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21 février 2019 4 21 /02 /février /2019 12:51

 

 

Par Nicolas Casaux

La photo de couverture de l’article (ci-dessus) montre des travailleurs dans une usine d’assemblage de cellules de panneaux solaires photovoltaïques, à Dezhou, province de Shandong, en Chine.

La photo de couverture de l’article (ci-dessus) montre des travailleurs dans une usine d’assemblage de cellules de panneaux solaires photovoltaïques, à Dezhou, province de Shandong, en Chine.

Dans son livre Des ruines du développement, Wolfgang Sachs met en relief les conséquences sociales d’un appareil aussi anodin, en apparence, que le robot de cuisine :

« Il extrait les jus de fruits en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Quelle merveille ! …à première vue. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la prise et le fil pour s’apercevoir qu’on est en face du terminal domestique d’un système national et, en fait, mondial. L’électricité arrive par un réseau de lignes alimenté par les centrales qui dépendent à leur tour de barrages, de plates-formes off-shore ou de derricks installés dans de lointains déserts. L’ensemble de la chaîne ne garantit un approvisionnement adéquat et rapide que si chacun des maillons est encadré par des bataillons d’ingénieurs, de gestionnaires et d’experts financiers, eux-mêmes reliés aux administrations et à des secteurs entiers de l’industrie (quand ce n’est pas à l’armée). En mettant le mixer en marche, on n’utilise pas simplement un outil, on se branche sur tout un réseau de systèmes interdépendants. Le passage de techniques simples à l’équipement moderne implique la réorganisation de la société tout entière. »

Ce qu’il écrit à propos d’un robot électrique est vrai de tous les objets produits en masse par la société industrielle, et notamment des appareils hautement technologiques. La même chose peut être formulée à propos d’un panneau solaire photovoltaïque, d’une éolienne industrielle, d’une centrale à biomasse ou d’un barrage hydroélectrique (et, bien évidemment, d’une centrale nucléaire, d’une centrale au charbon, ou d’une exploitation pétrolière ou gazière). Exemple :

« Il produit de l’électricité grâce à la lumière solaire. Quelle merveille ! …à première vue. Il suffit de suivre le câble qui le relie au réseau électrique pour s’apercevoir qu’on est en face du terminal domestique d’un système national et, en fait, mondial. Sa fabrication et son arrivée sur le site de son utilisation requièrent un éventail international d’opérations complexes et polluantes. Depuis les extractions de matières premières, comme les terres rares, en Chine, à leur traitement en usine, à l’assemblage des composants dans une autre usine, et jusqu’au transport maritime par cargo qui l’acheminera en Europe. L’électricité qu’il produit est transmise au travers d’un circuit électrique gigantesque, et stockée grâce à des systèmes de batteries. L’ensemble de la chaîne ne garantit un approvisionnement adéquat et rapide que si chacun des maillons est encadré par des bataillons d’ingénieurs, de gestionnaires et d’experts financiers, eux-mêmes reliés aux administrations et à des secteurs entiers de l’industrie (quand ce n’est pas à l’armée). En mettant le panneau solaire en marche, on n’utilise pas simplement un outil, on se branche sur tout un réseau de systèmes interdépendants. Le passage de techniques simples à l’équipement moderne implique la réorganisation de la société tout entière. »

Et en effet, contrairement aux prétentions absurdes mais populaires et (ou car) médiatiques selon lesquelles le panneau solaire photovoltaïque (ou l’éolienne industrielle de 200 mètres de haut) serait une technologie autonomisante, en réalité, celui qui en dépend est tributaire — à l’instar de celui qui dépend de n’importe quelle technologie moderne — d’un système industriel planétaire en mesure de produire un tel appareil[1]. Impossible d’en fabriquer un simplement et localement, de A à Z, à Concarneau, en Bretagne, par exemple. Pour cela, il faudrait que vous trouviez ou produisiez, dans les environs de Concarneau, de l’arsenic (semi-conducteur), de l’aluminium, du bore (semi-conducteur), du cadmium (utilisé dans certains types de cellules photovoltaïques), du cuivre (câblage et certains types de cellules photovoltaïques), du gallium, de l’indium (utilisé dans les cellules photovoltaïques), du minerai de fer (acier), du molybdène (utilisé dans les cellules photovoltaïques), du phosphore, du sélénium, du silicium, de l’argent, du tellure et du titane, sans oublier les ouvriers chinois en mesure de fabriquer le panneau solaire, ainsi que les machines nécessaires à sa fabrication, les matériaux nécessaires à la fabrication de ces machines, les machines nécessaires à la fabrication de ces machines nécessaires à la fabrication du panneau solaire, etc. Pour les mêmes raisons, il est également impossible d’y fabriquer simplement et localement l’onduleur et la batterie au lithium qui l’accompagnent. De la même manière, il est impossible d’y fabriquer un smartphone ; comme pour tous les appareils high-tech, il vous faut pour cela une civilisation industrielle mondialisée.

