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9 juin 2022 4 09 /06 /juin /2022 11:12

 

 

 

 

 

Des décharges marines d’armes parfois chimiques polluent les océans depuis un siècle. Le risque de destruction de toute vie est réel. L’État oppose le « secret-défense ».

Par Rédaction Enquêtes Publié le 31 Mai 22 à 16:30 

Des centaines de milliers de tonnes d’armes conventionnelles et chimiques ont été volontairement immergées au large des côtes françaises. (©Real productions)

Des centaines de milliers de tonnes d’armes conventionnelles et chimiques ont été volontairement immergées au large des côtes françaises. (©Real productions)

 « Du côté de Groix, beaucoup d’obus ont été immergés. À la truie d’Arradon, on trouve encore des munitions de mitraillettes dans la vase. » Claude Dréau, plongeur du Club subaquatique des vénètes de Vannes, croise « couramment » des armes lors de ses sorties en plongée dans les eaux du Morbihan.

En France, 62 décharges maritimes d’armes ont été recensées le long de la Manche et des côtes Atlantique. Et ce n’est qu’une estimation.

Bertrand Sciboz, directeur du Ceres (Centre de recherches sous-marines), basé à Montfarville (Manche), a « été confronté à un nombre considérable de munitions, toutes signalées à la gendarmerie puis à la préfecture maritime qui fait intervenir les plongeurs-démineurs pour déminer et contre-miner ».

Selon lui, les armes présentes dans la mer proviennent essentiellement des épaves, se disséminant au fil du temps. Le directeur du Ceres a en tête un chaland « volontairement coulé par l’Armée » entre Saint-Vaast-la-Hougue et Barfleur, « alors qu’il était chargé de munitions allemandes après la guerre ». Mais Bertrand Sciboz ne l’a jamais vu : « À l’heure qu’il est, il doit être désagrégé. »

Bertrand Sciboz, du Ceres, confirme la présence innombrable de munitions au fond de la Manche. (©Thibaud Delafosse / Presse de la Manche)

Bertrand Sciboz, du Ceres, confirme la présence innombrable de munitions au fond de la Manche. (©Thibaud Delafosse / Presse de la Manche)

Premières immersions dans les années 1920

Ces munitions chimiques ou conventionnelles enfouies sous la surface des mers représentent « une bombe à retardement », selon l’Organisation non gouvernementale (ONG) de défense des océans, Sea Shepherd. C’est pour elle une « catastrophe sans précédent ».

À l’issue des deux Guerres mondiales, les belligérants se sont servis de la mer comme d’une poubelle pour se débarrasser d’armes hautement toxiques. « Il y a eu plusieurs centres de dépôts en France après la Première Guerre mondiale. Il y avait des quantités hallucinantes d’obus qui se retrouvaient dans des granges, avec des fuites, des accidents, des explosions. Dès 1917-1918, il a fallu prendre des mesures d’urgence. La meilleure solution a été trouvée de les noyer en mer », explique Jacques Lœuille, réalisateur du documentaire Menaces en mers du Nord.

"Ils remplissaient des barges à fond plat qui s’ouvraient et ils coulaient le chargement ou bien, ils jetaient ces munitions par-dessus bord, ou alors, ils coulaient carrément les bateaux. Imaginez-vous, vous êtes capitaine de bateau, on vous dit que vous êtes plein à ras bord de munitions défaillantes, ultra-toxiques. Votre livre de navigation vous dit de tout jeter au-delà de telles coordonnées. Pour ne pas passer 20 heures en mer quand ils pouvaient le faire en quelques heures, la nuit, dès qu’ils ne voyaient plus la côte, ils jetaient." Jacques Loeuille, documentariste.

Les armes chimiques sont utilisées pour la première fois en 1915, lors de la Première Guerre mondiale. Il s’agissait du gaz chloré, sur la bataille d’Ypres, en Belgique.

En 1917, arrive le gaz moutarde. Il sème la terreur. « Le 11 novembre 1918, la guerre s’arrête, mais les usines continuent de fonctionner à plein régime pendant quelques semaines. Par ailleurs, on a des stocks gigantesques de munitions chimiques et au début des années 1920, on ne sait pas trop quoi en faire. C’est à ce moment-là, qu’on commence à se poser la question de les immerger. Ça a été une solution pragmatique à une époque où l’environnement tout le monde s’en fichait », explique Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des armes chimiques.

