Enquête Publique dragage 2016
L’Adour a été canalisé au 16-ème siècle pour faire cesser l’errance de son estuaire. Ce tracé fluvial artificiel nécessite donc soins et attention constantes.
Ainsi domestiqué, l’Adour est devenu progressivement un port ouvert sur l’Atlantique.
Depuis la découverte du gaz de Lac en 1951 et la fermeture des forges de l’Adour en 1963 le choix des politiques pour un essor économique de la zone se tourne vers le soutien massif au développement industriel du port avec des entreprises les plus polluantes qui soient allant jusqu’au classement « SEVESO » du site (1).
1- Histoire récente du Port, exemples d’incohérences :
1970 La zone des Pontots est alors une zone marécageuse, des objectifs économiques conduisent à la décision d’assainir la zone. On choisit de pomper dans l’Adour au niveau du Pont de l’Aveugle des matériaux, acheminés vers les Pontots pour assécher les sols.
Mais, La quantité très importante de matériaux retirés du fleuve modifie sa physionomie et son débit, rapidement apparaissent des déchaussements des piliers supportant les ponts St Esprit et Mayou. L’ingénieur de la Ville de Bayonne M. Lesborde décide d’arrêter les pompages et demande que des travaux de consolidation des ponts soient immédiatement entrepris.(2)
1995—Ile St Bernard.
L’Ile St Bernard était un lieu sensible du lit de l’Adour en matière de vie aquatique, une sorte de « nurserie aquacole ». Le canal avait un rôle d’échappatoire et de régulateur du flux du fleuve.
Mais les rêves se focalisent sur l’augmentation du trafic, et cet endroit, une fois bétonné et le canal comblé, permettra l’accostage et le déchargement de navires, on y installera une belle et grosse grue jaune….Mais la nature n’en fait qu’à sa tête, les alluvions se déposent devant le quai, élèvent les fonds, diminuent la profondeur! Les bateaux ne peuvent pas accoster et la grue de déchargement s’éloigne insidieusement du bord…
1960— La Barre de l’Adour : Pour sécuriser l’entrée au port,
Après une étude hydrologique du Laboratoire de Maison Alfort, il est préconisé la construction d’une digue en arc de cercle, de 1000m au Nord de l’embouchure et de son équivalent au Sud créant ainsi un « Avant-Port » permettant de s’affranchir du phénomène de la Barre. La digue Nord une fois construite, les finances manquent. La longueur de la digue Sud construite plus courte que prévue ne peut remplir sa fonction de protection contre l’ensablement permanent de l’estuaire et donc de la reformation permanente de la « Barre » et le danger qu’elle représente pour la navigation.
L’énumération des choix hasardeux et destructeurs pour l’environnement, le peu de respect pour la vie des hommes et les deniers des contribuables pourrait être poursuivie à l’infini ?. A-t-on tiré des enseignements de ces gestions à court terme ?
2- Pomper plus.
En 2013, l’achat d’une drague avait selon la CCI pour objectifs de diminuer les coûts de la sous-traitance, d’améliorer le désensablement du port permettant ainsi à des bateaux de 20000 tonnes d’accoster plus en amont de l’estuaire et de sauvegarder les plages d’Anglet.
Déjà à l’époque le CADE s’inquiétait de cette frénésie à vouloir draguer le fleuve, comparant les tenants de la méthode aux shadocks…
Effectivement, la CCI dans sa nouvelle « demande d’autorisation de travaux d’entretien du Port de Bayonne » modifie à la hausse les volumes des sédiments dragués et la fréquence des opérations.
Le commerce à tout prix :
Les gestionnaires du port et leurs commanditaires ont une logique d’exploitants, quel que soit le prix à payer, ils pensent en graphiques, trafic, tonnage, compétitivité, politique de l’offre même pour « la filière conteneur »(3), tout doit monter ! Peu importe la nature du fleuve et du port, ils vont creuser en long, large et profondeur, et sans fin, puisqu’il semble que les sédiments rejetés en mer, ne restent pas en place. Peu importe les dégâts environnementaux avérés et à venir il faut justifier le bilan d’activité, assurer la rente et les clapages pour le maintien du trait de côte tombent à pic (!) se sont les collectivités qui paient. C’est le retour sur investissement de l’achat de la drague qui est le maître mot.
De plus, la prétendue économie produite par l’arrêt de la sous-traitance dans le fleuve reste à démontrer, la mise en service récente de la nouvelle drague ne permet pas de faire des bilans comparatifs.
Respect de l’environnement :
Rappel important : l’Adour est classée Natura 2000…
Chaque dragage et chaque clapage bouleverse les éco-systèmes, par remue-ménage, déplacements et essorage, augmente la turbidité, diminue la lumière du fond, altère la qualité de l’eau, et ne laisse aucune chance aux espèces benthiques et démersales. Aberration des décideurs, en amont du fleuve d’importants engagements financiers sont faits pour des passe-à-poissons alors qu’à l’embouchure on va sérieusement brouiller les pistes, le demandeur n’envisage que 2 mois, juillet et août, d’interruption totale des dragages et clapages . Civelles, saumons vont-ils devoir apprendre à voler ?
