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24 novembre 2021 3 24 /11 /novembre /2021 19:06
Conseil d’Etat : 6 mois pour se débarrasser (ou presque) des pesticides dans les zones Natura 2000

Sur un recours de France nature environnement (FNE), ce jour, le Conseil d’Etat vient :

  • de censurer le refus de l’Etat visant à prendre les mesures, imposées par le droit européen visant à supprimer ou réduire drastiquement l’usage de pesticides de synthèse dans les sites Natura 2000 (visés à l’article L. 414-1 du code de l’environnement).
  • d’enjoindre à l’Etat d’adopter, dans les 6 mois, des mesures réglementaires en ce sens (d’application du 3° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, donc).

 

Voici cette décision, tout à fait précise, diffusée à l’instant par FNE :

CONSEIL D’ETAT

statuant
au contentieux

N° 437613

__________

ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT
__________

Mme Airelle Niepce Rapporteure __________

M. Olivier Fuchs Rapporteur public __________

Séance du 8 octobre 2021 Décision du 15 novembre 2021 __________

PD

Vu la procédure suivante :

REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 6ème et 5ème chambres réunies)

Sur le rapport de la 6ème chambre de la Section du contentieux

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 janvier et 25 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France nature environnement demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par les ministres de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de la santé, de l’agriculture et de l’alimentation et de l’économie et des finances, sur sa demande, reçue le 16 septembre 2019, de prendre les mesures d’application des 2° et 3° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime intervenus en transposition des articles 11 et 12 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ;

2°) d’enjoindre aux ministres précités d’arrêter les dispositions réglementaires portant application des 2° et 3° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, conformément aux dispositions des articles 11 et 12 de la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009, dans un délai de six mois à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Elle soutient que la décision implicite qu’elle attaque méconnaît les dispositions des articles 11 et 12 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ainsi que celles de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime assurant leur transposition, dès lors que ni l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du même code, ni aucune autre disposition réglementaire de portée générale ne comporte de mesures destinées à interdire ou encadrer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les zones protégées mentionnées à l’article L. 211-1 du code de l’environnement ainsi que dans les zones recensées aux fins de la mise en place de mesure de conservation visées à l’article L. 414-1 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête. Elle soutient que le moyen soulevé n’est pas fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2020, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, indique s’en remettre aux observations de la ministre de la transition écologique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance, indique s’en remettre aux observations de la ministre de la transition écologique.

23 octobre 2000 ; 17 juin 2008 ;
21 octobre 2009 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 ;
– la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
-la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du

-la directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du

-la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du

-la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 ;

– le code de l’environnement ;
– le code rural et de la pêche maritime ; – le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes, – les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L’association France nature environnement demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision de rejet implicite née du silence gardé par les ministres de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de la santé, de l’agriculture et de l’alimentation et de l’économie et des finances sur sa demande, reçue le 16 septembre 2019, tendant à ce que soient prises les dispositions réglementaires d’application des 2° et 3° de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, pris pour la transposition des articles 11 et 12 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

Sur le cadre juridique applicable :

2. D’une part, en vertu de l’article 11 de la directive du 21 octobre 2009 précitée, les Etats membres font en sorte que des mesures appropriées soient adoptées pour protéger le milieu aquatique et l’alimentation en eau potable contre l’incidence des pesticides. Ces mesures consistent notamment à privilégier les pesticides qui ne sont pas considérés comme dangereux, à privilégier les techniques d’application les plus efficaces, à utiliser des mesures d’atténuation qui réduisent le risque de pollution par dérive, drainage et ruissellement, et à réduire ou proscrire les pulvérisations sur des surfaces où le risque de ruissellement est élevé. En outre, en vertu de l’article 12 de la même directive, les Etats membres doivent veiller à ce que l’utilisation de pesticides soit restreinte ou interdite dans les trois types de zones spécifiques énumérées par cet article, notamment les zones protégées telles qu’elles sont définies dans la directive du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau ou les autres zones recensées aux fins de la mise en place des mesures de conservation nécessaires conformément aux dispositions des directives du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, désormais remplacée par la directive du 30 novembre 2009 ayant le même objet, et du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages.

