Stations d’épurations qui débordent, baignade interdite pour cause de pollution bactériologique… Et si une partie de la solution se trouvait au petit coin ? Des alternatives existent pour préserver l’eau potable.
02 SEPT. 2022 - 17:45h
Anaiz Aguirre Olhagaray
À Itxassou, Patrick Astruc (K-Caravane) travaille à un nouveau prototype de toilettes sèches. Guillaume FAUVEAU
Les toilettes représentent 20% de notre con-sommation quotidienne d’eau potable, derrière les bains et les douches (39%). Alors que le Pays Basque Nord souffre d’une sécheresse sans précédent, le système des toilettes conventionnelles a de quoi poser question. À chaque chasse d’eau tirée, ce sont en moyenne neuf litres d’eau potable qui sont éliminés et contaminés par nos excréta (urine et excréments). Heureusement, des alternatives existent pour mettre un terme au gaspillage de cette ressource si précieuse.
Au Pays Basque, chaque été - parfois à d’autres époques de l’année - se pose la même équation : la surfréquentation touristique et des pluies intenses provoquent le débordement des stations d’épurations et pollution des cours d’eau et des eaux de baignade. “Le paradoxe, c’est que dans une station d’épuration tout est mélangé, les eaux vannes [issues des toilettes] et les eaux grises. Ces dernières représentent 99% du volume total. Les stations doivent traiter le 1% de pollution bactériologique avec le reste”, souligne Patrick Astruc, fabricant de toilettes sèches à Itxassou et membre de l’association RAE (Réseau de l’assainissement écologique).
“Si on enlevait les eaux des toilettes on réduirait considérablement les coûts d’une station d’épuration, les risques de débordement, les volumes, le coût pour la collectivité, pour le tourisme, pour la santé… Il y a beaucoup de conséquences. Et je ne parle pas de la perte de matière première, au potentiel énergétique et fertilisant énorme.”
En Bretagne, toilettes sèches à tous les étages
Si les toilettes sans eau s’imposent de plus en plus en festivals ou au fond du jardin, l’extension de leur usage à l’espace privé et domestique paraît encore utopique. Patrick Astruc, qui a lancé son entreprise K-Caravane il y a quatre ans, cible surtout les évènements et espaces publics. Mais il est d’avis que le moment est venu de faire la révolution du petit coin, y compris dans les logements particuliers.
“J’ai pris ce positionnement de faire de l’événementiel parce que ça démocratise l’usage. Les gens ont besoin d’y aller, il n’y a pas d’autre endroit. J’ai peut-être 500000 personnes qui sont entrées dedans, et qui ont la bonne image des toilettes sèches maintenant. On arrive au point où on peut enfin faire maturer dans les esprits qu’on peut en avoir chez soi. En effet, peut-être qu’il est temps que les gens s’y mettent”, acquiesce-t-il.
Des toilettes sans chasse d’eau à tous les étages? La commune de Dol-de-Bretagne l’a fait, en décidant d’installer des toilettes sèches dans toute une résidence gérée par une coopérative d’habitants. Une première dans l’État français, où jusque-là aucun habitat ne comptait d’assainissement écologique collectif.
À Bordeaux, La Fumainerie collecte et valorise
Née en 2019, l’association bordelaise La Fumainerie est allée plus loin. Elle est la première structure de l’Hexagone à avoir expérimenté la collecte et la valorisation des excréta. “Nous avons mené une expérimentation de juillet 2020 jusqu’à il y a quelques jours. L’idée était de montrer aux collectivités qu’il est possible de monter une filière de valorisation et de gestion de collecte des matières fécales et des urines en milieu urbain. Pour ce faire, 35 foyers et petites entreprises ont été sélectionnées sur la base du volontariat, pour l’installation de toilettes sèches chez eux. La collecte se faisait une fois par semaine, en vélo cargo”, explique Mathilde Le Cadre, coordinatrice de l’association. De même queK-Caravane, La Fumainerie a travaillé en partenariat avec l’entreprise girondine Toopi Organics, qui fabrique du stimulant pour les plantes à base d’urine.
À son échelle, l’expérience a été une réussite. Même une fois achevée, “beaucoup de personnes ont souhaité garder les toilettes sèches et quand elles le pouvaient, pouvoir valoriser les matières chez elles quand elles sont en petites maisons ou dans des jardins partagés, et pouvoir mettre leurs matières fécales et leurs urines dans des composteurs”, se félicite la responsable associative. “Ces alternatives sont demandées, assure-t-elle. On a retenu 35 foyers, on a eu 170 demandes en plus et on continue d’avoir des demandes aujourd’hui. Ce sont seulement des volontaires, ce n’est pas nous qui avons été chercher des gens.”
Plus de 500 m³ économisés
Pour Mathilde Le Cadre, le projet pilote de La Fumainerie a confirmé une chose : “On a vraiment pu démontrer aux collectivités, qui nous ont soutenus et avaient hâte de voir les résultats, que pour développer une telle filière il fallait forcément changer d’échelle. Il faut que les collectivités s’emparent de cette collecte et en fassent un service public”, plaide-t-elle. En douze mois d’expérimentation, La Fumainerie a collecté un total de près de 2,4 tonnes de fèces et 7500 litres d’urines bruts. Quant à l’économie d’eau potable, elle est estimée à près de 506500 litres.
K-Caravane, La Fumainerie, Vesbateco (voir encadré ci-contre), Toopi Organics... tous ces acteurs de la toilette écologique œuvrent à économiser là où cela est possible la ressource en eau, dont le Pays Basque Nord a constaté pour la première fois au cours de cet été qu’elle pouvait venir à manquer.
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