 

Toutes les technologies de production industrielle d’énergie dite « verte » — panneaux solaires, éoliennes industrielles, centrales à biomasse, barrages, etc. — requièrent ces « bataillons d’ingénieurs, de gestionnaires et d’experts financiers, eux-mêmes reliés aux administrations et à des secteurs entiers de l’industrie (quand ce n’est pas à l’armée) » dont parle Wolgang Sachs. Toutes reposent sur le même esclavage salarial, la même servitude moderne qui caractérisent nos sociétés industrielles. C’est-à-dire qu’elles requièrent et dépendent non seulement d’une organisation sociale étendue, très hiérarchisée, très complexe, de type étatique, mais aussi de nombreuses autres industries (industrie du béton pour les barrages et les centrales à biomasse, industrie de production du silicium pour les panneaux solaires, de production d’acier pour les éoliennes, etc.), y compris de l’industrie des combustibles fossiles. Ainsi que le rappelle Max Wilbert dans l’entretien qu’il m’a accordé :

« Les renouvelables sont, sans exception, dépendantes des combustibles fossiles. Prenons l’exemple des éoliennes. Leurs pales sont faites de plastique à partir du pétrole. L’acier qui les compose est produit à l’aide de quantités massives de coke, qui est une forme de charbon. L’industrie de l’acier est une des industries les plus toxiques au monde, et pourtant elle est cruciale pour les éoliennes et beaucoup d’autres technologies “vertes”. Les éoliennes sont lubrifiées à l’aide de pétrole. Chaque éolienne nécessite des centaines de litres de lubrifiant. D’ailleurs, Exxon Mobil possède une division spécialisée dans les lubrifiants pour éoliennes. Les éoliennes sont transportées grâce à des camions dépendants des combustibles fossiles, mises debout grâce à des grues qui carburent au diesel, encastrées dans leurs fondations en béton (un matériau dont la production est très énergivore), dont les fosses ont été excavées par des machines qui carburent elles aussi au diesel. Et ainsi de suite. »

Ainsi qu’on peut le lire dans un article récemment publié sur le site de l’hebdomadaire canadien Business In Vancouver et repris sur mining.com, un site majeur consacré au secteur minier mondial :

« Étant donné les quantités d’aluminium, de charbon métallurgique, de cuivre, de zinc et de terres rares nécessaires à chaque éolienne et chaque véhicule électrique — et étant donné la quantité de lithium et de cobalt nécessaires pour les batteries des véhicules électriques — une question se pose : la transition vers une économie à faible émission de carbone nous mènera-t-elle au « pic des métaux » (au point maximale de notre production de métal) ?

Les objectifs que les gouvernements établissent en termes d’énergies renouvelables et de véhicules électriques nécessiteront une augmentation massive des extractions minières, et la question se pose de savoir si suffisamment de mines pourront être construites à temps pour atteindre ces objectifs en temps voulu.

Une récente étude menée par Metabolic, Copper 8 et l’université de Leiden pour le gouvernement néerlandais estime que la production mondiale de certains métaux serait multipliée par 12 d’ici 2050 si tous les signataires de l’accord de Paris respectaient leurs engagements de décarbonisation de l’économie. […]

Une étude s’inquiète de la production d’argent, utilise dans les cellules des panneaux solaires photovoltaïques. Une autre de celle de lithium et de cobalt, qui sont nécessaires aux batteries lithium-ion des véhicules électriques. […]

Par ailleurs, les métaux comme l’acier et le cuivre peuvent — et vont être — recyclés. Une augmentation de 1400% de la production de véhicules électriques n’implique pas nécessairement une augmentation similaire de la demande en cuivre, puisqu’une partie pourra provenir du recyclage.