La CCI fait le choix de claper en mer tous les sédiments qu’elle aura récoltés, vases douteuses incluses. Son ambition concernant le trait de côte est de retrouver un stock sédimentaire comparable à celui des années 1990 !!! Les données sur l’érosion des côtes n’auraient-elles pas considérablement évoluées ces derniers temps ?
« L’environnement humain » : c’est nous !
Au fil du temps le Port est devenu un « no man ‘land », il y a bien quelques nostalgiques des souvenirs d’enfance pour se rendre encore au bout du bout de la digue régulièrement, promenade étonnante pour qui n’a pas connu « la belle époque ».
Baignades interdites pour risques sanitaires, consommation des poissons interdite par arrêté préfectoral. Plus aucun lieu de convivialité, la dernière tempête ayant emporté l’établissement reconstruit en 2013 …. ! Plus un seul arbre. Désolation, ruines industrielles, accès interdits, crasse et pollutions.
Le Port est un bien commun. L’Adour appartient au patrimoine public citoyen et ne doit en aucun cas être considéré comme le champ clos de la CCI.
3- Les citoyens ont des idées !
- Respecter la loi de 1982 et la convention d’Aarhus : Loi 1187/2002, qui stipule « l’obligation
- Pour les pouvoirs publics d’associer le public aux études et actions susceptible d’avoir un impact sur leur santé et leur cadre de vie ».
- Que les décideurs consultent le dossier de M Girardon sur les risques et méfaits de l’artificialisation excessive des cours d’eau, étude relative au Rhône.
- Demandent : Cohérence et cohésion des différents impératifs des Services :
*La CCI et la Région veulent du « rentable »
*L’ARS veut de bons résultats d’analyse des eaux de baignade.
*Le Maire d’Anglet veut du sable et des touristes.
*Les pêcheurs professionnels veulent pouvoir vivre, les pêcheurs en eaux vives voudraient voir des poissons, etc ...
- Proposent de Changer de système !
Les habitants, ouvriers, maraîchers, pêcheurs, ont déjà payé un lourd tribut aux activités polluantes du Port : environnement malsain, poussières, fumées, maladies respiratoires, accidents du travail et maladies professionnelles, procès, dispersions massives des mâchefers dans les sols …
- Cesser de penser en profits immédiats et à court terme au risque de massacrer le peu qu’il nous reste.
- Suggèrent la transparence, sur les coûts réels : l’empreinte carbone de l’utilisation de la drague 12/j, 6j/7 ?, sur la pertinence du projet avec avis autres qu’un seul cabinet conseil.
- De réhumaniser le port et créer des emplois verts :
Les citoyens doivent pouvoir se réapproprier les lieux.
Appel à projets pour dépolluer, nettoyer, replanter, imaginer la reconversion.
Créer un havre pour la marine à voile, des lieux de promenade, des activités ludiques…
D’autres villes l’ont fait.
Conclusion
Le port de Bayonne est un port artificiel : ses gestionnaires n’ont pas d’autres choix que de draguer l’Adour afin d’assurer le passage des bateaux de gros tonnage et poursuivre son développement économique. De son côté, la ville d’Anglet voit depuis 1904 son trait de côte reculé (1) suite à des campagnes de dragage de plus en plus importantes. Ce dragage du lit de l’Adour effectué de manière régulière à partir de la fin du XIXième siècle a accompagné le démarrage de l’activité industrielle du Port dès l’arrivée des Forges de l’Adour et des usines chimiques de Saint-Gobain. L’érosion engendre pour la commune d’Anglet des incidences négatives sur le tourisme et sur les biens situés en bordure de littoral engendrant des coûts supplémentaires.
La volonté de la CCI d’augmenter les volumes de sédiments dragués et d’accroître les périodes de dragage au détriment des écosystèmes et la volonté des collectivités qui soutiennent le projet, entraînent une situation paradoxale et antinomique. Il semble en effet difficile de concilier activité touristique et activité industrielle. De plus, l’histoire des dragages sur le port de Bayonne révèle que dès que la quantité des volumes dragués dépasse des records, l’érosion s’accélère sur Anglet et ceci même lorsque le sable est clapé vers les plages.
Nous en concluons donc que de délivrer cette autorisation d’augmenter les volumes d’extractions et les périodes de dragage contribuera à accélérer l’érosion des plages. Elle renforcera un peu plus l’impact négatif du Port sur l’environnement. Pour ces raisons, nous ne sommes pas favorables à ce projet.
Commission eau du CADE : IDEAL, ACE, SEPANSO, Santé Environnement Pays Basque, ZIP Adour, Attac Pays Basque, Ortzadar, Mouguerre Cadre de Vie, Association Comité de soutien aux victimes de Fertiladour, Riverains du Seignanx.