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8 novembre 2018 4 08 /11 /novembre /2018 15:26

 

 

 

Six experts ont donné une conférence à Biarritz le 26 octobre dernier dans le cadre du passage du Train du Climat. Le Pays Basque Nord, fortement urbanisé et artificialisé, doit s’adapter à des phénomènes qui deviendront récurrents : érosion, submersion, pluviométrie intense.

Anaiz Aguirre Olhagaray|08/11/2018 10:55|0 commentaires | Mis à jour à: 10:59

Le littoral basque à l’épreuve du risque climatique

Au Pays Basque, le trait de côte a reculé de soixante mètres en 200 ans. A Bidart, la plage d’Erretegia va être “renaturée” afin de limiter les risques d’érosion et de submersion, phénomènes de plus en plus fréquents sur la côte basque. © Bob EDME

"Il va falloir acquérir une culture du risque dans l’aménagement". Véronique Mabrut, de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, n’y va pas par quatre chemins. Ce 26 octobre au Casino municipal de Biarritz, dans le cadre de la tournée régionale du Train du Climat (co-organisée par le comité scientifique AcclimaTerra et soutenue par la région Nouvelle-Aquitaine), six conférenciers ont présenté de façon très claire les modifications du climat à l’échelle du littoral basque : Iker Castège, directeur du Centre de la mer (Biarritz), Stéphane Abadie, directeur du laboratoire de recherche Siame à l’antenne d’Anglet de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), Caroline Sarrade, directrice du Littoral à la Communauté d’agglomération Pays Basque (CAPB), Véronique Mabrut (Agence de l’eau Adour-Garonne), Marie Bareille de l’Institution Adour et Nicolas Rocle, chercheur-sociologue à l’Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l'agriculture).

Souvent méconnue, la biodiversité marine du Pays Basque est "exceptionnelle", présente Iker Castège. On rencontre au large de nos côtes 50 espèces d’oiseaux marins, 21 espèces de cétacés (un quart des espèces mondiales y sont présentes) et pas moins de 600 espèces de poissons. La diversité de milieux du littoral basque fait sa force, mais aussi sa faiblesse, car elle le rend plus vulnérable aux évolutions du climat. Ce qui, note Iker Castège, a des impacts socio-économiques directs. Du fait du réchauffement de l’océan, les planctons prolifèrent, menaçant par exemple la conchyliculture (l’élevage des coquillages) dont 1 100 entreprises tirent leur gagne-pain en Nouvelle-Aquitaine. Une solution pour protéger cette richesse naturelle serait de créer une "aire marine protégée".

Difficile pour Stéphane Abadie, qui étudie les modifications physiques du littoral, de dire exactement dans quelles proportions s’élèvera le niveau des océans. Il se souvient que l’hiver 2013-2014, la hauteur des vagues était "tout le temps" de quatre mètres et qu’elles étaient d’une puissance énergétique inouïe. "On pense qu’il y aura moins d’ouragans, mais plus intenses", avance-t-il. Il constate que la "période de retour" (le temps écoulé entre deux évènements naturels) est toujours plus courte. Autrement dit, il va falloir s’habituer aux vagues géantes et aux tempêtes hivernales. Variabilité naturelle du climat ou conséquences de son dérèglement ? "On n’est pas sûr, mais on a une forte présomption que ce sont bien les premiers signes du changement climatique". Les communes littorales sont bien sûr les plus vulnérables. Problème : la population augmente de plus en plus, précisément sur la côte…

 

Aménager en tenant compte du risque

A la CAPB, une stratégie de gestion des risques littoraux est déjà sur les rails. L’Agglo a élaboré une feuille de route à l’horizon 2040, avec un programme d’actions. 25 millions d’euros sont déjà consacrés à la phase de pré-programme, qui couvre la période 2017-2021. L’objectif est de gérer la double problématique de l’érosion et de la submersion, en "renaturant" les plages, comme c’est déjà à l’étude à la plage d’Erretegia de Bidart, à celle de Bidart-Centre. La renaturation consiste à "enlever les enrochements en pied de plage, laisser l’océan pénétrer et laisser la place à la végétation, afin qu’elle puisse capter l’eau de pluie" explique Caroline Sarrade, directrice du Littoral à la CAPB.

A Saint-Jean-de-Luz, beaucoup de campings donnent directement sur la mer. "Des négociations sont en cours pour leur trouver du foncier plus en amont du littoral, afin de leur permettre de relocaliser leur activité" détaille-t-elle. Le tourisme impacté, et c’est tout un secteur, sur lequel repose en grande partie le modèle économique de notre territoire, qui se fragilise... de quoi donner à réfléchir aux professionnels du métier comme aux élus en charge de l’aménagement territorial.

Justement, Caroline Sarrade souligne l’importance d’intégrer ces risques dans les plans locaux d’urbanisme, "pour informer la population et la préparer". Elle suggère également de développer des outils de prévision des aléas climatiques, comme le projet transfrontalier Marea (Modélisation et aide à la décision face aux risques côtiers en Euskal Atlantique) en partenariat avec l’UPPA et la CAPB. En s’appuyant sur les études statistiques de Météo France, l’Agglo surveille également de près la pluviométrie, qui connaît d’importants changements impactant directement la qualité de l’eau et les systèmes d’assainissement.

 

Zones humides à défendre

Pour Véronique Mabrut de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, à cause du réchauffement climatique la pluviométrie sera peut-être moins importante, de l’ordre de moins 15 %. En revanche, elle sera répartie différemment. Ce qui est certain rassure-t-elle, c’est que côté températures, le littoral basque sera privilégié : il fera moins chaud à Bayonne que dans le reste du bassin Adour-Garonne. Pour autant, des problématiques sérieuses se posent à notre territoire, du fait de son extrême urbanisation et artificialisation. La densité de population sur le littoral est de 500 habitants par km², "voire plus", et la population va encore croître dans les 20 à 30 prochaines années.

Il faut donc d’urgence changer de modèle d’aménagement, d’agriculture, "en retenant l’eau à la parcelle, en limitant l’érosion, en améliorant la fonctionnalité des cours d’eau et en maintenant les zones humides". Dans l’Etat français, 50 % des zones humides ont disparu au cours du siècle dernier, alors qu’il coûterait cinq fois moins cher de les protéger que de compenser la perte des services qu’elles nous rendent gratuitement, selon l’Agence de l’eau.

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