Mais il ne fait aucun doute que le monde aura besoin de plus de cuivre, d’acier, de terres rares et de beaucoup d’autres métaux critiques au cours des deux prochaines décennies. Cette nécessaire augmentation des extractions minières aura des impacts sur les terres, les eaux, les forêts et les peuples autochtones.

Ainsi qu’un rapport du Parlement Européen l’affirme : « Une augmentation majeure des extractions de matières premières aura de graves conséquences pour les communautés locales et l’environnement, et génèrera d’importantes émissions de gaz à effet de serre. »

En outre, la production énergétique des industries des énergies dites « vertes » s’ajoute aux autres productions industrielles d’énergie (nucléaire, charbon, gaz, pétrole), loin de les supplanter, et alimente les mêmes sociétés, la même société, le même mode de vie, les mêmes appareils, les mêmes usages, tous plus anti-écologiques les uns que les autres (panneaux solaires sur les toits d’usines, éoliennes pour alimenter en électricité smartphones, téléviseurs, ordinateurs, etc., dont les productions sont autant de catastrophes environnementales et sociales).

Ce que Philippe Bihouix écrit à propos de la croissance « verte » caractérise tout aussi bien la soi-disant « transition écologique » promue par toutes et tous — politiciens, ONG (Greenpeace, WWF, etc.), écologistes autorisés… — dans les médias de masse. Leur transition écologique

« se base, en tout cas dans son acception actuelle, sur le tout-technologique. Elle ne fera alors qu’aggraver les phénomènes que nous venons de décrire, qu’emballer le système, car ces innovations “vertes” sont en général basées sur des métaux moins répandus, aggravent la complexité des produits, font appel à des composants high tech plus durs à recycler. Ainsi du dernier cri des énergies renouvelables, des bâtiments “intelligents”, des voitures électriques, hybrides ou hydrogène… […]

Avec la [transition écologique], nous aimerions appuyer timidement sur le frein tout en restant pied au plancher : […] Ce qui nous attend à court terme, c’est une accélération dévastatrice et mortifère, de la ponction de ressources, de la consommation électrique, de la production de déchets ingérables, avec le déploiement généralisé des nanotechnologies, des big data, des objets connectés. Le saccage de la planète ne fait que commencer. »

Le développement du bio et des énergies renouvelables n’arrête malheureusement pas le développement.

Le développement du bio et des énergies renouvelables n’arrête malheureusement pas le développement.

Ce qui nous amène à la distinction entre techniques autoritaires et techniques démocratiques que proposait Lewis Mumford. « Les techniques démocratiques sont les méthodes de production à petite échelle, reposant principalement sur les compétences humaines et l’énergie renouvelable, faisant un usage limité des ressources naturelles. Elles demeurent toujours sous la direction active de l’artisan ou du paysan. […] la technique autoritaire […] n’est pas délimitée par les coutumes et les sentiments humains, elle repose sur une contrainte physique impitoyable, elle a créé des machines humaines complexes composées de parties interdépendantes spécialisées, standardisées. Malgré sa tendance continuelle à la destruction, la technique totalitaire est bien accueillie parce qu’elle permet la première économie d’abondance contrôlée. La technique a accepté un principe de base de la démocratie selon lequel chaque membre de la société doit avoir une part de ses biens, faisant disparaître tous les autres vestiges de la démocratie. »

Theodore Kaczynski formulait également, à sa manière, cette distinction :

« Nous faisons une distinction entre deux types de technologies : la technologie cloisonnée et la technologie systémique. La première, qui se développe au niveau de petites cellules circonscrites, jouit d’une grande autonomie et ne nécessite pas d’aide extérieure. La seconde s’appuie sur une organisation sociale complexe, faite de réseaux interconnectés. »

Malheureusement, la quasi-totalité des personnalités, associations, groupes, organisations et médias écologistes grand public ne réalisent pas (ou occultent) toute la complexité de la situation dans laquelle nous nous trouvons, et parlent d’autonomie et de démocratie tout en faisant la promotion de technologies qui ne relèvent ni de l’autonomie ni de la démocratie.

