Vendredi 8 juin 2012
Imaginez tous les pains au chocolat de la planète fabriqués par une seule et même multinationale. Un scénario cauchemar digne d’un film de science-fiction ? Détrompez-vous. Un groupe irlando-suisse a fait le pari de la viennoiserie mondialisée. Aryzta, c’est son nom, pèse plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ni vu ni connu, la société a avalé ces dernières années, en Europe et aux États-Unis, tous les géants de la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie industrielle.
Tout commence par une bonne idée : se faire du blé dans la boulangerie industrielle en vendant l’image du pain à la française. En 1998, une société irlandaise de négoce, qui s’appelle IAWS, rachète successivement la marque locale Cuisine de France, puis la britannique Délice de France. Rebelote aux États-Unis et jusqu’en France, où IAWS croque, en décembre 2004, le groupe Hubert, premier distributeur de pâtisseries industrielles pour la boulangerie et la restauration.
Quatre ans plus tard, l’irlandais fusionne avec une holding suisse, ce qui donne Arizta. Pour contrôler toute la chaîne, de l’épi de blé au pain au chocolat, le groupe s’est offert un complexe agro-industriel qui gère 21 000 hectares de céréales. Désormais, quand vous poussez la porte d’une boulangerie, vous avez toutes les chances de repartir avec une viennoiserie fabriquée dans une usine appartenant à la multinationale Aryzta.
Comme aucun texte n’oblige nos 32 000 artisans boulangers à concocter eux-mêmes leurs viennoiseries, la plupart d’entre eux passent commande chez Coup de pâtes, dont le catalogue aligne 205 références de viennoiseries et 274 pour la pâtisserie. Le boulanger n’a plus qu’à faire dorer au four son « palmier gourmand cru surgelé », à décongeler sa « tartelette au citron cuite surgelée » ou à finir son « pain au chocolat pré-poussé surgelé » en chambre de fermentation avant de l’enfourner.
Normalement, l’artisan qui vend du surgelé doit le signaler par un logo en forme d’igloo collé sur sa vitrine, ce qu’il oublie en général de faire. Pas la peine de mettre la puce à l’oreille du client qui croît que tout est maison dans la boutique. Mais peu importe, avec une viennoiserie industrielle, le boulanger gagne du temps et de l’argent puisqu’il peut revendre ses gâteaux de deux à trois fois le prix acheté sur catalogue.
Comme on dit, il y a des tartes qui se perdent…
Le canard Enchaîné N° 4780 du 6 juin 2012
Source : http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article20183