Des militants de Greenpeace déploient, le 18 mars 2014, une banderole sur l'un des réacteurs de la centrale de Fessenheim.
© Sebastien Bozon / AFP Claire Stam
Après les militants antinucléaires allemands, c’est au tour des politiques à Berlin d’exiger de François Hollande qu’il tienne sa promesse électorale. La ministre allemande de l’Environnement vient d’écrire à sa consœur française, Ségolène Royal, la pressant de fermer la plus vieille centrale française au plus vite. Le ton s’est nettement refroidi à Berlin à mesure que l’échéance de 2016 (date à laquelle Fessenheim doit être fermée) approche. Et les dernières déclarations de la ministre française de l’Environnement ne sont pas faites pour le réchauffer.
Le ton est courtois. Mais le propos est ferme: "je vous prie de m’informer du calendrier et des procédures que vous avez l’intention de suivre pour l’arrêt de Fessenheim". Dans son courrier adressé à Ségolène Royal, la ministre allemande de l’Environnement, la sociale-démocrate Barbara Hendricks, ajoute: "comme vous le savez, la population vivant dans les zones frontalières est très préoccupée par la sûreté de la centrale. Je vous prie vivement de prendre en compte ces préoccupations lorsque vous pèserez le pour et le contre lors de vos décisions, et de prévoir l’arrêt de Fessenheim à une échéance aussi rapide que possible".
En service depuis 1977 et dotée de deux réacteurs d’une puissance de 900 mégawatts chacun, Fessenheim se trouve à... 1,5 km de la frontière allemande et à 20 km de Fribourg-en-Brisgau.
Fessenheim ? Une centrale "poubelle"
L’initiative de la ministre allemande de l’Environnement fait suite aux nombreuses interrogations qu’a suscitées en Allemagne le flou des propos de François Hollande lors de son intervention sur France Inter le 5 janvier. Le chef de l’Etat n’y a indiqué aucune date précise quant à la fermeture de la centrale alsacienne.
Et les dernières déclarations de Ségolène Royale annonçant une relance du nucléaire ont semé un trouble bien plus grand encore outre-Rhin. La colère gronde dans la sphère politique allemande, devant la volte-face française.
Et les mots ne sont pas tendres. "Alors que nous fermons nos centrales les plus dangereuses, il est intolérable de voir qu’une centrale poubelle, située directement à la frontière et encore plus dangereuse que les nôtres, voit non seulement sa date de fermeture repoussée à la Saint-Glinglin, mais puisse encore fonctionner", s’indignait il y a quelques jours encore la députée au Bundestag Sylvia Kotting-Uhl, des Bündnis 90/Die Grünen (les Verts), et porte-parole du groupe parlementaire sur les questions nucléaires.
1,6 million de riverains inquiets
L’inquiétude des habitants de la région ne repose pas sur rien. Ils ont le sentiment de voir les intérêts économiques et industriels prévaloir sur leur sécurité. "Nous avons la centrale devant les yeux tous les jours, rapporte Didier Nocus, membre du collectif "Fessenheim Stilllegen. JETZT!" - "Fermer Fessenheim. Maintenant !"). Et les pannes à répétition de la centrale nous inquiètent. Pourquoi vouloir à tout prix la faire encore fonctionner si ce n’est pour des intérêts économiques?"
La mobilisation ne s’arrête pas à la frontière. Corinne Lepage représente l’Association trinationale de protection nucléaire (ATPN), qui défend les habitants du Rhin supérieur, soit le triangle formé par la France, l’Allemagne et la Suisse (Fessenheim se trouve à 40 km de Bâle). Dans un communiqué publié à l’occasion de l’élection de François Hollande à la présidence de la République en 2012, les associations antinucléaires d’Alsace rappelaient que près de 1,6 million de riverains, habitant précisément dans cette région, ont voté pour des motions exigeant la fermeture de Fessenheim.
Trois ans après, le courrier de Barbara Hendricks somme Paris de ne pas l’ignorer.