Les écologistes qui militent en faveur des énergies dites « vertes » ou « renouvelables » type panneaux solaires photovoltaïques, éoliennes industrielles, centrales à biomasse, barrages, etc., militent en faveur de la société industrielle planétaire telle qu’elle existe actuellement (ou, du moins, en faveur d’une organisation sociale tout aussi antidémocratique). Les panneaux solaires photovoltaïques et les batteries au lithium sont indissociables de l’Empire mondialisé qui asservit les populations et détruit le monde naturel, tout comme les appareils que ces technologies vertes servent à alimenter en énergie (réfrigérateurs, ordinateurs, smartphones, tablettes, téléviseurs, etc.), et comme l’internet lui-même. Les hautes technologies et, plus généralement, le système industriel dont elles participent et dépendent, requièrent, selon toute logique, une société de masse, hiérarchique, bien trop complexe, populeuse et étendue pour être organisée d’une manière véritablement démocratique — c’est-à-dire selon les principes de la démocratie directe.

Seulement, la plupart des gens — et des écologistes — rejettent l’idée de devoir renoncer à des technologies dont l’idéologie du progrès leur a inculqué qu’elles étaient essentielles à la vie humaine, au bonheur — bien qu’elles existent tout au plus depuis quelques dizaines d’années. L’idée d’une vie sans internet, sans pouvoir communiquer instantanément avec n’importe qui à l’autre bout du monde, sans médecine high-tech, sans téléphones portables, sans GoPro pour envoyer des vidéos sur YouTube, sans voitures, sans ordinateurs, etc., les effraie, leur paraît triste et morne, indésirable — preuve de la réussite du conditionnement progressiste.

Pourtant, étant donné, d’une part, que la production de hautes technologies implique nécessairement des destructions et pollutions environnementales ainsi qu’une organisation sociale antidémocratique (« autoritaire » pour reprendre la terminologie de Mumford) et, d’autre part, qu’un mode de vie basé sur des technologies douces (ou « démocratiques ») est infiniment plus épanouissant, plus humain, plus désirable, un tel rejet est absurde. En effet, contrairement aux simplismes mensongers que la culture dominante enseigne au sujet du passé, l’humanité n’errait pas dans la tristesse, la peine, la peur et le malheur avant l’invention d’internet. Ce qui ne revient pas à dire que l’on pourrait considérer le passé en bloc comme un paradis perdu où tout le monde nageait dans le bonheur partout et de tout temps — évitons de tomber dans un autre simplisme absurde, à l’instar du mythe du progrès, et qui se contenterait d’ailleurs de l’inverser.

 

Des organisations sociales toujours plus démesurées, inhumaines, antidémocratiques et inégalitaires, des destructions tous azimuts, inexorables et croissantes du monde naturel (destruction des forêts, destruction et/ou pollution des sols, des océans, des mers, des cours d’eau, de l’atmosphère, etc.), un malaise social de plus en plus prégnant (stress, angoisses, dépressions, violences, etc.), tels sont les coûts du mal nommé progrès, dont il n’existe manifestement pas de version durable ou écologique.

Ainsi que l’a écrit Alain Gras dans un article intitulé « L’illusion de la fatalité technique », publié dans la revue l’Écologiste n°5, 2001 :

« L’homme moderne n’est pas seulement un être dont la vie est façonnée par le travail et le désir investi dans la consommation, il est aussi celui dont le confort dans la vie quotidienne dépend à un degré infiniment plus élevé qu’auparavant d’entités invisibles et omniprésentes : il est l’homme « branché » que décrit l’imagerie populaire. Branché par la prise du rasoir sur l’usine électrique, branché par la pompe à essence sur le puits de pétrole du Koweït [et, j’ajouterai : sur la déforestation et la monoculture de palmiers à huile en Indonésie, branché sur les violations des droits humains, les massacres et les dévastations environnementales au Congo, où sont extraits, entre autres choses, le coltan et le cobalt des téléphones et des ordinateurs portables, branché sur de multiples ravages sociaux et écologiques à travers le globe, par exemple en Chine et bientôt au Groenland où sont extraites les terres rares nécessaires aux technologies dites vertes, branché sur d’autres nuisances sociales et écologiques au Chili d’où provient le lithium des batteries des appareils électriques], branché sur le monde par CNN et le satellite dans l’espace, branché par la ligne aérienne sur New York ou par la voie ferrée sur Lyon, sur Concorde ou le TGV, et débranché de ses semblables ! Cet homme, entouré d’objets techniques, ne voit la technique que sous sa forme la plus naïve et la moins dangereuse. Il admire la grandeur de la taille et de la puissance, il ne s’aperçoit pas qu’il devient totalement dépendant. Il ne sait rien de la manière dont sont dirigés les grands systèmes techniques qui se cachent sous la surface du réel quotidien. »

