mardi 19 juin 2012
Par Sylvie Simon
L’aspartame est l’édulcorant le plus utilisé au monde. Suivant les pays on l’appelle Canderel ou NutraSweet. Il remplace le sucre dans plus de 10 000 produits, sodas, boissons, bonbons, desserts, médicaments et la dose journalière admissible (DJA), établie par l’Efsa (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments), est de 40 milligrammes par kilo, alors que le RES (Réseau Environnement Santé) a estimé qu’elle devrait être « 2 000 fois plus basse ». En effet, cette DJA est fondée sur 2 études datant de 1973 et 1974 qui n’ont jamais été officiellement publiées.
En janvier 2011, le RES a attiré l’attention sur deux études : l’une concernant l’ensemble des édulcorants chimiques, dont l’aspartame, qui favoriseraient des naissances avant terme chez les femmes, et l’autre conduite sur des souris mâles, chez qui l’aspartame provoquerait certains cancers. Le mois suivant, une autre étude, menée à New York, a fait apparaître que la consommation régulière des sodas « light » accroîtrait les risques d’accident cardio-vasculaire. En réponse à leur publication, l’Anses (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation) annonçait le 1er février, que ces études « ne permettent pas de fonder d’éventuelles évolutions dans les recommandations de consommation des édulcorants », mais « invitent à des travaux scientifiques complémentaires, afin d’actualiser l’évaluation des risques liés à ces substances ».
Quant à l’Efsa, elle persiste à affirmer que l’aspartame est sans danger pour l’homme, niant l’évidence des faits scientifiques, rejetant pour la 3ème fois une étude de cancérogénicité positive menée sur une grande échelle par le Dr Morando Soffriti et son équipe de l’Institut Razzini de Bologne, et refusant même qu’un comportement de prudence soit recommandé aux femmes enceintes. Elle ne remplit pas sa fonction de protection de la santé des Européens. Mais, bien avant ces récentes études, l’historique de l’aspartame était déjà parsemé d’exemples de spécialistes qui se sont élevés contre le credo de son innocuité et qui ont été discrédités puis remplacés par des sympathisants de l’industrie qui furent ensuite récompensés de leur fidélité par des situations plus que lucratives
Une saga plus politique que scientifique
L’aspartame a été découvert en 1965 par le chimiste James M. Schlatter, qui s’aperçut en léchant ses doigts que le produit était sucré alors que ses composants ne sont pas sucrés. Dès cette époque, le laboratoire a fourni un grand nombre d’études à la FDA dans l’espoir de voir son produit approuvé. Ce fut le Dr Harry Waisman, directeur de l’unité de Recherche sur les retards mentaux de l’université du Wisconsin et expert reconnu en biochimie, qui effectua en 1969 l’une des premières études sur l’aspartame à la demande de G.D. Searle. Il étudia les effets de l’aspartame sur des bébés primates. Sur les sept bébés singes, l’un mourut au bout de 300 jours et cinq autres eurent des crises d’épilepsie. Bien entendu, ces découvertes négatives ne furent pas soumises à la FDA au cours de la procédure d’approbation.
En 1971, le Dr John Olney, neuroscientifique de l’école de médecine de l’Université Saint-Louis à Washington et l’une des autorités les plus représentatives en matière d’excitotoxines, informa Searle que ses recherches démontraient que l’acide aspartique occasionnait des trous dans les cerveaux des bébés animaux de laboratoire. Ann Reynolds, autre chercheur du laboratoire confirma les découvertes d’Olney dans une étude similaire. En février 1973 Searle soumit plus d’une centaine d’études à la FDA pour lui « prouver » la sécurité de l’aspartame mais, bien évidemment, ni les singes malades ou décédés, ni les souris avec des trous dans la tête n’étaient mentionnés.
En septembre 1973, dans un mémorandum, le Dr Martha M. Freeman, du bureau des produits pharmaceutiques métaboliques et endocriniens de la FDA, critiqua l’insuffisance des informations fournies par Searle, et recommanda que la mise sur le marché du produit ne s’effectue qu’après avoir obtenu la preuve de sa sécurité d’emploi. Malgré les réticences de ses collègues scientifiques de la FDA, le 26 juillet 1974, le Dr Alexander Schmidt accorda une première autorisation de mise sur le marché de l’aspartame comme « additif alimentaire » pour les produits secs. En août de la même année, avant que le produit ne fût mis en vente, le Dr John Olney, l’avocat James Turner spécialisé dans la défense des consommateurs, et l’association du célèbre avocat Ralph Nader déposèrent une objection officielle à cette mise sur le marché car l’aspartame « pouvait endommager le cerveau, particulièrement chez les enfants », comme le confirmaient de nouvelles études indépendantes.