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime pris pour la transposition des articles 11 et 12 de la directive du 21 octobre 2009 précitée, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « I.- (…) l’autorité administrative peut, dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement, prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention des produits mentionnés à l’article L. 253-1 du présent code et des semences traitées par ces produits. (…) / L’autorité administrative peut interdire ou encadrer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières, et notamment : (…) ; / 2° Les zones protégées mentionnées à l’article L. 211-1 du code de l’environnement ; / 3° Les zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l’article L. 414-1 du code de l’environnement ; / (…) » Aux termes de l’article R. 253-45 du

code rural et de la pêche maritime : « L’autorité administrative mentionnée à l’article L. 253-7 est le ministre chargé de l’agriculture. / Toutefois, lorsque les mesures visées au premier alinéa de l’article L. 253-7 concernent l’utilisation et la détention de produits visés à l’article L. 253-1, elles sont prises par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation. »

4. Il résulte de ces dispositions qu’il appartient à l’autorité administrative de prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière, s’agissant de la mise sur le marché, de la délivrance, de l’utilisation et de la détention de produits phytopharmaceutiques, qui s’avère nécessaire à la protection de la santé publique et de l’environnement. A cet égard, il lui incombe en particulier d’adopter les dispositions nécessaires à la protection des zones particulières mentionnées au I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, notamment, comme le prévoient le 2° et le 3° de ces dispositions, les zones protégées mentionnées à l’article L. 211-1 du code de l’environnement et les zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l’article L. 414-1 du code de l’environnement, conformément aux exigences posées par les directives citées au point 2. Si ces dispositions peuvent être adoptées dans le cadre de l’arrêté de portée générale mentionné à l’article R. 253-45 du code rural et de la pêche maritime, ni les dispositions de cet article, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne s’oppose à ce qu’elles interviennent sur le fondement d’autres dispositions législatives ou réglementaires, le cas échéant propres à chacune de ces zones.

5. En conséquence, le respect des obligations qui incombent à l’autorité administrative en vertu des dispositions citées au point 3 doit être apprécié tant au vu des dispositions de l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants pris sur le fondement des dispositions de l’article R. 253-45 du code rural de la pêche maritime, qu’au regard des dispositions législatives et réglementaires spécifiques aux zones protégées de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, identifiées à l’article R. 212-4 du même code, ainsi qu’aux zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l’article L. 414-1 du même code, mentionnées respectivement aux 2° et 3° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime.

Sur la légalité du refus opposé à la demande de l’association requérante :

En ce qui concerne l’interdiction ou l’encadrement de l’utilisation des produits

phytopharmaceutiques dans les zones de captage d’eau potable destinée à la consommation humaine mentionnées au 1° de l’article R. 212-4 du code de l’environnement :

6. L’article 2 de l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit que des moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour éviter l’entrainement des produits phytopharmaceutiques hors de la parcelle ou de la zone traitée et pose une condition d’intensité maximale du vent, de même que, depuis l’intervention d’un arrêté modificatif du 27 décembre 2019, une condition d’intensité maximale des précipitations pour l’utilisation de ces produits. Son article 4 interdit « toute application directe de produit sur les éléments du réseau hydrographique » qui « comprennent les points d’eau mentionnés à l’article 1er, les bassins de rétentions d’eau pluviales, ainsi que les avaloirs, caniveaux et bouches d’égouts ». Enfin, son article 12 définit des largeurs de zones non traitées à proximité de tous les points d’eau. Si, ainsi que le soutient l’association requérante, il ne comporte en revanche pas de mesures propres à assurer une protection spécifique des zones protégées identifiées à l’article R. 212-4 du code de l’environnement des incidences de l’usage éventuel de produits phytopharmaceutiques, la mise en œuvre des dispositions du 2° de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime doit, ainsi qu’il a été dit plus haut, également être appréciée au regard des dispositions législatives et réglementaires spéciales aux zones qu’elles mentionnent.