Baotou, Chine, février 2011 : Cet immense lac (11km²) est rempli des résidus toxiques rejetés par les différentes usines de traitement de terres rares qui l’entourent. 9 300 000 tonnes de terres rares et 95 000 tonnes de thorium radioactif, extrêmement dangereux pour les villageois qui vivent aux alentours. Ce lac toxique n’est qu’à 10 km du fleuve jaune. (Photo by Veronique de Viguerie/Reportage by Getty Images)

Baotou, Chine, février 2011 : Cet immense lac (11km²) est rempli des résidus toxiques rejetés par les différentes usines de traitement de terres rares qui l’entourent. 9 300 000 tonnes de terres rares et 95 000 tonnes de thorium radioactif, extrêmement dangereux pour les villageois qui vivent aux alentours. Ce lac toxique n’est qu’à 10 km du fleuve jaune. (Photo by Veronique de Viguerie/Reportage by Getty Images)

Les technologies productrices d’énergie soi-disant « verte » ou « renouvelable » et les technologies dites « vertes » en général requièrent ces « grands systèmes techniques » dont l’humain moderne a été rendu dépendant et qui, selon toute logique, ne pourront jamais être rendus ni démocratiques ni écologiques.

Dans un numéro hors-série du Nouvel Observateur en date de juin-juillet 1972, portant sur l’écologie, figurait ce tableau :

 

Société à technologies dures

Communautés à technologies douces

Grands apports d’énergie

Matériaux et énergie non recyclés

Production industrielle

Priorité à la ville

Séparé de la nature

Limites techniques imposées par l’argent…

Petits apports d’énergie

Matériaux recyclés et énergies inépuisables seulement

Production artisanale

Priorité au village

Intégrée à la nature

Limites techniques imposées par la nature…

 

(Si l’expression « énergies inépuisables » figure dans la colonne technologies douces, c’est parce qu’il est évidemment possible d’utiliser les énergies renouvelables du soleil, du vent et de l’eau de manières démocratiques (ou « douces »). Ce qu’a fait l’humanité pendant la quasi-totalité de son existence. Par exemple, en ce qui concerne le solaire, en construisant une maison selon les principes de l’architecture bioclimatique, en utilisant les principes du solaire passif, en construisant soi-même un panneau solaire thermique (en ayant recours à de la récupération, en recyclant divers objets) ou, en ce qui concerne l’éolien, au travers du principe du moulin à vent, etc.)

Il est assez navrant de constater que près de 50 ans après, le discours écologiste dominant, celui que relaient désormais L’Obs et tous les autres médias grand public (et les Cyril Dion, YAB & Co., à quelques nuances près), n’est plus qu’un plaidoyer en faveur des fausses solutions techno-industrielles que sont les énergies dites « renouvelables » industrielles, qui visent uniquement à perpétuer le mode de vie hautement technologique moderne, à prolonger l’expansion et le fonctionnement mortifère de l’Empire.

 

Ainsi que l’écrivait déjà Jaime Semprun en juin 1990[2] :

« Les écologistes sont sur le terrain de la lutte contre les nuisances ce qu’étaient, sur celui des luttes ouvrières, les syndicalistes : des intermédiaires intéressés à conserver les contradictions dont ils assurent la régulation, des négociateurs voués au marchandage (la révision des normes et des taux de nocivité remplaçant les pourcentages des hausses de salaire), des défenseurs du quantitatif au moment où le calcul économique s’étend à de nouveaux domaines (l’air, l’eau, les embryons humains ou la sociabilité de synthèse) ; bref, les nouveaux courtiers d’un assujettissement à l’économie dont le prix doit maintenant intégrer le cout d’un “environnement de qualité”. […]

Dire de la pratique des écologistes qu’elle est réformiste serait encore lui faire trop d’honneur, car elle s’inscrit directement et délibérément dans la logique de la domination capitaliste, qui étend sans cesse, par ses destructions mêmes, le terrain de son exercice. Dans cette production cyclique des maux et de leurs remèdes aggravants, l’écologisme n’aura été que l’armée de réserve d’une époque de bureaucratisation, où la “rationalité” est toujours définie loin des individus concernés et de toute connaissance réaliste, avec les catastrophes renouvelées que cela implique. »

