Coupures d'électricité cet hiver : un risque majeur pour les installations d'eau et d'assainissement
L'hiver prochain verra peut-être le pays, pour la première fois depuis des décennies, touché par des coupures d'électricité et de gaz. Les conséquences de celles-ci sur les installations d'eau et d'assainissement pourraient être graves, alerte la FNCCR, qui demande que ces installations soient classées prioritaires.
Édition du mardi 20 septembre 2022
Par Franck Lemarc
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les installations de potabilisation de l’eau et d’assainissement ne font pas partie des industries « prioritaires » en cas de délestage du réseau électrique. C’est un arrêté du 5 juillet 1990 qui fixe les règles : il y est indiqué qu’en cas de délestage, « la satisfaction des besoins essentiels de la nation est assurée par le maintien d'un service prioritaire », qui comprend : les hôpitaux, cliniques et laboratoires « qui ne sauraient souffrir d'interruption dans leur fonctionnement sans mettre en danger des vies humaines », les installations de signalisation et d’éclairage de la voie publique et, enfin, les « installations industrielles qui ne sauraient souffrir, sans subir de dommages, d'interruption dans leur fonctionnement, particulièrement celles d'entre elles qui intéressent la défense nationale ».
L'arrêté précise également que « des listes supplémentaires d’usagers » peuvent être établies par les préfets, « en tant que de besoin ».
Risques multiples
Les installations d’eau et d’assainissement ne figurent donc pas dans cet arrêté, malgré les tentatives de la FNCCR auprès de la Direction de l’eau et de la biodiversité de faire évoluer la réglementation, explique à Maire info Régis Taisne, chef du département Cycle de l’eau à la FNCCR. « Dans certains départements, il a été possible de négocier avec les préfets et Enedis que certaines installations soient considérées comme points de livraison prioritaire, mais dans d’autres, avec y compris de grandes agglomérations, les préfets disent ‘’non, vous n’êtes pas dans la liste’’ ».
Pourtant, un arrêt de plusieurs heures de l’approvisionnement en énergie de ces installations pourrait avoir de graves conséquences. « Pour l’eau potable, les conséquences d’un arrêt de production, dans les hôpitaux par exemple, sont évidentes, explique Régis Taisne. Pour l’assainissement, si les pompes s’arrêtent, c’est de la pollution qui va directement dans le milieu naturel ». Sans compter, enfin les risques pour la sécurité civile : dans les agglomérations, l’essentiel des points d’eau utilisés par les pompiers sont alimentés par le réseau d’eau potable.
Situations variables
Mais des coupures de quelques heures – le gouvernement a parlé d’éventuelles coupures localisées de deux heures en cas de pénurie – suffiraient-elles à mettre les installations en difficulté ? « C’est possible », répond l’expert de la FNCCR. En fait, la situation est très variable d’une installation à l’autre. « Certaines installations sont plus vulnérables que d’autres. Certaines peuvent tout à fait supporter quelques heures de baisse de puissance, voire de coupure, parce qu’elles ont déjà adapté leurs process pour soulager les appels de puissance au moment des heures de pointe. Mais je pense à certaines installations alimentées par de petits châteaux d’eau ou des surpresseurs… si on arrête les pompes, 15 minutes plus tard il n’y a plus d’eau dans le réseau. »
Et les groupes électrogènes mobiles dont sont équipées certaines grandes entreprises de distribution ne suffiront pas à résoudre le problème. « Il est évidemment hors de question de demander que chaque installation soit équipée d’un générateur, souligne Régis Taisne, cela reviendrait à acheter des dizaines de milliers de groupes électrogènes qui ne fonctionneraient qu’une fois tous les 5 ans ! »
S’organiser en amont
La FNCCR demande donc un traitement au cas par cas – à la différence de la FP2E (Fédération professionnelle des entreprises de l’eau), qui demande qu’aucune coupure ne puisse toucher les installations d’eau et d’assainissement. Pour la FNCCR, il conviendrait de distinguer trois types d’installations : celles qui peuvent s’arrêter complètement quelques heures, celles qui peuvent supporter une réduction temporaire de puissance, et celles qui ne doivent subir aucune coupure. Si un audit précis était réalisé – suffisamment en amont –, il deviendrait ainsi par exemple possible de centraliser les groupes électrogènes mobiles là où ils sont indispensables, et de prévoir à l’avance les installations qu’Enedis devrait « servir » de façon prioritaire.
Le maître mot, explique Régis Taisne, est « l’anticipation ». « Certaines installations peuvent s’adapter à une diminution de la puissance fournie, mais pas si elles sont prévenues à 6 heures du matin pour 9 heures ! Il est indispensable de s’organiser à l’avance. »
La Fédération ne se montre pas défaitiste : « Clairement, le message n’est pas qu’on ne peut rien faire », insiste l’expert. Mais le temps presse. Il devient urgent d’identifier, avec les exploitants et les collectivités, les installations qui sont « délestables » et celles qui ne le sont pas. Les services de l’État, pour l’instant, ne font pas montre d’une grande réactivité sur ce sujet, ce qui a poussé la FNCCR à s’exprimer par communiqué sur ce sujet, jeudi dernier. L’hiver approche…