7. D’une part, le I de l’article L. 211-2 du code de l’environnement prévoit que

« les règles générales de préservation de la qualité et de la répartition des eaux superficielles souterraines et des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales sont déterminées par décret en Conseil d’État » et le 4° de son II précise que ces règles fixent notamment « les conditions dans lesquelles peuvent être interdites ou réglementées la mise en vente et la diffusion de produits ou de dispositifs qui, dans des conditions d’utilisation normalement prévisibles, sont susceptibles de nuire à la qualité du milieu aquatique ; / (…) ». Le I de l’article L. 211-3 du même code prévoit pour sa part qu’en complément de ces règles générales mentionnées à l’article L. 211-2 « des prescriptions nationales ou particulières à certaines parties du territoire sont fixées par décret en Conseil d’Etat afin d’assurer la protection des principes mentionnés à l’article L. 211-1. » A cet égard, le II de ce même article précise que l’autorité administrative peut en particulier : « 5° Délimiter, afin d’y établir un programme d’actions dans les conditions prévues au 4° du présent article : a) Des zones où il est nécessaire d’assurer la protection quantitative et qualitative des aires d’alimentation des captages d’eau potable d’une importance particulière pour l’approvisionnement actuel ou futur, (…). Le programme d’actions peut prévoir l’interdiction de l’usage de substances dangereuses pour la santé ou l’environnement sur ces zones ; / (…) » et « 7° Dans le cas d’une atteinte à la qualité des eaux conduisant ou pouvant conduire au non-respect des normes de potabilité, délimiter tout ou partie de certaines des aires d’alimentation de captages d’eau potable visées au 5°, pour y limiter, dans un délai de trois ans, l’usage agricole des terres à une implantation de prairies permanentes extensives ou de cultures ligneuses sans intrants ou, à défaut, y soumettre le maintien d’autres cultures au respect de conditions limitant ou interdisant l’utilisation d’intrants de synthèse et établir à cette fin, dans les conditions prévues à l’article L. 114-1 du code rural et de la pêche maritime, un plan d’action comportant, sous réserve du respect de la législation européenne, des mesures de compensation ; / (…) ». Enfin, l’article L. 211-11 du même code renvoie aux chapitres Ier, II et IV du titre II du livre III de la première partie du code de la santé publique l’énonciation des dispositions particulières relatives à la qualité des eaux destinées à l’alimentation humaine.

8. Pour l’application de ces dispositions, les articles R. 211-3 et suivants du code de l’environnement confient au ministre chargé de l’environnement et, le cas échéant, aux autres ministres compétents le soin de fixer par arrêté les règles et les prescriptions techniques nécessaires à la réalisation des objectifs fixés à l’article L. 211-1 de ce code et notamment « les mesures permettant d’assurer la protection des eaux, notamment de celles qui sont destinées à la consommation humaine ». L’article R. 211-110 du même code précise que : « Les dispositions applicables aux zones de protection des aires d’alimentation des captages définies par le 5° du II de l’article L. 211-3 (…) sont fixées par les articles R. 114-1 à R. 114-10 du code rural et de la pêche maritime » et l’article R. 211-110-1 précise que « Les dispositions relatives aux eaux potables (…) sont énoncées respectivement au chapitre 1er (…) du titre II du livre III de la première partie réglementaire du code de la santé publique ». A cet égard, l’article R. 114-6 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le programme d’actions mentionné à l’article L. 211-3 du code de l’environnement « définit les mesures à promouvoir par les propriétaires et les exploitants » parmi lesquelles, en vertu de son 6°, des actions en matière de gestion des produits phytosanitaires, les dispositions de l’article R. 114-8 encadrant les conditions dans

 

lesquelles le préfet peut rendre obligatoires ses mesures notamment dans les zones de protection des aires d’alimentation des captages.

9. D’autre part, aux termes de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable en l’espèce : « En vue d’assurer la protection de la qualité des eaux, l’acte portant déclaration d’utilité publique des travaux de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines mentionné à l’article L. 215-13 du code de l’environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l’intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d’installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l’intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés. / (…) » En vertu de l’article R. 1321-13 du même code, à l’intérieur du périmètre de protection immédiate du point de prélèvement d’eau, toute activité ou usage des sols autre que ceux explicitement autorisés dans l’acte déclaratif d’utilité publique est interdit, à l’intérieur du périmètre de protection rapprochée, toute activité ou usage des sols susceptible d’entraîner une pollution de nature à rendre l’eau impropre à la consommation humaine est interdit, et à l’intérieur du périmètre de protection éloignée, toute activité ou usage des sols présentent un danger de pollution pour les eaux prélevées ou transportées peut être réglementé.

10. Il résulte de ces dispositions que, soit au titre de la règlementation applicable aux aires d’alimentation des captages d’eau potable prévue par le code de l’environnement et le code rural et de la pêche maritime, soit au titre de la réglementation applicable aux prélèvements d’eau destinée à la consommation humaine prévue par le code de l’environnement et le code de la santé publique, l’autorité administrative, en fonction des caractéristiques de la zone de captage et des activités humaines susceptibles de s’y exercer, peut interdire ou encadrer, dans les conditions fixés par ces réglementations spéciales, l’usage de toute substance, y compris de produits phytopharmaceutiques afin de garantir la qualité des eaux prélevées destinées à la consommation humaine. Par suite, ces réglementations doivent être regardées comme mettant en œuvre les dispositions du 2° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, conformément aux exigences posées par la directive du 21 octobre 2009 précitée, pour ce qui concerne les zones de captage de l’eau destinée à la consommation humaine mentionnées au 1° de l’article R. 212-4 du code de l’environnement.

