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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 08:48

 

 

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14 juillet 2011, flânerie sur le tracé de la LGV, Urrugne (photo ACE)

 

 

Le moins que l’on puisse dire c’est que le dispositif mis en place à la demande de la Ministre de l’Environnement du Développement Durable et des Transports pour alimenter le suivi des trafics et des indicateurs économiques pertinents  ainsi que les réflexions sur les prévisions de trafics transfrontaliers sur la côte Atlantique n’est pas vu d’un très bon oeil par les défenseurs du projet de LGV.


Ainsi, RFF s’est senti obligé d’affirmer que son objectif restait inchangé : « commencer les travaux avant fin 2017 ».


La Région quant à elle « s’opposera catégoriquement à tout moratoire sur les études ou enquête d’utilité publique »


La CCI elle, est « très circonspecte sur les chiffres » mais avance cette théorie fumeuse: « développons l’offre, cela stimulera la demande » en contradiction complète avec les méthodes de « flux tendus » qui sont les règles de gestion développées depuis fort longtemps par le milieu entrepreneurial.


Ces prises de position montrent à quel point le dispositif mis en place est dérangeant et laissent entrevoir que ces messieurs auront vite fait de s’exonérer de ses conclusions au motif quelles arriveront trop tard.


Il est donc urgent de se précipiter ! 

 

Pour RFF, commencer les travaux au plus tôt

« Nous avons la volonté d’utiliser  un dossier d’enquête publique, dans lequel figureront des projections, donc on mettra  bien des projections de trafic, celles du CGEDD aux horizons 2020 2035 2050 voire à plus long terme.


 Quand est-ce que le chantier démarrera, c’est un peu ça la question de l’anticipation, nous, sur GPSO, les engagements qui ont été pris, c’est à priori un démarrage des travaux avant la fin de l’année 2017, ça veut dire que d’ici 2017 on a le temps de voir comment ça va évoluer tant du côté méditerranéen que sur cet axe »

 

Or, il faut savoir que la liaison d’interopérabilité avec Euskadi ne se fera pas avant 2017 et sur la seule voie existante d’Astigarraga à Irun mise aux normes européennes.


Il sera donc  difficile de saisir une tendance d’évolution des trafics avant cette date. Quant aux observations de trafic, on utilisera celles du couloir méditerranéen dont les données sont complètement différentes : part maritime plus basse et destinataires.   


Allemagne, Italie, Europe de l’est et moitié Est de la France représentent la part la plus importante des échanges ainsi que des investissements (19,5 Mds€  pour le corridor méditerranéen, +11,6 pour le corridor central débouchant sur Tarragone et Barcelone  contre 11,7 Mds d’€ pour le corridor Atlantique incluant la Cantabrie).

 

En Octobre 2011, la commission européenne a confirmé que la principale fonction du corridor méditerranéen est de capter le potentiel des ports  de cette zone pour recevoir les trafics en provenance d’Asie. Ceux-ci arrivent en Méditerranée par le canal de Suez. Jusqu’à présent, en raison des mauvaises communications des ports espagnols la majorité du transit  emprunte le détroit de Gibraltar pour se diriger vers les ports du Nord de l’Europe qui monopolisent aujourd’hui 77% des importations européennes.


Autrement dit, on comparera des choses non comparables.

 

Pour la Région, anticiper

« Ce qui importe c’est anticiper  Si on ne fait que prendre des chiffres à un moment donné, et qu’on ne fait aucune estimation aucune projection sur ce qui se passera dans 1, 2, 10  ans, à ce moment là, il n’y a aucune anticipation possible, la saturation arrivera où n’arrivera pas, on sera incapables de la prévoir et donc d’avoir les infrastructures nécessaires pour absorber  l’augmentation du trafic, donc il est hors de question pour le CG de se contenter des chiffres à une date T. Le Conseil régional s’oppose catégoriquement  au moratoire sur les études  et sur l’enquête d’utilité publique »

 

Visiblement, c’est un procès d’intention qui est fait au dispositif dont le rôle est  précisément « d’alimenter les réflexions sur les prévisions de trafic ». Pour la Région ce dispositif fera perdre du temps. Elle refuse « catégoriquement » tout moratoire, bravant ainsi toute décision ministérielle, bref elle préconise un passage en force !

 

Pour la CCI, organiser l’offre pour susciter la demande

« Extrêmement circonspect sur les chiffres. On n’est pas simplement victimes d’un tuyau qui passe chez nous, en nous organisant il y a capacité à agir dessus. Il faut intégrer le principe de l’offre qui anticipe ou pré organise la demande  »

 

Pendant des années cette institution nous promettait des milliers d’emplois (100 000) et un enfouissement à 80% du « tuyau qui passe chez nous ». Visiblement  elle s’est bien mal organisée car sa capacité à agir « dessus » se restreint de jour en jour, même si au cours d’une récente petite sauterie elle a habillé les défenseurs du projet d’un maillot floqué d’un « ensemble transformons l’essai ». Déguisement ridicule, au grand étonnement de leurs complices d’Hegoalde  peu avertis de la dialectique rugbystique. Il faut savoir que notre chambre consulaire avait envisagé de produire  à la mi-Décembre 2011 un document à l’appui du projet. En toute humilité, elle avait posé 10 questions pertinentes à RFF.

