Le glyphosate a encore de beaux restes malgré son interdiction chez les particuliers depuis le 1er janvier 2019. Disponible à la vente dans l'État espagnol, il a toujours la cote en dépit d'alternatives naturelles. Mais pas toujours celles que l'on croit.
18 MAR. 2022 - 07:30h
Ludivine CHARNIGUET
Les collectivités locales ont été les premières à bannir les pesticides chimiques comme le glyphosate. Depuis le 1er janvier 2017, une grande partie des espaces ouverts au public est entretenue via un désherbage thermique ou manuel, dans le cadre de la loi Labbé. Conçus pour détruire des organismes vivants, ces produits de synthèse ne sont pas sans conséquences sur l'environnement et sur notre santé, à plus ou moins court terme. Par exemple, il a été montré que les insecticides ont de nombreux effets aigus et chroniques sur les pollinisateurs comme les abeilles » explique Marion Delaye, inspectrice environnement au sein de l'OFB* (Office français de la biodiversité) dans le département des Pyrénées-Atlantiques.
Deux ans plus tard, cette loi s'applique aussi aux particuliers qui ne peuvent plus ni stocker ni utiliser de produits phytopharmaceutiques (PPP) (herbicides, fongicides, insecticides…) de synthèse, « un délit qui peut être sanctionné par de lourdes peines, jusqu’à six mois d’emprisonnement et 150 000 € d’amende » précise l'inspectrice. Mais voilà, de l'autre côté de la frontière, le glyphosate est toujours disponible à la vente, sans réglementation. « C'est un vrai problème » déplore-t-elle.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, une vingtaine d'agents de l'OFB patrouillent. « Nous inspectons les fossés, les bords de caniveaux et les cours d'eau. C'est simple, dès que l'on voit de l'herbe jaunie, on sait qu'il y a eu du désherbage chimique » explique Marion Delaye. Pourtant mise en place le 1er janvier 2019, la nouvelle loi ne semble pas arrêter les amateurs de Roundup. « Peu de communication a été faite pour les particuliers, contrairement aux agriculteurs. » Ces derniers ont dû suivre une formation afin d'obtenir leur « Certiphyto » et, via une carte professionnelle, peuvent acheter ces produits en magasins. « Le glyphosate peut encore être utilisé par les agriculteurs mais ils ne doivent pas traiter à cinq mètres d'un cours d'eau. Cela fait partie de nos missions de contrôle » précise Marion Delaye. Difficile de faire comprendre alors à un particulier, voisin d'un agriculteur, de ne pas toucher aux puissants produits de désherbage. « La mission de l'OFB a débuté en 2020 et déjà, plusieurs sanctions ont été prises à l'encontre de particuliers » reconnaît l'inspectrice.
« On voit de tout et surtout du grand n'importe quoi sur le Net »
Quelles sont alors les options pour les particuliers qui veulent désherber leur jardin ? Il faut acheter des produits de biocontrôle, portant la mention « emploi autorisé dans les jardins » (EAJ). Ils sont souvent à base d'acide pélargonique, un acide gras d'origine végétale que l'on trouve par exemple dans les géraniums. « Mais ces produits de biocontrôle restent des herbicides et parfois, les particuliers ont tendance à doubler les doses... » Soucieux de l'environnement, certains jardiniers amateurs adoptent vers des méthodes plus « naturelles » et le mieux est alors l'ennemi du bien. « Beaucoup se tournent vers le vinaigre blanc, le sel, la javel… et piochent sur Internet un dosage. C'est pire ! On voit de tout et surtout du grand n'importe quoi sur le Net » regrette Marion Delaye. La substance active de la javel, l'hypochlorite de sodium, est en fait très toxique pour les organismes vivant dans l'eau et le sol et c'est aussi nocif pour l'homme (en l'inhalant ou au contact de la peau). « Le sel est très nocif pour les vers de terre et autres habitants des sols. Il modifie aussi la structure des sols et réduit sa perméabilité. L'utilisation de ces produits constitue le même délit que l’utilisation de PPP de synthèse » précise l'inspectrice.
Quant au vinaigre, s'il est mal dosé, il acidifie le sol et entrave donc la vie microbienne. « Le vinaigre (blanc) est autorisé, pour les jardins (usage Jevi : Jardins, espaces végétalisés, infrastructures), pur s’il est à 6% maximum d’acidité, sinon il faut une dilution à 60/40 à partir d’un vinaigre à 10 % » explique l'inspectrice. Bien sûr, il reste l'option du désherbage manuel ou encore le paillage, qui permet de ralentir la repousse.
À quelques jours du printemps, nombreux sont les propriétaires de jardins qui trépignent d'impatience à l'idée de revoir fleurir massifs et allées. Et ils sont de plus en plus nombreux également à avoir conscience de l'importance de la biodiversité. Celle-ci reste fragile et doit être respectée dans chaque petit coin de verdure. « Il faut apprendre à jardiner autrement », recommande Marion Delaye.
Cimetières et terrains de sport
Les collectivités locales ont montré la voie mais certaines exceptions persistent. Dans les cimetières par exemple, l'usage des pesticides était encore toléré. Il ne le sera plus à compter du 1er juillet 2022. Les communes qui n'ont pas anticipé cette interdiction devront faire preuve de pédagogie auprès du public et composer avec le retour de la nature sur ce type de site. Idem pour les terrains de sport municipaux qui ne seront plus exempts de cette interdiction dès le 1er juillet 2022. Seuls terrains à bénéficier d'un délai supplémentaire : les golfs, les hippodromes, les terrains de tennis sur gazon et autres « terrains de grands jeux » qui pourront utiliser les PPP jusqu'en 2025.
*Créé le 1er janvier 2020, l'OFB est sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère de l'Agriculture et de l'alimentation. Il est né de la fusion de l'Agence française pour la biodiversité et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Source: https://www.mediabask.eus/fr/info_mbsk/20220318/pesticides-quelles-options-pour-les-particuliers