Le 31 mai 2021
Texte à retrouver sur notre blog médiapart ou en version PDF ICI
Communiqué
Au-delà de son intention visant à lutter contre le « séparatisme », le projet de loi « confortant le respect des principes républicains » s’annonce très important par ses impacts sur le monde associatif avec notamment la conditionnalité de versement de subvention à la signature d’un Contrat d’engagement républicain qui sera publié ultérieurement par décret, ou encore l’extension des possibilités de dissolution d’associations. Ce projet de loi constitue une menace directe contre les associations et leur liberté d’action et d’expression. Que ce soit contre son principe même ou contre certaines de ses dispositions, le secteur associatif se prononce clairement.
Dès janvier 2021, le Collectif des Associations Citoyennes dénonçait un projet de loi laissant « une place importante aux interprétations et à l’arbitraire. Sous couvert de lutte contre un islamisme politique, il contient un ensemble de mesures inacceptables pour les associations. Ce sont les fondements mêmes de la reconnaissance de l’action du monde associatif qui sont revisités par ce texte législatif. »
Pour les signataires de la tribune à l’initiative du Mouvement Associatif, « Associations présumées coupables » (Animafac, l’Unaf, Coordination Sud, l’Association prévention routière, la Fédération de scoutisme français, France bénévolat, l’Unat, le Cnajep, l’Uniopss, Mona-Lisa, le Célavar, Familles rurales, la Cofac, le Casbc, La Fonda, France nature environnement, Citoyens et justice, Unis-Cité, La Ligue de l’enseignement, la Ligue des droits de l’homme, le Crid) « décerner une sorte de brevet préalable de conformité républicaine rappelle de très mauvais souvenirs dans l’histoire mouvementée de la liberté de s’associer : ceux des régimes de contrôle a priori du droit d’association instaurant une méfiance généralisée, bridant l’engagement des citoyens. » L.A. Coalition pour les Libertés Associatives produit une note de synthèse sur le PJL séparatisme et ses dispositions anti-associations, constatant que « derrière une fausse justification sécuritaire se cache en réalité une véritable loi anti-association qui appelle une large mobilisation ». Dans une lettre ouverte Ldh, Cnajep, Attac, Cimade, Dal, Emmaüs, Copernic, FNE, Greenpeace France, Planning familial… réaffirment leur « totale opposition à cette loi fourre-tout, qui propose des mesures souvent imprécises ou largement disproportionnées, ouvrant droit à l’arbitraire et, dans tous les cas, dangereuse pour le respect des libertés fondamentales de toutes et tous ». Pour Animafac, « l’immense majorité des associations font vivre les principes et valeurs de la République au quotidien, à travers leurs actions, leurs contributions au débat démocratique, et en ce qu’elles offrent un espace d’engagement et d’exercice de la citoyenneté ». Les mouvements de solidarité regroupés au sein de France-Générosité alertent sur « les différentes dispositions en cours qui portent atteinte aux libertés associatives et augmentent un contrôle sans encadrement des organisations du secteur ». Selon Greenpeace, la loi « constitue une atteinte sans précédent aux socles de notre République et menace nos libertés les plus fondamentales » et, pour le Planning familial, « ce projet de loi est une nouvelle initiative pour détourner l’attention d’explications plus raisonnables sur le fait qu’en France les inégalités perdurent et vont augmenter du fait de la crise sanitaire ». Le CNAJEP « s’interroge sur une remise en question possible des démarches d’éducation populaire… les démarches de déconstruction des idées pour interroger, pour réfléchir et construire ensuite sa pensée pourraient être de plus en plus remises en question ». Amnesty International « constate avec inquiétude que certaines des dispositions de ce texte menacent la liberté d’association et peuvent avoir un effet dissuasif sur les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile ». Pour la coordination Pas sans nous, « Les discours et mesures continuent à stigmatiser les quartiers populaires. La dérive sécuritaire et discriminatoire s’affirme jour après jour, alors que la question posée est certes de répondre à l’urgence mais aussi de construire une véritable politique qui s’attaque aux inégalités et qui soit construite avec les habitantes et habitants de ces quartiers ».[1] La liste pourrait encore être longue.
« C’est un véritable front du refus du monde associatif qui se dessine »
Par la diversité des réseaux associatifs se prononçant contre ce projet de loi, c’est un véritable front du refus du monde associatif qui se dessine. Que le gouvernement ne prenne en compte aucune de ses remarques constitue un incontestable mépris à son égard. C’est un rétrécissement de l’espace démocratique qui est dénoncé, un changement de positionnement de l’État envers le secteur associatif, instituant un mécanisme de méfiance « a priori ». Le projet de loi ouvre un champ sans fin à une répression associative sans procédure contradictoire, sans droit de recours suspensif. A la veille d’échéances électorales, alors que l’arrivée de l’extrême droite à la tête d’exécutifs devient une possibilité, l’expression unanime du secteur associatif traduit sa grande inquiétude.
Successivement, le Haut Conseil à la vie associative, le Conseil d’État, la Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme ont émis de grandes réserves sur nombre d’articles. Les réseaux associatifs, fort de l’avis des nombreux juristes qui les accompagnent, alertent, sans être entendus, députés et sénateurs. Le Conseil constitutionnel ne manquerait pas d’être saisi sur le recours à des notions floues et largement interprétables (obligation de respect de l’ordre républicain, définition d’un agissement violent contre les personnes et les biens, sanctions consécutives aux agissements ou propos d’un membre d’une association…) alors qu’il vient d’invalider pour cette même raison plusieurs articles importants de la loi Sécurité Globale. L’alourdissement de la charge administrative, par exemple sur les questions de fiscalité, ou encore l’assujettissement du droit d’expression à la puissance publique constituent autant de risques graves pour les libertés associatives, faisant peser une logique permanente d’autocensure des associations, par crainte de la réaction autoritaire et punitive des autorités administratives.
Les libertés associatives instituées par la loi de 1901 reposent sur une relation de confiance réciproque entre acteurs de la société civile et institutions publiques. C’est dans cette logique que la Charte des engagements réciproques a été construite et signée en 2014. À l’inverse le projet du nouveau Contrat d’engagement républicain installe un climat de défiance envers les structures qui font pourtant vivre concrètement et quotidiennement un « pacte républicain » fondé sur une solidarité démocratique en acte, des relations partenariales constructives entre associations et collectivités publiques, et la coopération dans un nouveau rapport à l’économie.
Les associations pourront le rappeler le 1er juillet 2021
à l’occasion du 120ème anniversaire de la loi qui consacre les libertés associatives.
Pour le Conseil d’administration du CAC
Gilles Rouby, Président
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[1]Voir la totalité des déclarations sur le dossier du CAC : http://www.associations-citoyennes.net/?p=14880