Collier connecté, traceur GPS… « L'agriculture connectée » est l'un des thèmes à l'honneur au Salon de l'agriculture, qui se tient jusqu'au 6 mars à Paris. À l'opposé, Thomas Erguy, coordinateur de l'association Biharko lurraren elkartea, défend la communication sensible avec le vivant.
01 MAR. 2022
Anaiz Aguirre Olhagaray
La société Lean Connected estime que le collier connecté « protège » les troupeaux. © Chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques.
« Numérique, robotique, génétique » : ce sont les trois priorités de la « troisième révolution agricole », affichées par Emmanuel Macron. Le président l'avait annoncé lors de la présentation à l'automne dernier du plan d'investissement France 2030 ; il l'a rappelé samedi 26 février, lors de sa courte visite au Salon de l'agriculture à Paris. Déjà « près de 3 milliards d'euros » ont été consacrés à chacun de ces domaines dans le cadre du plan de relance.
Mardi 1er mars, à l'occasion de la journée des Pyrénées-Atlantiques, « l'agriculture connectée » et « les nouvelles solutions » numériques figuraient parmi les thèmes mis en avant. Quatre entreprises basées dans le département, dont deux au Pays Basque, ont présenté leurs outils : collier connecté pour le « suivi des troupeaux » et « l'optimisation de l'estive » (Lean Connected) ; prototype de traceur GPS satellitaire pour suivre les animaux en estive (Agiltech) ; logiciel pour anticiper l'approvisionnement agricole dans la filière végétale (Hyperplan) et une application permettant de « concilier réemploi de contenant avec information et traçabilité » (Mayam).
Contacté par MEDIABASK, Patrice Duboe, de Lean Connected, estime que le collier connecté répond à un besoin. L'outil, qui géolocalise l'animal en temps réel, peut d'après lui « protéger », par exemple en cas de vêlage. Il peut également servir à retrouver une brebis égarée. « Les troupeaux ne sont pas toujours sous la surveillance du berger », pointe-t-il.
Ni prudent, ni performant
C'est une tout autre vision de l'agriculture que défend Thomas Erguy, coordinateur de l'association Biharko lurraren elkartea (Ble-Civam Bio). « Sur les trois thèmes [évoqués par E. Macron] on est en opposition », lâche-t-il. À la « robotique » prônée par le chef de l'État, lui préfère parler « d'emploi, de métier lié au vivant, au sol, à la terre et à la nature ». Le numérique ? « Nous on est plutôt à essayer de former les paysans et à échanger des expériences pour qu'ils puissent avoir des outils et des compétences observationnelles. Avec des outils simples, on arrive à sortir des choses tout à fait suffisantes pour piloter une fertilisation », affirme-t-il.
Quant à la génétique, « là c'est le pompon. Jouer à l'apprenti sorcier génétique ne nous paraît ni prudent, ni performant, alors qu'on a beaucoup progressé dans la connaissance des écosystèmes et des fonctionnements biologiques ou physiologiques des êtres vivants. Progresser sur cette connaissance-là nous fait gagner beaucoup plus de temps que d'aller chercher des solutions en laboratoire » estime Thomas Erguy.
Nouvelle dépendance énergétique
Le coordinateur de Ble craint une nouvelle dépendance à des ressources non renouvelables. « Aujourd'hui l'agriculture dépend du pétrole, pour être très caricatural. L'informatisation et la robotisation ont un coût environnemental énorme, qui n'est jamais pris en compte dans la balance. Combien de lithium ? Combien de batteries ? Pour vraiment évaluer une performance de ce type de technologies, il faut prendre en compte l'ensemble des coûts environnementaux » considère-t-il.
Sans parler du coût économique. « L'année dernière, un robot de désherbage en maraîchage a été présenté dans les Landes. Il coûtait 40 000 euros. Rien que pour rembourser son robot, le maraîcher doit vendre 120 000 salades ! »
Comprendre les signaux
Même s'il reconnaît au numérique un côté « utile » notamment pour la comptabilité ou encore les déclarations au titre de la Politique agricole commune (Pac), Thomas Erguy dénonce une « fausse bonne idée » et « un rêve démiurgique de vouloir maîtriser, tracer, suivre le monde du vivant ».
« Travaillons plutôt à de l'agronomie, de la biologie, de l'écologie productive mais naturelle ! », soutient-il. L'une des dernières formations proposées par l'association Ble a consisté à enseigner la communication sensible avec les animaux, afin de « comprendre les signaux ». « Pas besoin d'un capteur ou d'un robot qui enregistrerait la dilatation d'une pupille de vache pour savoir si elle a faim ! » ironise Thomas Erguy.