L’immersion des armes de guerre a commencé en 1920 en Europe. (©Real productions)

L’immersion des armes de guerre a commencé en 1920 en Europe. (©Real productions)

Le gaz moutarde « est un vésicant qui a la particularité d’être extrêmement persistant et provoque des brûlures profondes de la peau et des muqueuses ».

"Les agents neurotoxiques et de nombreux autres agents s'hydrolysent ou se décomposent et se dissolvent une fois qu'ils entrent en contact avec l'eau, et sont donc rendus inoffensifs dans un délai relativement court. Le gaz moutarde, lui, est insoluble dans l'eau. La plupart des blessures qui se produisent lorsque des pêcheurs entrent en contact avec des munitions chimiques rejetées en mer résultent de gaz moutarde. " Olivier Lepick, spécialiste des armes chimiques.

L’ypérite a été « l’agent de choix de la plupart des programmes militaires chimiques dans l’entre-deux guerre, jusqu’à ce qu’on trouve les neurotoxiques », souligne Olivier Lepick. Cette découverte résulte d’un programme civil de l’entreprise Bayer : des scientifiques ont découvert en 1934, « une famille de neurotoxiques particulièrement diaboliques », parce qu’« en termes de toxicité ces agents sont mille fois plus toxiques que les agents utilisés pendant la Première Guerre mondiale », certifie le spécialiste.

Selon l’association environnementale Robin des bois, « 6 % des armes tirées pendant la Grande guerre étaient chimiques ».

En revanche, alors que les nazis disposaient d’un stock considérable, les armes chimiques n’ont pas été utilisées durant la Seconde Guerre mondiale. Après leur victoire, les Alliés ont décidé de faire comme en 1920 : tout déverser dans les mers et océans. Des navires entiers, chargés de munitions, sont sabordés, coulés. « Les Américains n’allaient pas ramener des déchets, donc ils ont rempli des navires de guerre et ils les ont coulés », indique le réalisateur Jacques Loeuille.

 

« Des produits faits pour détruire toute vie »

La crainte des scientifiques et associations est que « ces armes conventionnelles ou chimiques, rongées par la corrosion, [libèrent] dans l’eau des substances nocives telles que le plomb, mercure, gaz et liquides toxiques, nitrates ou phosphore » et « sans action de dépollution, des scientifiques prédisent un désastre environnemental », insiste Sea Shepherd.

La Convention du milieu marin Ospar a recensé 148 décharges dans le nord-est de l’océan Atlantique. 62 au large des côtes françaises. (©Enquêtes d’actu)

La Convention du milieu marin Ospar a recensé 148 décharges dans le nord-est de l’océan Atlantique. 62 au large des côtes françaises. (©Enquêtes d’actu)

La Convention du milieu marin Ospar a recensé 148 décharges dans le nord-est de l’océan Atlantique. « Les parties contractantes disposent de chaînes d’alerte par lesquelles les pêcheurs et autres utilisateurs de la mer et du littoral peuvent aisément signaler à une autorité ou à un organisme compétent toutes les découvertes de munitions en mer ou sur la côte », précise le secrétariat de la convention Ospar.

Rien qu’en mer Baltique, Ospar estime qu’il y a environ 40 000 tonnes d’armes immergées. Selon Sea Shepherd, « 16 % de ces substances toxiques suffiraient à éliminer toute vie dans cette mer quasiment fermée ».

En mer du Nord, l’estimation porte sur 300 000 tonnes d’armes. Combien le long des côtes françaises ? Impossible à définir. « Je n’ai pas d’estimation, mais c’est sans doute du même ordre de grandeur pour la façade Atlantique et en Méditerranée. C’est considérable ! Ce problème est mis sous le paillasson et va finir par péter », prévient Charlotte Nithart de l’association environnementale Robin des bois qui bénéficie du statut d’observateur à la convention Ospar. Pour Charlotte Nithart, « plus on attend, plus ces munitions se disloquent et plus le problème est imminent : contaminations de la chaîne alimentaire, des sédiments, des eaux de baignade… »

"Ce sont des produits faits pour détruire toute vie. Alors quand ces quantités industrielles sont mises dans des zones de pêche, ça ne peut qu’être très inquiétant."Jacques Loeuille, réalisateur du documentaire Menaces en mers du Nord.

