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21 février 2019 4 21 /02 /février /2019 12:45

 

 

Publié le 14 février 2019 par werdna01

Challenges – 12/02/2019 – Delphine Dechaux –

Dans les pas de Microsoft, Google, Facebook, Amazon et Apple se sont implantés dans l’écosystème bruxellois. Leur influence passe par de multiples réseaux : équipes de lobbyistes accréditées, fédérations, think tanks, cabinets d’avocat, consultants… En plus du lobbying classique, ils s’adonnent aussi à des pratiques peu orthodoxes comme l’astroturfing ou le harcèlement des députés européens.

La commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a infligé des amendes record à Apple et à Google. / Photo François Lenoir

La commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a infligé des amendes record à Apple et à Google. / Photo François Lenoir

Avec des lois imposant une meilleure protection des données privées, une meilleure rémunération des auteurs, un projet de taxation, et une surveillance accrue des abus de position dominante, l’Europe s’est engagée dans des chantiers qui menacent directement les intérêts économiques des Gafa. La semaine dernière, nous avions montré comment YouTube, filiale de Google, avait mobilisé sa communauté contre le vote de la directive européenne Copyright. Deuxième épisode de cette série consacrée aux réseaux d’influence des Gafa : dans les coulisses d’un lobbying empruntant une foule de canaux.

Vous avez aimé le lobby des marchands d’armes, de la chimie et du tabac ? Vous allez adorer celui des Gafa.GoogleAmazonFacebook et Apple, les colosses numériques qu’on désigne sous ce terme (ou celui de Gafam en y ajoutant le M de Microsoft) ont compris qu’il était indispensable d’être bien implanté à Bruxelles, dans l’étroit périmètre où s’élaborent les lois européennes, autour des deux stations de métro Schuman et Arts et Lois

Or, leur tranquillité n’est plus tout à fait entière depuis l’arrivée de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne. La Commissaire à la concurrence Margrethe Verstager a infligé une amende de 13 milliards à Apple (au titre d’aides d’Etat) et de 2,5 milliards à Google (pour abus de position dominante). « Google doit maintenant arrêter de se comporter ainsi », a prévenu la dame de fer. Ces groupes y voient autant de contraintes qui risquent d’entraver leur croissance en Europe. Car avec ses 500 millions de consommateurs, le continent est un marché clé. Depuis deux ans, ils ont donc redoublé leurs efforts de lobbying.

Comment Google et les Gafa ont tissé leurs réseaux d’influence à Bruxelles

Google a multiplié par six ses dépenses de lobbying en Europe 

Pour avoir une première idée du lobbying des Gafa, il faut se pencher sur le « registre de la transparence », créé dès 1996 à Bruxelles. On peut y lire d’emblée la spectaculaire montée en puissance de Google. La firme de Mountain View emploie 15 lobbyistes, dont 9 à temps plein. Elle a multiplié par six ses dépenses de lobbying, passées de 1 à 6 millions d’euros entre 2011 et 2017. Et entre 2014 et 2018, ses lobbyistes ont assisté à 211 réunions avec la Commission européenne. « Soucieux de faire bonne figure, Google a un peu le syndrome du bon élève. Il va systématiquement aux réunions parlementaires », observe un ancien du groupe. « Tout l’inverse d’Apple qui fait la politique de la chaise vide ».

Facebook, le premier réseau social du monde, est encore novice. Mais sous la pression des scandales la firme a musclé son équipe bruxelloise, recrutant 5 salariés supplémentaires en 2017. Elle vient d’embaucher un super lobbyiste en la personne de Nick Clegg, ancien vice-premier ministre du Royaume-Uni. Plus timidement, Amazon intensifie aussi sa présence (4 lobbyistes à plein temps en 2017). Quant à Apple, il est le plus discret du lot, avec 6 salariés accrédités et un budget d’1,2 million d’euros.

Ces chiffres officiels ne constituent toutefois que la partie émergée de l’iceberg. « Beaucoup de lobbying échappe au registre de transparence qui ne couvre que 300 personnes sur 30.000 fonctionnaires européens qui participent à la rédaction des projets de loi », souligne Margarida Vida. « C’est un jeu multifacettes : les Gafa passent par des lobbyistes, des avocats, des consultants, des agences de publicité…  et certains cabinets d’avocats qui se sont même pas inscrits comme lobbyistes », fulmine Eric Leandri, le fondateur du moteur de recherche européen Qwant. Un problème soulevé régulièrement à Bruxelles : invoquant le secret des affaires, des avocats se présentent à la commission avec leurs clients et demandent une exception à la publication dans le registre.

