Les autoroutes du gaz se croisent dans le sous-sol de Captieux. Il faudrait les déplacer pour permettre à la LGV de se séparer ici pour filer vers Dax ou vers Toulouse. © PHOTO ARCHIVES Nicolas LE LIÈVRE
Publié le 23/01/2015 à 06h00 , modifié le 23/01/2015 à 07h36 par CATHERINE DOWMONT
Le projet de ligne à grande vitesse implique de déplacer un gazoduc, moyennant des millions d’euros et cinq ans de travaux au minimum.
La contribution 1880 de l'enquête publique va-t-elle faire capoter le projet de LGV au sud de Bordeaux ? On n'en est pas là, mais elle révèle un sacré caillou dans la chaussure de Réseau ferré de France. Cela concerne le triangle ferroviaire prévu à Captieux. À partir de cet endroit, les deux lignes envisagées se séparent. L'une file vers Toulouse, l'autre vers Dax. C'est dire si le lieu est stratégique.
Manque de pot ou d'anticipation, il s'avère que son tracé passe pile-poil au-dessus d'un autre nœud : celui des gazoducs dans lesquels circulent les gaz norvégien ou ukrainien et qui alimentent la France entière. Cette installation, sensible s'il en est, doit être dégagée de toute contrainte sur un espace de 400 mètres.
Une addition salée
Cela ne semble pas poser problème à RFF, qui, dans la pièce « F », volume 4.4, paragraphe 3.2.1.3 de l'enquête publique, envisage de « faire déplacer tous les réseaux de transport de gaz naturel venant en interaction avec ce projet de lignes nouvelles ».
Autrement dit : « Poussez votre gazoduc que je mette ma ligne à grande vitesse ! » « Ce n'est pas tout à fait ça », tempère Bernard Le Page, responsable de la communication de TIGF (Transport et Infrastructures gaz France). S'il est dans l'incapacité de dire si RFF s'est rapproché de TIGF avant de prévoir son tracé, il précise : « Nous mettons juste en garde RFF. »
Ainsi, dans sa contribution 1880 figurant dans l'enquête publique, TIGF est clair, si l'on considère « les volumes de gaz transportés, le nombre d'ouvrages concernés, leurs dimensions et notre obligation de service public, les installations de jonction dans cette commune de Captieux seront très difficilement déplaçables. En cas d'impact, les dépenses associées seraient de plusieurs dizaines de millions d'euros, et les délais de traitement seraient d'au moins cinq ans. »
Construits à partir de 2007, ces gazoducs sont une infrastructure primordiale pour la France. Il s'agit d'autoroutes du gaz qui permettent une circulation nord-sud mais pas seulement. « Nos canalisations sont réversibles », explique Bernard Le Page. « Nous stockons l'été des quantités de gaz à Lussagnet et à Izaute que nous injectons l'hiver quand la demande est plus forte. » D'énormes tuyaux de 900 millimètres passent donc sous terre et se croisent… à Captieux.
Des élus outrés
Toute noyée dans la masse qu'elle est, cette contribution n'est pas passée inaperçue parmi les milliers que comprend l'enquête publique GPSO. En particulier des adhérents de la Sepanso (Fédération des sociétés pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest) et de LEA (Landes Environnement Attitude), qui les épluchent soigneusement sur Internet. D'un département à l'autre, la nouvelle a fait son chemin.
Pour arriver jusqu'aux oreilles de Gilles Savary, député de la 9e circonscription et farouche opposant à la LGV. Il s'en est quasiment étranglé. « J'ai découvert ça récemment. C'est encore quelque chose d'extravagant. Cela illustre la légèreté de RFF et la façon dont il veut forcer la décision à n'importe quel prix. Le Sud-Gironde a fait beaucoup d'efforts pour accepter ce gazoduc. Comme l'itinéraire grand gabarit, le gazoduc, fait pour l'intérêt général, ne rapporte rien au territoire », s'emporte le député. Et, aujourd'hui, il est question de le déplacer. L'élu dénonce une « gabegie. Toutes les bases de ce projet sont fausses ».
« C'est ahurissant ! »
Jean-Luc Gleyze, vice-président du Conseil général et maire de Captieux, est tout aussi remonté contre ce projet « et ces ingénieurs de RFF qui n'ont même pas anticipé cela. Déjà, imaginer faire passer les lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax par Captieux, il faut le faire. Mais ne pas anticiper que le nœud ferroviaire passerait sur le nœud de gazoducs, c'est ahurissant ! C'est le même mode de raisonnement que si l'on demandait à ASF de pousser l'autoroute… À ce stade, je pense que RFF pourrait aussi bien envisager de raser Captieux. »
Voilà quand même un gros caillou dans le soulier de RFF. « Mais ce n'est pas le seul, objecte Denise Cassou, de l'association LEA. On n'est pas à une aberration près dans ce dossier conduit par RFF comme si la ligne passait dans le désert. »
À RFF, on ne fait aucun commentaire : « Pour l'heure, nous répondons aux interrogations que la commission d'enquête publique nous a envoyées. » Le temps presse : l'avis de la commission doit être rendu fin mars.
Source : http://www.sudouest.fr/2015/01/23/poussez-votre-gazoduc-que-je-mette-ma-lgv-1806167-2808.php