Selon Charlotte Nithart, de Robin des bois, on ne pourra certainement jamais établir un « inventaire exhaustif » des zones d’immersion. De nouveaux sites sont découverts lors de recherches pour des projets économiques.

« C’est ce qui s’est passé en Baltique avec le projet Northstream [gazoducs reliant la Russie à l’Allemagne, NDLR], pour éviter que le pipeline passe à côté de ces zones. Il y a des recherches en France quand vous avez des dragages, des approfondissements et extensions de port, des usines éoliennes offshore, indique Charlotte Nithart. C’est pour ça, qu’au moment de port 2000 au Havre (Seine-Maritime), 2 000 munitions avaient été repérées. Après la guerre, beaucoup de munitions ont été jetées par-dessus la digue. Ils ne pensaient pas que 50 ans plus tard, il y aurait ce projet. »

En octobre 2020, le ministère de la Transition écologique estimait « que l’état de conservation des stocks connus [était] globalement moins dégradé que ce que l’on pouvait craindre », selon l’avis « d’experts ».

Il affirmait, devant le Sénat, que la France étudiait « la mise en place de travaux interministériels sur plusieurs années, visant d’une part, à disposer d’une cartographie précise des zones concernées et de la nature des munitions immergées et d’autre part, à recueillir des informations scientifiques fiables ». Ce même ministère n’a jamais répondu à nos questions.

 

Le « secret-défense » de la France

Si toutes les informations connues à ce jour sont le fruit du travail de la convention Ospar et des associations de défense de l’environnement, c’est que la France oppose le « secret-défense » à toute question relative au déversement d’armes en mer. Un secret-défense renforcé en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

« Les sites sont connus par la Direction générale de l’armement. Tout cela est très bien rangé dans les archives, sauf que les cartons, on ne peut pas les ouvrir. Il y a un filtre total », regrette Jacques Lœuille.

L’association Robin des bois est depuis l’origine confrontée au mutisme de l’État. Par exemple, elle cherche des informations sur une « dizaine de navires immergés, remplis de munitions » sur la façade Atlantique, notamment au large de La Hague et dans l’estuaire de la Seine. « On n’arrive pas à avoir une localisation précise, alors qu’on suit ça de très près. Ça reste caché. Comme si c’était une erreur des gouvernants actuels. À l’époque, il y avait un besoin de nettoyer, de reconstruire… C’est une méconnaissance qui a conduit à cette erreur stratégique. Mais les gouvernements actuels n’y sont pour rien », explique Charlotte Nithart.

Pour notre enquête, nous avons sollicité à plusieurs reprises, bien en amont de cette publication, le ministère des Armées et effectué toutes les démarches nécessaires à la consultation d’archives. Mais rien. Nous sommes allés jusqu’à interroger Hervé Grandjean, porte-parole du ministère des Armées, mais l’homme n’avait « pas d’éléments particuliers à nous communiquer ». Nous avons également contacté l’ancien Premier ministre et élu de Cherbourg, Bernard Cazeneuve, et l’ancien ministre de la Défense et actuel président de la Région Normandie, Hervé Morin. Les deux hommes n’ont pas donné suite à nos appels téléphoniques.

Bertrand Sciboz croise souvent la route des munitions immergées lors de ses sorties en plongée. (©Bertrand Sciboz)

Bertrand Sciboz croise souvent la route des munitions immergées lors de ses sorties en plongée. (©Bertrand Sciboz)

Olivier Lepick, de la Fondation pour la recherche stratégique, explique ce silence par « une culture du secret au sein des forces armées françaises, qui n’est pas la culture d’autres armées ». De plus, selon lui, « l’État n’est pas fier et il a bien raison », puisque « nous sommes face à des pratiques scandaleuses qui datent d’un autre âge ». Enfin, « nous sommes face à un problème sans solution », « voilà les raisons pour lesquelles l’État ne peut pas communiquer », selon ce docteur en histoire et politique internationale.