En ce qui concerne l’interdiction ou l’encadrement de l’utilisation des produits

phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000 visés à l’article L. 414-1 du code de l’environnement :

11. Aux termes de l’article L. 414-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « I.- Les zones spéciales de conservation sont des sites marins et terrestres à protéger comprenant : / – soit des habitats naturels menacés de disparition ou réduits à de faibles dimensions ou offrant des exemples remarquables des caractéristiques propres aux régions alpine, atlantique, continentale et méditerranéenne ; – soit des habitats abritant des espèces de faune ou de flore sauvages rares ou vulnérables ou menacées de disparition ; – soit des espèces de faune ou de flore sauvages dignes d’une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat ou des effets de leur exploitation sur leur état de conservation ; / II.- Les zones de protection spéciale sont : – soit des sites marins et terrestres

particulièrement appropriés à la survie et à la reproduction des espèces d’oiseaux sauvages figurant sur une liste arrêtée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ; – soit des sites marins et terrestres qui servent d’aires de reproduction, de mue, d’hivernage ou de zones de relais, au cours de leur migration, à des espèces d’oiseaux autres que celles figurant sur la liste susmentionnée. / (…) / IV.- Les sites désignés comme zones spéciales de conservation et zones de protection spéciale par décision de l’autorité administrative concourent, sous l’appellation commune de « sites Natura 2000 », à la formation du réseau écologique européen Natura 2000. / V.- Les sites Natura 2000 font l’objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l’objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces. / Ces mesures sont définies en concertation notamment avec les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements concernés ainsi qu’avec des représentants de propriétaires, exploitants et utilisateurs des terrains et espaces inclus dans le site. / Elles tiennent compte des exigences économiques, sociales, culturelles et de défense, ainsi que des particularités régionales et locales. Elles sont adaptées aux menaces spécifiques qui pèsent sur ces habitats naturels et sur ces espèces. Elles ne conduisent pas à interdire les activités humaines dès lors qu’elles n’ont pas d’effets significatifs sur le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable de ces habitats naturels et de ces espèces. / Les mesures sont prises dans le cadre des contrats ou des chartes prévus à l’article L. 414-3 ou en application des dispositions législatives ou réglementaires, notamment de celles relatives aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins, aux réserves naturelles, aux biotopes ou aux sites classés. » L’article L. 414-2 du même code prévoit que : « Pour chaque site Natura 2000, un document d’objectifs définit les orientations de gestion, les mesures prévues à l’article L. 414-1, les modalités de leur mise en œuvre et les dispositions financières d’accompagnement. / (…) ». Par ailleurs, l’article L. 414-4 du même code permet à l’autorité administrative de s’opposer notamment à tout projet, manifestation ou intervention dont la réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation des sites Natura 2000.

12. Sur le fondement de ces dispositions, l’article R. 414-11 du même code précise que le document d’objectifs mentionné à l’article L. 414-2 comprend notamment « les objectifs de développement durable du site permettant d’assurer la conservation et, s’il y a lieu, la restauration des habitats naturels et des espèces » qui ont justifié la désignation du site, des « propositions de mesures de toute nature permettant d’atteindre ces objectifs » ainsi que des modalités de suivi et de surveillance de ces mesures. L’article R. 414-12 du même code prévoit que la charte Natura 2000 afférente à chaque site est constituée d’une « liste d’engagements contribuant à la réalisation des objectifs de conservation ou de restauration des habitats naturels et des espèces définis dans le document d’objectifs » et portant « sur des pratiques de gestion des terrains et espaces inclus dans le site ». En vertu de l’article R. 414-12-1, le préfet doit s’assurer du respect des engagements souscrits dans le cadre de la charte Natura 2000. Enfin, les articles R. 414-13 à R. 414-17 du même code prévoient la possibilité de conclure des contrats Natura 2000 avec les titulaires de droits réels sur les terrains inclus dans un site donné, comportant également des engagements de gestion et de conservation devant être conformes aux orientations définies dans le document d’objectifs.