Comme l’on venait de découvrir que le laboratoire Searle s’était basé sur des études scientifiques erronées pour un autre de ses produits, la FDA ouvrit une enquête sur 15 des études principales sur l’aspartame fournies par le laboratoire. Le Dr Jerome Bressler, de la FDA, trouva alors 52 affirmations contradictoires dans les études cliniques qu’il trouva tellement « lamentables » que la FDA dut en retirer 20 % lorsqu’elle les transcrivit. Ainsi, au cours de l’expérience menée par le laboratoire certains rats étaient morts, d’autres avaient été atteints de cancer mammaire, de cancer du pancréas ou des ovaires, et pour cacher ce massacre les expérimentateurs les avaient tout simplement « ressuscités sur le papier ». Dès la publication de ces travaux, l’aspartame fut retiré du marché (cf. Rapport Bressler, in New England Journal of Medicine, 18 mai 2000). Le 10 janvier 1977, dans une lettre de trente-trois pages, Richard Merrill, Conseiller en chef de la FDA, recommandait à l’Avocat général Sam Skinner de lancer une enquête sur Searle pour « violations manifeste des lois fédérales 18 et 21 sur la nourriture, les médicaments et les cosmétiques ». Il accusait la firme d’avoir « dissimulé des faits importants et fourni de fausses déclarations concernant des études sur les animaux qui pouvaient établir la sécurité de l’aspartame ».
C’était la première fois depuis sa création que la FDA réclamait une enquête criminelle sur un fabricant. Le 26 janvier 1977, alors que l’investigation du Grand Jury débutait, la firme Sidley & Austin qui représentait le laboratoire entreprit des négociations avec Samuel Skinner, chargé de l’enquête. Skinner se retira soudain de l’affaire et la même année, il quitta son poste d’avocat général des États-Unis pour entrer au cabinet d’avocat de Searle. Il est « évident » que ce fut une « coïncidence ». Afin d’essayer de mieux défendre ses intérêts, le 8 mars 1977, Searle engagea un notable de Washington, un certain Donald Rumsfeld, ancien membre du Congrès qui faisait partie de l’entourage du Président Ford. Rumsfeld plaça alors plusieurs de ses collègues de Washington dans les postes clés du laboratoire. Le résultat ne se fit pas attendre. Le 28 septembre 1977, la FDA publia un rapport exonérant Searle de toutes malfaçons dans ses tests. Or, en 1987, dans sa déposition devant le Sénat des États-Unis, Jacqueline Verrett, ancienne toxicologue de la FDA et doyenne scientifique du Comité chargé de vérifier l’authenticité des recherches faites par Searle pour établir l’innocuité de l’aspartame, déclara sous serment que les tests défectueux effectués par Searle et utilisés pour justifier l’approbation de la FDA étaient en fait un « désastre » et auraient dû être rejetés, d’autant que son équipe avait subi de fortes pressions pour valider ces essais lamentables.