 

« Un vrai problème pour la coopération internationale »

Charlotte Nithart regrette ce secret d’État, car il représente « un vrai problème pour améliorer la coopération nécessaire des pays » : « Pour qu’il y ait coopération, il faut des interlocuteurs ouverts et de bonne foi. Nous au contraire en France, on se ferme. »

Selon la responsable de Robin des bois, la clé est entre les mains du ministère des Armées et malheureusement, « le poids du ministère de l’Écologie sur celui des Armées pour lui imposer de communiquer n’est pas suffisant ». L’ancienne ministre de l’Environnement (1995-1997), Corine Lepage, aujourd’hui avocate, spécialiste des questions environnementales, dit « comprendre qu’il y ait un secret-défense, mais cela devrait se composer avec un minimum de respect des droits fondamentaux à l’information sur l’impact environnemental ».

"Le sujet n’est pas de savoir ce qu’il y a dans ces armes, où elles ont été fabriquées ; ça, je veux bien admettre que ça soit couvert par le secret-défense, mais savoir quel est le degré de pollution chimique dans la mer à proximité de ces armes me paraît quelque chose qui devrait rentrer dans l’information du public." Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l’Environnement.

En plus du secret-défense, un article du code du patrimoine datant également de 2008 interdit la consultation « d’archives publiques dont la communication est susceptible d’entraîner la diffusion d’informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques […] ». Aucun chercheur, scientifique ou journaliste ne peut avoir accès aux données concernant les décharges historiques à terre ou en mer de munitions. « C’est absolument inadmissible », s’agace Charlotte Nithart.

Un début d’espoir de transparence était né en 2009, au moment du Grenelle de la mer. Dans le Livre bleu, définissant la « stratégie nationale pour la mer et les océans », il a été ajouté cette proposition : « Consolider l’inventaire des décharges sous-marines de munitions chimiques et de déchets nucléaires, en apprécier la dangerosité et établir des priorités pour réaliser des analyses sur la faune et la flore sédentaires et les sédiments. »

« Même ça, c’est resté lettre morte, il n’y a pas plus d’informations sur ces sites, en tout cas venant de la France », dénonce la directrice de Robin des Bois. Est-ce que la promesse d’Emmanuel Macron de faire de son nouveau quinquennat, un « quinquennat écologique » et le fait d’avoir attaché à sa Première ministre, deux ministres en charge des questions environnementales et une secrétaire d’État chargée de la mer, aura des conséquences quant au positionnement de la France ?

 

La fosse des Casquets, la sacrifiée

Il est un lieu emblématique de cette pratique dévastatrice : la fosse des Casquets, située au large du cap de La Hague. « Dès que l’on partait aux abords de la fosse, on savait qu’on allait remonter de la merde (sic). » Durant 20 ans, Daniel Lefèvre, ancien pêcheur, aujourd’hui président de la Coopérative d’armement des pêcheurs artisans de la Manche, a remonté de nombreuses grenades sous-marines et autres caisses de munitions « souvent cassées en morceaux », de 1968 à 1987, au large du Cotentin.

Daniel Lefèvre, ancien pêcheur du Cotentin, a été témoin des nombreuses munitions gisant au fond de la mer et plus particulièrement dans la fosse des Casquets, au large du Cotentin. (© Thibaud Delafosse / Presse de la Manche)

Daniel Lefèvre, ancien pêcheur du Cotentin, a été témoin des nombreuses munitions gisant au fond de la mer et plus particulièrement dans la fosse des Casquets, au large du Cotentin. (© Thibaud Delafosse / Presse de la Manche)

À chaque fois que ce genre d’objets s’accrochaient aux filets, les pêcheurs les conservaient très peu de temps au sec. Jusque dans les années 1960-1970, les pêcheurs immergeaient eux-mêmes les munitions après en avoir attrapées dans leurs filets. « Ils les jetaient volontairement dans des zones où ils ne pouvaient pas travailler, dans des endroits rocheux, trop profonds ou au-dessus des épaves », sait Bertrand Sciboz, directeur du Ceres. « On craignait que ce genre d’objets se mêlant aux pêches fassent une mauvaise publicité à nos produits. Nous avions intérêt de nous taire », reconnaît Daniel Lefèvre. Selon Sea Shepherd, « la fosse des Casquets est une des plus grandes décharges sous-marines qui existent ».