13. En outre, en ce qui concerne spécifiquement les sites marins, l’article L. 219-9 du code de l’environnement, qui transpose les objectifs de la directive du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, prévoit que l’autorité administrative « prend toutes les mesures nécessaires pour réaliser

ou maintenir un bon état écologique du milieu marin au plus tard en 2020 » et élabore, pour chaque région marine ou sous-région marine délimitée en application du II du même article, « un plan d’action pour le milieu marin » comprenant notamment un programme de mesures destinées à réaliser et maintenir un bon état écologique du milieu marin ou à conserver celui-ci. Pour l’application de ces dispositions, l’article R. 219-6 du même code renvoie à un arrêté du ministre chargé de l’environnement la définition du bon état écologique des eaux marines pour tous les plans d’action pour le milieu marin. L’annexe 1 de l’arrêté du 9 septembre 2019 relatif à la définition du bon état écologique des eaux marines et aux normes méthodologiques d’évaluation précise ainsi des seuils de bon état écologique selon le niveau de concentration d’un certain nombre de substances parmi lesquels plusieurs pesticides, conformément à l’annexe 1 de la directive du 17 juin 2008 précitée. Il résulte de ces dispositions que, s’agissant des sites marins relevant des zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l’article L. 414-1 du code de l’environnement, le dispositif réglementaire comporte des mesures destinées à s’assurer que les niveaux de concentration en pesticides respectent les seuils fixés à l’annexe 1 de l’arrêté du 9 septembre 2019 précité.

14. En revanche, s’agissant des sites terrestres, les dispositions réglementaires en vigueur ne permettent pas de garantir que l’utilisation de pesticides sera systématiquement encadrée voire interdite dans ces zones sur le fondement du document d’objectifs, de la charte Natura 2000 voire des contrats Natura 2000, en méconnaissance des exigences posées par l’article 12 de la directive du 21 octobre 2009 précitée et des dispositions de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime qui assurent sa transposition. Dans ces conditions, le pouvoir réglementaire doit être regardé comme n’ayant pas adopté les mesures qu’il était tenu de prendre pour l’application des dispositions du 3° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime pour ce qui concerne ces sites.

En ce qui concerne les autres zones :

15. Le moyen tiré de ce que le dispositif réglementaire applicable méconnaîtrait les dispositions des articles 11 et 12 de la directive du 21 octobre 2009 ainsi que celles de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime n’est, pour ce qui concerne les zones de production conchylicole et piscicole, également visées par l’article 11 de la directive et dont fait aussi état l’association requérante, assorti d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le refus implicite des ministres de prendre les mesures d’application du 2° et du 3° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, intervenu près de huit ans après le terme du délai de transposition de la directive du 21 octobre 2009 précitée tel que fixé à son article 23, est entaché d’illégalité en tant qu’il concerne les sites terrestres Natura 2000, visés à l’article L. 414-1 du code de l’environnement. L’association France nature environnement est par suite fondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision dans cette mesure.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

17. L’annulation de la décision implicite attaquée implique nécessairement l’édiction des mesures d’application des dispositions du 3° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime dans la mesure précisée au point précédent. Il y a lieu pour le

Conseil d’Etat d’ordonner cette édiction dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du

code de justice administrative :

18. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement à l’association France nature environnement d’une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE: ————–

Article 1er : La décision implicite de refus des ministres de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de la santé, de l’agriculture et de l’alimentation et de l’économie et des finances, de définir les mesures d’application des 2° et 3° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, est annulée en tant qu’elle concerne les sites terrestres Natura 2000 visés à l’article L. 414-1 du code de l’environnement.

Article 2 : Il est enjoint aux ministres de la transition écologique, des solidarités et de la santé, de l’agriculture et de l’alimentation et de l’économie et des finances, de prendre, les mesures réglementaires d’application qu’implique nécessairement le 3° du I de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime en ce qui concerne les zones mentionnées à l’article 1er, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L’Etat versera à l’association France nature environnement une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l’association France nature environnement et autre est rejeté.

Article5 : La présente décision sera notifiée à l’association France nature environnement, à la ministre de la transition écologique, au ministre de l’économie des finances et de la relance, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Copie en sera adressée la section du rapport et des études.

Délibéré à l’issue de la séance du 8 octobre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la Section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Jean- Philippe Mochon, Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d’Etat et Mme Airelle Niepce, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 15 novembre 2021.

La rapporteure :
Signé : Mme Airelle Niepce

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé

La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,
Pour le secrétaire du contentieux, par délégation :

 

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Source: https://blog.landot-avocats.net/2021/11/15/conseil-detat-6-mois-pour-se-debarrasser-ou-presque-des-pesticides-dans-les-zones-natura-2000/

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