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24 décembre 2014 3 24 /12 /décembre /2014 08:24

 

 

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A Bhopal, un berger fait paître son troupeau sur le site toujours pollué de la catastrophe.

 

 

Plus de 2 000 substances toxiques sont encore entreposées sur le site de l’ancienne usine d’Union Carbide qui avait explosé il y a 30 ans à Bhopal, en Inde. Ni l’entreprise américaine ni le gouvernement indien n’ont jamais rien décontaminé depuis la catastrophe. Les déchets non traités, eux, continuent de polluer les nappes phréatiques.


Indranil Mukherjee / AFP

 

Sommaire

Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, une usine de la firme Union Carbide à Bhopal produisant des pesticides explose, libérant 40 tonnes d’un gaz toxique dans l’atmosphère de la ville. 3 500 personnes sont tuées le jour même et près de 8 fois plus auraient péri des retombées de l’exposition au gaz. Trente ans après, les traces de ce drame écologique et humain sont encore vives : de la friche industrielle remplie de déchets dangereux non traités, aux victimes de pathologies dues à la catastrophe, Bhopal peine à renaître. Mais les jeunes générations relèvent le défi du changement et participent activement à la relance de la ville.

·         Episode 1 : Bhopal, 30 ans plus tard : dans l'usine abandonnée, le danger est partout

·         Episode 2 : Bhopal, 30 ans après : les associations de victimes en guerre contre Dow Chemical

·         Episode 3 : A Bhopal, 30 ans après la catastrophe, les malades souffrent toujours

·         Episode 4 : A Bhopal, le souvenir de la catastrophe s’efface devant la forte croissance économique

 

Ici, pas de barrières à franchir, pas de sac à faire scanner ni de vêtements de protection à enfiler… le site de l’ancienne usine de l’entreprise américaine Union Carbide d’où s’est échappé le nuage de gaz meurtrier la nuit du 2 au 3 décembre 1984 est ouvert à tous les vents.

Il faut une autorisation administrative, pour visiter l’usine; le gouvernement du Madhya Pradesh l’exige. Mais en pratique, les lieux ne disposent d’aucun véritable dispositif de sécurité. De nombreuses brèches percent d’ailleurs l’enceinte du complexe situé en plein cœur de la ville. Et l’on y croise régulièrement des habitants du quartier.

 

Une friche industrielle dangereuse

 

Une fois ces murs franchis, on découvre une friche industrielle de 30 hectares qui ressemble de plus en plus à un parc abandonné, tant la nature se mêle aux vestiges de l’usine. Le regard se perd dans les arbres et hautes herbes avant qu’au détour d’un virage apparaissent de hautes structures métalliques rouillées.

Dans l’un de ces bâtiments aux vitres cassées se tient l’ancien laboratoire de contrôle qualité. C’est là qu’étaient analysés les pesticides produits par Union Carbide. A l’époque, TR Chouhan, la soixantaine aujourd’hui, était responsable de l’exploitation de l’isocyanate de méthyle, le gaz responsable de la catastrophe. Aujourd’hui, l’homme contemple d’un œil résigné les flacons de produits chimiques qui jonchent les paillasses poussiéreuses et les étagères envahies de toiles d’araignée. 

 

"Pas un gramme de ces composés toxiques n’a été neutralisé"

 

"Plus de 2 000 produits chimiques dont du chlorure de cyanogène, très toxique, sont toujours entreposés dans l’usine. Il n’y a pas un gramme de ces composés toxiques qui ait été neutralisé et ils continuent de réagir avec l’environnement, l’eau, la végétation, le corps humain […]. Certains sont sous forme liquide, d’autres sous forme de cristaux et leurs effets sur la santé n’ont jamais été étudiés", détaille-t-il, en marchant sur les tessons de verre et les gravats pour regagner l’extérieur.

L’ancien employé, qui avait terminé son service la nuit du drame, veut montrer l’emplacement du réservoir numéro 610 d’où le gaz s’échappa en raison d’une surpression à la suite d’une fuite d’eau. Contrairement aux autres réservoirs, toujours fixés sur leur support en hauteur, celui-ci gît à même le sol, offert aux herbes folles, et à quiconque s’en approche. "Après le drame, les enquêteurs de l’équipe d’investigation dépêchés par le gouvernement ont voulu peser le réservoir plutôt que de vérifier le niveau à l’aide des indicateurs. Et la grue a lâché", commente TR Chouhan.

Une courte marche conduit à la fosse à déchets, elle aussi dans l’enceinte de l’usine. Sur le chemin, une vieille femme fait paître des chèvres. Un groupe d’adolescents se promène.

 

347 tonnes de déchets hautement suspects à l’abandon

 

Recouverte d’une mousse verte, la fosse est aujourd’hui un petit étang d’eau stagnante. Des quantités importantes de métaux lourds et de polluants persistants y ont été prélevées il y a quinze ans par Greenpeace ainsi que par d’autres ONG (organisations non gouvernementales). Des composés organochlorés dangereux et une forte présence de mercure y ont notamment été détectés. Ils y sont toujours.

En 2012, l’agence de développement allemande GIZ devait pourtant extraire de cette fosse 347 tonnes de déchets afin d’aller les incinérer en Allemagne, car l’Inde ne dispose d’aucune installation adéquate pour les traiter. Mais après trois mois de négociations avec le gouvernement indien, GIZ a finalement abandonné le projet.

 

Nappe phréatique contaminée

 

A quelques centaines de mètres de l’usine, c’est encore pire. Sur le principal site de pollution, les "bassins d’évaporation solaire" s’y étendent sur 17 hectares. Pendant sept ans, entre 4000 et 12000 tonnes de produits toxiques y ont été déversées par Union Carbide. Les substances ont ensuite contaminé les nappes phréatiques dans un rayon de 2 à 5 kilomètres. Elles ont contaminé 50000 personnes.

Aujourd’hui, l’endroit tient plus du marécage que du bassin. Le "liner", une sorte de bâche censée empêcher l’absorption des produits par le sol, est déchiré en de nombreux endroits.

Inconscients du danger, au bord de l’eau, des enfants aident leur mère à prélever de la terre meuble pour renforcer les murs de leur maison. A quelques mètres, un homme pêche. Il vendra le poisson sur le marché.

 

Sarah Collin, envoyée spéciale à Bhopal

 

Source : http://www.novethic.fr/empreinte-terre/pollution/isr-rse/bhopal-30-ans-plus-tard-dans-l-usine-abandonnee-le-danger-est-partout-142937.html

 

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