L’écologie se résume aujourd’hui à l’implantation, un peu partout, de centrales solaires, de parcs éoliens, de centrales à biomasse, d’éco-quartiers aux normes HQE (Haute Qualité Environnementale), BBC (Bâtiment Basse Consommation) ou encore THPE (Très Haute Performance Environnementale), aux voitures électriques, aux économies d’énergie et à l’efficience énergétique, etc., toutes choses qui n’entravent aucunement la destruction du monde naturel, puisqu’elles y participent. C’est-à-dire que l’écologie dominante est un mensonge qui consiste à qualifier de vert, propre ou durable ce qui n’est ni vert, ni propre, ni durable. Au bout du compte, elle repose sur le mythe selon lequel la civilisation industrielle (le monde moderne, technologiquement parlant) pourrait devenir écologique (et démocratique même, pour les plus audacieux des écologistes médiatiques), au travers de quelques ajustements techniques et de quelques réformes politiques.

 

Une des nombreuses raisons pour lesquelles société industrielle et démocratie sont antinomiques relève d’une chose très simple, comprise et soulignée par beaucoup depuis bien longtemps, dont Jean-Jacques Rousseau, dans son Projet de constitution pour la Corse, rédigé en 1765 :

« Un gouvernement purement démocratique convient à une petite ville plutôt qu’à une nation. On ne saurait assembler tout le peuple d’un pays comme celui d’une cité et quand l’autorité suprême est confiée à des députés le gouvernement change et devient aristocratique. »

Ou Lewis Mumford, qui affirmait en 1973 que « la démocratie est une invention de petite société. Elle ne peut exister qu’au sein de petites communautés. Elle ne peut pas fonctionner dans une communauté de 100 millions d’individus. 100 millions d’individus ne peuvent être gouvernés selon des principes démocratiques. »

 

Aujourd’hui, loin des analyses — presque devenues grand public, à l’époque — de certains écologistes des années 70 selon lesquels le seul futur possible (et désirable) pour l’espèce humaine impliquait le démantèlement de la technocratie planétaire au profit de communautés à taille humaine, démocratiques, affranchies des technologies autoritaires (dont la high-tech) et basées sur des technologies « douces » (ou basses technologies), tous les médias, les gouvernements et les écologistes grand public affirment que les solutions à tous nos problèmes sont à chercher du côté de ces mal nommées énergies « renouvelables » et des technologies dites « vertes » en général.

 

Et maintenant la partie la moins drôle. Une fois que l’on comprend que le discours écologiste dominant relève de la foutaise. Que rien de ce qu’il propose ne fera cesser ni la destruction du monde naturel ni l’exploitation de l’humain par l’humain dans le cadre de sociétés toujours plus inégalitaires. Que ce qui devrait se produire pour que le désastre socioécologique en cours prenne fin — à savoir le démantèlement complet de la société industrielle, la dissolution des sociétés de masse en une multitude de sociétés à taille humaine, adaptées à leurs territoires écologiques, fondées sur des technologies douces — constitue le pire cauchemar de tous les dirigeants politiques et corporatistes. Qu’ils ne le permettront jamais. Que la plupart des gens ne le souhaitent pas davantage. On réalise à quel point nous sommes mal embarqués.

Certains trouvent alors du réconfort auprès des collapsologues qui leur assurent que l’effondrement est pour bientôt, que tout cela[3] va finir. Et qui promeuvent principalement une sorte de survivalisme — parfois teinté de mysticisme.

Face aux innombrables injustices que la civilisation industrielle implique, à l’encontre des humains comme du monde naturel et de toutes les espèces vivantes, et étant donné ce qui est en jeu, nous considérons plutôt qu’il nous faut faire notre possible pour édifier une culture de résistance, afin de participer au combat pour la mettre hors d’état de nuire.

Nicolas Casaux

 

  1. Voir : http://partage-le.com/2016/06/le-desastre-ecologique-renouvelable-des-tokelau/
  2. http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article37
  3. http://partage-le.com/2017/12/8414/

 

 

Source : http://partage-le.com/2019/02/democratie-photovoltaique-par-nicolas-casaux/

 

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