l’audit commandité par le gouvernement Français a été confiée aux exploitants nucléaires eux-mêmes, (CEA, Areva et EDF) et celui-ci a été analysé par l’Autorité de Sûreté Nucléaire.
Cet audit, réalisé intégralement au sein du consortium nucléaire français, s’est borné à étudier les problèmes liés à des événements naturel (séismes, inondations…). Risque terroriste, chute d’avion, virus informatique : aucun risque d’agression externe d’origine “non-naturelle” n’est pris en compte.
Il est à noter cependant que l’évaluation de la sécurité des installations nucléaires, qui complète les audits de sûreté, vient d’être transmise au Conseil de l’UE. Il ne s’agit pas, ici, de sûreté, mais de sécurité nucléaire : la sécurité des installations concerne les actes malveillants tels que les actions terroristes, le vol de matière radioactive ou l’intrusion sur les sites (physique ou informatique).
En France : zoom sur Fessenheim, Gravelines et Cattenom
Le rapport reprend les principales failles relevées par l’ASN et sur lesquels les exploitants devront travailler pour chaque famille de risques analysée : risque sismique, risque d’inondation, perte des systèmes électriques, perte des systèmes de refroidissement et enfin la gestion d’une crise nucléaire.
Pour chaque site analysé, les experts relèvent :
Fessenheim :
La résistance à un séisme des structures destinées à protéger la centrale d’une inondation n’a pas été analysée dans les stress tests. L’ASN a demandé à EDF d’évaluer précisément le niveau d’eau qui inonderait le site de Fessenheim si jamais la digue qui le sépare du canal d’Alsace venait à céder
L’épaisseur du radier ne permet pas de confiner le corium en fusion pendant plus de 24 heures, délai au delà duquel le corium aura transpercé la dalle de béton. Fessenheim (comme a Gravelines) est particulièrement sensible aux agressions externes dans la mesure où il n’y a qu’une simple enceinte de confinement avec un liner (paroi métallique de 6 mm d’épaisseur).
Gravelines :
La centrale de Gravelines doit effectuer un certain nombre d’améliorations sur la prise en compte du risque sismique, les travaux qui avaient déjà commencé sur le réacteur n°1 s’achèveront sur les 5 autres d’ici à 2017. L’ASN a demandé à EDF de mener des études additionnelles sur la tenue des murs du canal au risque sismique notamment afin de s’assurer du maintien du système de refroidissement assuré par ce canal.
La centrale n’est pas protégée contre une éventuelle fuite de gaz toxique sur un site voisin qui nécessiterait l’évacuation des travailleurs de la centrale
Cattenom :
A l’inverse des deux autres centrales, la centrales dispose d’un double niveau de confinement avec deux parois en béton, ce qui la rend plus résistante aux agressions extérieures. En revanche l’absence de liner métallique interne la rend plus exposée aux agressions internes comme une explosion d’hydrogène.
Mais les experts de Greenpeace sont allés au delà du travail de l’ASN, soulignant au sujet des réacteurs de 900 MW et de 1300 MW que :
Le vieillissement des centrales peut jouer un rôle dans l’aggravation du phénomène accidentel voire provoquer le phénomène accidentel, comme par exemples les micro fissures découvertes sur la cuve du réacteur n°1 de Gravelines.
L’usage de gaines de combustibles en zirconium joue un rôle non négligeable dans le rejet d’hydrogène et le risque d’explosion en situation de dénoyage des combustibles (les assemblages combustibles ne sont plus submergés dans l’eau mais sont à l’air libre). De même le recours à la sous-traitance n’a pas été traité de façon à parvenir à le conclusion qu’il était compatible avec la sûreté et la radioprotection
Les tests de résistance auxquels sont soumises les centrales nucléaires européennes ne sont pas fiables. ils ne semblent constituer, pour l’instant, qu’une tentative pour restaurer la confiance dans le nucléaire…
Face aux conclusions de l’étude commandée par Greenpeace, la fermeture immédiate de Fessenheim s’impose. Greenpeace souhaite que l’ASN travaille sur les nivaux de risques et de dangerosité… afin d’identifier les autres fermetures nécessaires.