 

Les manœuvres pour duper la Commission 

A côté de ces canaux officiels, des pratiques peu éthiques se sont répandues. « Les groupes américains n’hésitent pas à pratiquer l’astroturfing », raconte un lobbyiste bruxellois. La méthode consiste à simuler une initiative qui serait issue du peuple, en réalité montée de toute pièce. En novembre 2017, la Commission a par exemple reçu une étrange pétition. Signées par 23 « PME innovantes » européennes, le texte s’érige contre un projet de loi défendant les brevets européens utilisés dans les téléphones. En décortiquant la liste des 23 signataires, on y trouve 5 entités n’ayant même pas le statut d’entreprise, deux PME ayant déposé le bilan, un musée d’art, et une multinationale (Axa)… Le reste est constitué de petits fournisseurs de services travaillant pour Microsoft, véritable instigateur de la fausse pétition.

 

Les États membres, cibles privilégiées du lobbying

Une autre façon, plus traditionnelle, d’influencer les lois européennes sans être repéré consiste à contourner la Commission en frappant directement à la porte des États membres.  Une pratique qui vient d’ailleurs d’être épinglée dans un rapport de l’ONG Corporate Europe Observatory. Les Gafa l’ont parfaitement compris. L’Irlande est un cas d’école : Apple a choisi d’installer son campus de 6 000 salariés dans la deuxième ville du pays. Deux excellentes raisons de s’opposer mordicus à tout projet de taxe Gafa. 

Chez les Etats plus récalcitrants, les géants américains se sont lancés dans de véritables offensives de charme : « Google a inondé les Universités, les centres de recherche, les bibliothèques publiques, les incubateurs», soupire Stéphanie Pochon, consultante auprès des secteurs créatifs depuis une décennie à Bruxelles. La création d’une chaire Google d’innovation numérique au prestigieux collège de Bruges a à peine fait tiquer.

 

Les associations professionnelles, faux nez des GAFAM

« Le trait commun du lobbying des Gafa, c’est qu’il n’est jamais très frontal», observe un fonctionnaire de la Commission. Pour faire passer leurs messages, les Gafa préfèrent souvent passer par un réseau très dense d’associations professionnelles qu’ils utilisent comme intermédiaires. Un chiffre donne le tournis : Google finance pas moins de 21 organisations bruxelloises.

L’un des plus importantes est la CCIA (Computer and Communications Industry Association), qui représente les intérêts numériques américains. Autre cheval de Troie des Gafa, l’association Edima (dotée d’un budget de lobbying 300.000 euros en 2016) fédère le secteur numérique américain. L’été dernier, avant le vote de la directive droits d’auteurs, âprement combattue par Google, elle a fait circuler des camions sur lesquelles étaient montées des affiches géantes, portant ce slogan : « Chers députés, voulez-vous vraiment qu’on se souvienne de vous comme de ceux qui ont censuré internet ? »

Comment Google et les Gafa ont tissé leurs réseaux d’influence à Bruxelles

Campagne de spaming pilotée depuis les États-Unis

A l’été 2018, au moment critique où le Parlement européen s’apprêtait à voter la directive Copyright, âprement combattue par Google, le lobbying a pris une forme inédite : une campagne massive de spams ciblant les députés européens pour leur demander « d’arrêter la censure ». « En 48 heures, 40 000 mails sont arrivés dans ma boîte », témoigne la députée Virginie Rozière. « En enquêtant, des journalistes allemands ont découvert que 71 000 tweets étaient émis depuis l’Union européenne, 88.000 depuis Washington DC », raconte-t-elle. Et la page d’accueil de la fondation Open-Media ouvre sur un formulaire permettant de harceler par téléphone un député européen … Google figure parmi les plus gros donateurs de l’ONG.

 

Les think tanks, outils de soft power

Car le tableau ne serait pas complet sans évoquer le financement des think tank, fondations et autres cercles de réflexion. Une pratique où Google excelle, comme l’a bien analysé le chercheur Jonathan Taplin.

Le 5 juillet, la fondation Wikipedia a fermé sa page d’accueil, laissant place à ce mot d’ordre : « Vote against copyright ». « Qui est derrière cela ? Google. C’est d’autant plus absurde que le texte européen précise noir sur blanc que Wikipedia est exclu de la directive », peste le député européen Jean-Marie Cavada. Hypothèse plus que tentante: Google est l’un des premiers sponsors de Wikipedia. Source : Wikipedia.

 

 

Source : https://resistanceinventerre.wordpress.com/2019/02/14/comment-google-et-les-gafa-ont-tisse-leurs-reseaux-dinfluence-a-bruxelles/

 

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