Avenue Paul-Mairat à Mansle, 2 300 passages de camions étaient annoncés: la situation s'est débloquée après une médiation de la préfecture et de la chambre de commerce et d'industrie. Photo archives Phil Messelet
Les abords et les accès au chantier de la ligne à grande vitesse sont placés sous haute surveillance Cosea a mis en place ses procédures. Les gendarmes ne quittent pas les routes d'accès des yeux. Les maires sont attentifs.
21 Novembre 2012 | 04h00
Ils vont finir par l'appeler la «route du Petit Poucet». Depuis édon et jusqu'à Claix, la Départementale 5 est le plus court chemin pour relier les carrières de Sainte-Croix-de-Mareuil aux plateformes de chantiers de la future ligne à grande vitesse (LGV) du secteur de Roullet. Chaque jour, c'est une noria de camions chargés de pierres. Il y a quelques semaines, un camion chargé jusqu'à la gueule est venu embrasser une Clio du côté de Villebois-Lavalette. Dans le même secteur, un autre a renversé son chargement... Uniquement de la tôle froissée, mais une belle frayeur, sur la «route des cailloux». «C'est devenu une vraie préoccupation, confirme Didier Jobit, le maire de Magnac-Lavalette. Au point que la préfète l'a souligné vendredi dernier au conseil général.»
«Si on veut évoluer, il faut faire des concessions» En cause, la vitesse excessive des poids lourds qui auraient tendance à semer un peu de leur chargement et effrayent les riverains de Villebois, Magnac-Lavelette, Charmant... «On doit les laisser bosser, mais ça pose un problème, insiste Didier Jobit. C'est surtout une affaire de sous-traitants. Ils sont payés au tonnage. Ils ont intérêt à multiplier les rotations.»
La semaine dernière, des contrôles n'ont pas donné lieu à verbalisation au carrefour de la route de Ronsenac, mais les riverains ont bien intégré que là, les camions roulaient rarement à 70 kilomètres-heure. «Il est vrai qu'il y a des camions, relativise Patrice Petit, le maire d'édon. Mais si on veut évoluer, il faut bien faire des concessions.» Ses riverains ne se sont pas plaints.
Les feux de Nersac Il suffit parfois d'un rien pour que ça coince. à Nersac, le chantier traverse la zone industrielle. Certes, André Bonichon, le maire, a trouvé vendredi dernier un poids lourd chargé de poutrelles d'acier pour le chantier, coincé en plein bourg. «Mais avec Cosea [le constructeur de la ligne, NDLR], ça se passe plutôt bien. La gestion du chantier est même exemplaire.» Excepté quand des petits malins s'amusent à piquer les batteries des feux alternés en haut de la zone. Cela fait plusieurs fois et ça ne fait plus rire. «C'est l'endroit où se croisent les circulations de la route et du chantier, c'est dangereux.» Cosea avait réalimenté les feux en aérien. La benne d'un camion a tout arraché... «Il faut que l'on prenne notre mal en patience.»
Les mines de Marsac Ils s'attendaient aux tirs de mines, pas forcément aux fissures. «Une maison du village de "Chez-Bertit" a souffert», indique Jean-Marie Acquier, le maire de Marsac. Sa commune a découvert le trafic intense des poids lourds sur la RD 96 Asnières - Marsac. «Mais on aura des ennuis quand ils vont commencer à livrer les 200 000 tonnes de ballast sur la plateforme. Ce sera un camion toutes les cinq minutes.» Il s'attend à trois mois de perturbations, une augmentation du trafic vers Villognon, par Montignac, Vouharte, le village de «Basse». «Ce sera là-bas le gros point noir», pronostique Patrick Berthault, le conseiller général du secteur. C'est là-bas que se construira bientôt le second ouvrage d'art du tracé en Charente, après celui de Roullet. Un viaduc de 300 mètres. «Il va falloir y transporter les matériaux. Entre Xambes et le "Breuil-de-Basse", ça va circuler.»
C'est pareil aux abords des grands ouvrages d'art. «On avait réussi à faire une déviation pour éviter Vervant et Xambes, ce qui arrangeait tout le monde. Mais il reste le problème de Vervant, concède le conseiller général. Il y a aussi énormément de matériaux à livrer pour la construction du saut-de-mouton», les voies qui se chevauchent. En direct avec Cosea, les élus tentent de négocier, de dévier.
Déblocage à Mansle Même à Mansle, la situation s'est débloquée. Michel Harmand, le maire, était pourtant très en colère en décembre 2011 quand on lui a annoncé «2 300 véhicules jour par l'avenue Paul-Mairat qui est une voie communale, pas du tout adaptée», qui dessert le collège, les écoles, la salle polyvalente.
La médiation de la préfecture et de la chambre de commerce et d'industrie a permis de sauver les meubles. «On a eu un niveau d'exigence très élevé, commente Michel Harmand. On a obtenu des barrières de protection fixes, un reprofilage de la chaussée, une signalisation et des plateaux surélevés, une surveillance permanente et même l'arrêt du trafic pendant une demi-heure aux heures d'entrée et de sortie du collège.»
Alors finalement, «on ne s'en sort pas trop mal». Les poids lourds auraient même pris l'habitude de ne plus traverser la RN 10 des carrières vers Angoulême. «Ils font le détour par "Moulin-à-Vent" à l'entrée de Mansle», a noté Patrick Berthault.
La cata à Luxé Mais le même concède qu'il a été difficile de gommer les points noirs de Luxé. «C'est une cata, concède l'élu, fataliste. Il fallait bien qu'il y en ait un qui ramasse.» Michel Mamy, le maire de la commune, s'est fait une raison. «Il y a un gros trafic: les laveuses, le bruit infernal, l'arrosage qui fait de la bouillasse, mais Cosea a mis des panneaux partout. La sécurité, ça va.» Le maire a même participé à trois contrôles de vitesse des poids lourds du côté de la poste. «On avait l'impression qu'ils roulaient vite. Le plus rapide était à 36 kilomètres-heure.
Les gendarmes sont sur le qui-vive Une vingtaine de représentants de Cosea, des sous-traitants et des maires ont passé leur après-midi de mardi dernier à la gendarmerie d'Angoulême. De leur plein gré. Ils avaient été invités par le colonel Yann Tréhin pour parler prévention et sécurité autour du chantier de la ligne à grande vitesse.
Cosea en est le concessionnaire; les maires sont à la fois les porte-parole de leurs administrés et les gestionnaires d'une partie des voiries aux abords immédiats du chantier.
L'objectif est de vérifier que tout est en place. «Ils réussissent quand même pas mal», estime le colonel. Le souci viendrait davantage des fournisseurs et sous-traitants. «Cosea n'est pas responsable de leur mise en oeuvre du code de la route. Il y a effectivement eu des soucis. Nous avons décidé d'opérations de contrôles concertés, vitesse, arrimages, distances de sécurité. Le 7 novembre, nous avons arrêté un camion avec des pierres qui dépassaient. Le chauffeur a confirmé aux gendarmes qu'il connaissait les engagements du chantier.» Le dispositif de Cosea semble adapté. «On les a encouragés à le synthétiser par un document unique qui formalise tout ça.» L'objectif est de faire un pont régulier avec les partenaires et d'actualiser la carte des points de tension.
Source: http://www.charentelibre.fr/2012/11/21/lgv-des-trains-de-camions-sur-les-petites-routes,1125772.php