 

L’opérateur ferroviaire n’ayant répondu que partiellement à leurs questions, la production n’a pas été présentée lors de la fête. Capacité à agir ? 


- Ignorer que, si l’on construit une deuxième ligne c’est précisément pour que les trains qui circulent dessus ne s’arrêtent pas au Pays Basque. Les trains traverseront le Pays basque. Faut-il des preuves ? Le centre de fret de Mouguerre ne sera pas raccordé à la nouvelle ligne, il faudra faire un crochet de 12 minutes pour accéder à la gare de Bayonne. Seuls quelques trains de voyageurs « décrocheront » et RFF refuse d’en préciser le nombre.


- Ignorer que la SNCF abandonne le wagon isolé seule possibilité de transfert modal pour les entreprises de  notre territoire. Laisser Novatrans (opérateur chargé de transférer les containers du camion sur le train à Mouguerre) déposer son bilan sans bouger le petit doigt.


- Ignorer que la seule stratégie de report modal développée actuellement est la massification, à laquelle aucune entreprise  de notre territoire  ne peut accéder faute de « masse critique »


- Ignorer que les 85000 emplois promis pour la Tours-Bordeaux se sont transformés en 1400 postes de travail dont 400 issus de l’insertion grâce à la concession attribuée à Vinci qui n’a cure des engagements pris ici où là.

 

Une telle méconnaissance de la réalité de la part de cette institution est atterrante.

Notre CCI, à défaut d’arguments, avance cette théorie fumeuse consistant à dire que si l’on développe l’offre, la demande suivra.


Il est vrai que toutes les entreprises produisent et produisent de plus en plus car les ventes suivront, investissent et investissent sans limite  car il faut produire encore plus.


C’est en partant de ce principe que  notre santé économique ne cesse de « progresser » surtout depuis  4 à 5 ans.


On a vu les Etats Unis augmenter l’offre de crédits immobiliers avec les résultats que l’on connaît ou bien l’Espagne multiplier son offre de logements pour se retrouver aujourd’hui avec plus d’un million de logements sur les bras. Cette même Espagne a amplifié son offre de LGV au point de se hisser dernièrement au 2ème rang mondial après la Chine. Elle commence  déjà à fermer des lignes faute de clients et de rentabilité. Avec un réseau supérieur à celui de la France  ce pays transporte 8 fois moins de voyageurs. Quand on sait que la « vache à lait » de la SNCF se transforme en « boulet » avec l’augmentation des coûts (jusqu’ici masqués)  cela laisse augurer un bel avenir pour le réseau espagnol  et pour l’Espagne dont on connaît la situation actuelle.


 En France les exemples sont trop nombreux où les retombées attendues de ces infrastructures ne sont pas au rendez-vous : Villiers-Vendôme, la « gare des betteraves », Le Creusot, Mâcon, Reims, Perpignan « la cocue » avec sa gare en crochet, etc...


Plus près de nous, l’expérience de « métro basque » menée pendant la saison touristique qui a consisté à augmenter sensiblement l’offre de trains entre Bayonne et Hendaye. Il a fallu interrompre cette expérimentation faute de réponse de la demande.


Plutôt que de rester circonspecte devant les chiffres, notre CCI ferait mieux de regarder de façon pragmatique leur réalité.


Anticiper une demande correspondant au plus près aux aspirations  de tous les citoyens plutôt que de promouvoir la dépense publique et l’endettement dont on voit aujourd’hui les ravages. Voilà une attitude responsable. Ce dogmatisme, pur produit  de la complicité avec  les grands groupes du BTP, ne doit pas prévaloir sur l’évaluation et la construction de notre territoire pour répondre à ses besoins.


Nous ne pouvons accepter la destruction irréversible de notre environnement au profit de l’hypermobilité  d’une catégorie de nantis qui n’a que faire de l’avenir de notre territoire.


Développons une mobilité acceptable, raisonnée, pour tous, calibrée selon nos besoins futurs et non selon les profits des multinationales.


Développons dans le respect des riverains les voies existantes  occupées  aujourd’hui au ¼ de leur capacité, aptes à satisfaire demain et pour longtemps encore les besoins des générations futures.


En ces périodes d’incertitudes, ouvrons grands nos yeux et demeurons vigilants face à ces « visionnaires » qui veulent faire notre bonheur malgré nous.

 

Nivelle Bidassoa/ Le Cade

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