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27 mars 2020 5 27 /03 /mars /2020 16:11

 

 

14 mars 2020

lien vers la partie 1

Energie] Privatisation des concessions hydroélectriques : défendre l'indéfendable ? (Partie 2)

« Quand tout sera privé, on sera privé de tout ».
C’est ce qui était écrit sur une banderole déployée au-dessus de la retenue de Serre-Ponçon par un collectif en lutte contre le projet de privatisation des concessions hydroélectriques. Malgré, ou plus justement en raison des impacts environnementaux sévères de ces équipements industriels, il est certain que cette privatisation est une très mauvaise nouvelle. Pour l’équilibre du marché de l’électricité en France, pour notre sécurité, pour le pouvoir d’achat qui devrait encore baisser avec des hausses de tarifs à prévoir, mais aussi pour l’environnement. Il faut garder le contrôle de ces équipements justement pour pouvoir décider collectivement ce que nous voulons en faire.

 

Les barrages, des outils industriels à défendre ?

Ces barrages sont les principaux outils qui garantissent le bon fonctionnement du réseau de distribution de l’électricité. Ils nous permettent non seulement d’éviter le blackout, mais aussi de produire une électricité quasi gratuite et d’éviter d’augmenter notre dépendance aux énergies fossiles. Le projet de mise en concurrence des concessions est donc incompréhensible, même dans un système ultralibéral. Et pourtant… il est bien difficile de se résoudre à apporter un blanc-seing à EDF et aux divers exploitants hydroélectriques (CNR, SHEM, producteurs autonomes), sous prétexte de protéger une source d’énergie stratégique, alors même que les barrages ont détruit nos cours d’eau. Les impacts sur l’environnement de ces ouvrages sont légions :

  • Changement de typologie dans la zone du remous (plan d’eau), qui transforme des zones de torrents et de chaos rocheux en lacs,
  • Modification et dégradation de la qualité de l’eau dans la retenue et dans le cours aval,
  • Déstructuration du régime hydraulique aval avec des pics journaliers énormes (turbinages) et un débit de base artificiellement faible (régime réservé),
  • Impossibilité de structurer des habitats résiliants sur les berges du plan d’eau qui subit des marnages artificiels trop importants,
  • Obstacle à la migration des espèces lié à la présence du barrage et du plan d’eau,
  • Blocage du transport solide bloqué par la retenue qui déstructure le cours aval (souvent transformé en triste cours d’eau trop large, totalement pavé et avec une lame d’eau trop faible),
  • Apparition d’espèces allochtones dans le plan d’eau qui peuvent impacter le cours amont et aval,
  • Mortalité des espèces migratrices descendantes qui empruntent les dispositifs d’amenées aux turbines,
  • Sensibilité accrue aux espèces invasives,
  • Sensibilité aux opérations d’entretien et de surveillance (vidange, transparence) qui transportent des boues parfois contaminées et toujours colmattantes vers le cours aval
  • Transferts d’eau entre bassin-versants…

Non, l’énergie hydraulique n’est pas la « seule énergie propre » décrite dans le pourtant très bon film de N. Ubelman « Barrages : l’eau sous haute-tension » sur le problème de la privatisation de ces concessions. Il est même très discutable qu’elle soit classée dans les énergies renouvelables compte tenu de ses impacts sur le milieu. Rappelons ici que la seule énergie propre est celle que l’on ne produit pas.

Quant à EDF, même lorsque c’était encore une entreprise publique et non une SA, elle a toujours lutté contre les écologues pour défendre ses équipements et ses modes de production et pour sous-évaluer les impacts qu’il n’était pas possible de ne pas voir. La lutte des écologues contre les ouvrages est donc parfaitement justifiée, et EDF ne peut pas être qualifiée d’exemplaire, même si elle reste sans doute bien loin de ses concurrents internationaux en matière d’indécence environnementale au moins dans le domaine de l’hydroélectricité.

Lutter contre la privatisation des concessions ce n’est donc pas renoncer à lutter contre les ouvrages, quels que soient leurs usages. Leurs impacts sont à mettre en parallèle avec leur importance stratégique dans cette période où sont envisagées une transition écologique et une réduction de notre dépendance énergétique. Comme toujours en écologie, il n’y a jamais de solution simple, mais au contraire des arbitrages à faire pour trouver des solutions équilibrées. La question, elle, est pourtant simple : dans le cas d’une privatisation, en plus de céder une ressource très rentable et stratégique, quelle sera notre marge de manœuvre pour gérer ces arbitrages ? Sur l’environnement, sur les conflits d’usage liés à l’eau, sur la sécurisation de notre système électrique, sur la sécurité des personnes, et surtout, sur la gestion de notre patrimoine commun, l’eau ? Aucune. A moins, bien entendu, de devoir indemniser à la hauteur des enjeux les déjà richissimes entreprises concessionnaires qui auraient alors tous les moyens de faire chanter un Etat français affaibli et ne maîtrisant plus rien.

 

Effacement du barrage de Vezin, une victoire pour l’écologie

Il y a 30 ans, un grand projet d’effacement d’ouvrage hydroélectrique a été envisagé sur la Sélune, un des cours d’eau alimentant la baie du Mont-Saint-Michel, dans le cadre d’un plan d’ensemble de préservation du saumon Atlantique et des poissons migrateurs. Après 30 ans d’études, de controverses, de négociations, de lobbying, les ouvrages de Vezin et La Roche-Qui-Boit sont enfin en cours de démantèlement. Et pourtant, le gestionnaire était EDF avec des services de l’Etat en charge de la protection de l’environnement qui discutaient avec l’Etat actionnaire majoritaire d’EDF… gageons que ce démantèlement n’aurait jamais vu le jour dans le cadre d’une concession privée.

Il faut donc s’engager sans arrière-pensée dans la lutte contre la privatisation des concessions hydroélectriques, pour conserver le contrôle de ces ouvrages stratégiques, dangereux, et très impactants sur le milieu naturel, pour garantir que l’Etat, et idéalement les citoyens puissent assurer les arbitrages nécessaires dans le cadre de l’intérêt général quand le besoin s’en fait sentir. A ce sujet, les nouvelles sont plutôt bonnes. En effet, l’Union Européenne ne serait pas fermée à une proposition de la France de conserver l’hydroélectricité sous contrôle public, il faudra juste s’assurer que les « contreparties » ne soient pas inacceptables. Quant au gouvernement, il serait prêt à céder face aux pressions militantes citoyennes et intersyndicales ainsi qu’à la grogne et à l’incompréhension des députés sur le sujet, jusque dans ses propres rangs. C’est justement le moment de peser sur le débat et de rejoindre tous les mouvements militants pour la sauvegarde d’une hydroélectricité publique. Ce serait de plus la bonne occasion de demander plus de contrôle citoyen sur le fonctionnement et les usages de ces équipements. C’est un combat que nous sommes en mesure de remporter.

 

 

 

Source : https://ecologuesenrages.home.blog/2020/03/14/energie-privatisation-des-concessions-hydroelectriques-defendre-lindefendable-partie-2/

 

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