Selon Bertrand Sciboz, les pêcheurs jetaient volontairement les munitions pêchées au-dessus des épaves ou des zones rocheuses. (© Bertrand Sciboz)

Selon Bertrand Sciboz, les pêcheurs jetaient volontairement les munitions pêchées au-dessus des épaves ou des zones rocheuses. (© Bertrand Sciboz)

Ce territoire sacrifié, profond de 160 mètres seulement, a aussi été le déversoir de munitions chimiques : 12 navires qui contenaient 70 tonnes de munitions chimiques ont été immergés. L’endroit a aussi servi de décharge pour les déchets nucléaires français. « Au moment où Corinne Lepage était ministre, on avait demandé à ce qu’il y ait des études et que ça soit considéré comme un site prioritaire à dépolluer. On nous a dit que c’était impossible, parce qu’il y avait cette diversité, cette dangerosité. Donc, pour le moment, c’est pas-touche », résume Charlotte Nithart de Robin des bois.

L’ancienne ministre se souvient avoir été « saisie par Greenpeace qui se plaignait d’une augmentation de la radioactivité dans la fosse des Casquets, liée aux déchets nucléaires qui auraient été entassés jusqu’en 1973, officiellement. Officieusement jusqu’en 1978, mais je ne suis pas sûre ». Corinne Lepage nous assure avoir été « attentive au sujet » et avoir « organisé une réunion à la préfecture maritime de Brest ».

"Je me suis fait communiquer les relevés et la pollution radioactive était importante. J’ai demandé ce qui pouvait être fait pour remédier à cette situation, notamment s’il était possible d’aller chercher les fûts, pour les enfouir ailleurs, à La Hague par exemple. Le préfet maritime est revenu vers moi quelques jours plus tard, m’indiquant qu’il était impossible de remonter quoi que ce soit, parce qu’ils étaient tous éventrés. Les déchets radioactifs s’étaient dissous dans la mer." Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Écologie.

Dans le courant du mois de mai 2022, un document stratégique de façade a été adopté par le préfet maritime et le préfet de Région. On y apprend notamment que l’État va consacrer quelque 400 000 euros à la fosse des Casquets. Il n’est pas question d’évaluer l’état de corrosion des armes, mais de mesurer les interactions entre les activités qui s’y développent et l’état des fonds marins. « Le but est de mesurer l’impact que peuvent avoir les activités se déroulant dans la fosse des Casquets, et la manière d’adapter la réglementation s’il y a un impact sur l’environnement », indique Caroline Pisarz-Van den Heuvel, cheffe de la mission de coordination des politiques publiques mer et littoral à la Direction Interrégionale de la Mer Manche Est – Mer du Nord, qui porte ce document.

 

L’immersion des armes de nouveau autorisée

Malgré les demandes des associations comme Robin des bois, il y a fort à parier qu’il n’y aura jamais de dépollution de ces sites. Ospar écrivait dans un rapport en 2010 : « L’assainissement des décharges d’armes chimiques marines et de munitions est techniquement difficile en raison de la nature des matériaux déversés et de l’incertitude entourant les quantités, le type, les emplacements et l’état actuel ou la stabilité de ces matériaux. »

L’utilisation de la mer comme un vide-ordures avait encore cours jusqu’au milieu des années 1990. Chimiques ou pas, « jusqu’en 1994, les munitions anciennes découvertes par le service du déminage étaient détruites en Baie de Somme par explosion sans distinction de type », précise le ministère des Armées. Ce site ayant été classé « zone protégée », « la destruction des munitions chimiques a été suspendue », poursuit le ministère.

On pourrait penser que ces « pratiques scandaleuses d’un autre âge » seraient définitivement abolies, mais il n’en est rien. En 2003, le code de l’environnement a réintégré l’autorisation d’immerger des munitions « ne pouvant être éliminées à terre sans présenter des risques graves pour l’homme ou son environnement ». Cela représente « un important recul », se désole Charlotte Nithart. D’autant que pour la directrice de Robin des bois, une munition conventionnelle ou chimique présente toujours des « risques graves »..

Enquête réalisée par Raphaël Tual, Thibaud Delafosse (Presse de la Manche) et Florian Tiercin (actu Morbihan).

 

 

Source: https://actu.fr/societe/des-decharges-d-armes-chimiques-au-large-des-cotes-francaises-une-bombe-a-retardement_51218293.html

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