Toutefois, malgré la plainte du ministère de la Justice, il y eut tellement d’entraves au procès qu’on dépassa les délais légaux de poursuites et que le procès fut ainsi annulé pour cause de péremption. En 1978, le journal médical World News rapportait que le méthanol contenu dans l’aspartame était 1 000 fois plus abondant que dans toute nourriture contrôlée par la FDA. Le journal qualifiait ce produit de « poison létal ». Aussi, en juin 1979, la FDA dut mettre en place une commission d’enquête publique sur la sécurité du produit, qui vota à l’unanimité contre la mise sur le marché du produit et, en 1980, le permis d’exploitation fut de nouveau refusé par la FDA. La situation changea du jour au lendemain, le 20 janvier 1981, lorsque Ronald Reagan devint président des États-Unis et Rumsfeld fit partie de son équipe. Dès l’arrivée de Reagan au pouvoir, Rumsfeld annonça à son service des ventes que, « quoi qu’il arrive, il veillerait à ce que l’aspartame soit approuvé cette année là ». Par sa voie, Searle introduisit une nouvelle demande d’approbation de l’aspartame dans la nourriture et une nouvelle commission d’enquête fut nommée. Richard Schweiker, ministre de la Santé du nouveau gouvernement américain confia alors la direction de la FDA au Dr Arthur Hull Hayes, qui rejeta les conclusions de son propre conseil consultatif, passa outre les interdictions et accorda l’utilisation de l’aspartame pour les produits secs. Sans perdre de temps, toujours avec le même mépris pour les mises en garde des scientifiques, l’aspartame fut autorisé par un comité commun d’experts de l’OMS et de la FAO. La même année, le Comité scientifique pour les aliments humains de la commission européenne approuva l’aspartame dans les céréales, café et thé instantanés, gélatines, biscuits et gâteaux, les bases en poudre pour boissons, les glaçages et le chewing-gum et, évidemment, comme sucre de table.
Mais cela ne suffisait pas à l’appétit insatiable du laboratoire qui déposa, en octobre 1982, une demande d’approbation du produit pour les vitamines destinées aux enfants, les boissons gazeuses, et autres liquides. En 1983,en dépit des protestations de l’American Soft Drink Association, Donald Rumsfeld, qui avait compris qu’il devait utiliser la politique et non la science, parvint à obtenir l’approbation de cette neurotoxine pour les boissons gazeuses. Il savait parfaitement qu’elle empoisonnerait les consommateurs, comme elle l’avait fait pour les animaux de laboratoire, mais n’oublions pas que Rumsfeld a encaissé un million et demi de dollars de bonus entre 1979 et 1984, grâce à ses manigances et son acharnement. De telles sommes expliquent certaines attitudes criminelles. C’est ainsi que l’aspartame fut approuvé sur ordre présidentiel. En août 1983, l’avocat James Turner, représentant l’Institut de nutrition communautaire, et le Dr Woodrow Monte, directeur du laboratoire de science nutritionnelle à l’université d’état de l’Arizona, portèrent plainte auprès de la FDA pour avoir approuvé ce produit en dépit de ses effets adverses, mais ils furent déboutés en février 1984. Hayes quitta la FDA en septembre 1983, sous un flot de critiques concernant son action très controversée, pour devenir, pendant un bref passage, doyen du Collège médical de New York. Il offrit ensuite ses services à l’agence de relations publiques Burston Marsteller, comme consultant de NutraSweet Company pour 100 000 dollars par jour, puis il occupa des postes clés dans l’industrie pharmaceutique et la biotechnologie.
L’AMM de l’aspartame se réfère à des recherches truquées
En mars 1984, les plaintes commencèrent à arriver au sujet des effets délétères de l’aspartame et la FDA dut demander au CDC d’enquêter sur une sélection de cas. Cela n’empêcha pas l’Agence d’approuver, deux mois plus tard, l’utilisation de l’aspartame dans les multivitamines. En 1985, le laboratoire Searle fut acheté 2,7 milliards de dollars par Monsanto qui le revendit en mai 2000 à J.W. Childs Equity Partners, puis, après l’expiration du brevet en 1992, d’autres compagnies se sont disputé le marché de l’aspartame. Mais la FDA persiste à clamer la sécurité de l’aspartame et ses réponses aux victimes dont les vies ont été détruites répètent que ce produit est l’additif le mieux testé dans l’histoire, leitmotiv bien usé, alors qu’à trois reprises le sénateur Howard Metzenbaum a déposé un projet de loi qui aurait protégé les femmes enceintes et les nourrissons des dangers de l’aspartame, mais qui a été enterré par les tout-puissants lobbies des compagnies chimiques et pharmaceutiques. De même, en l986, l’Institut de la Nutrition de Washington D.C. a demandé à la FDA de bannir l’aspartame à cause des comas et des problèmes de cécité produits par le méthanol. Toujours sans résultat, bien évidemment.
L’opinion des scientifiques de la FDA a toujours été étouffée par les administrateurs de l’agence et tous les pays qui ont approuvé ce produit l’ont fait sur des bases établies sur les mêmes études biaisées. Le 12 octobre 1987, United Press International a signalé que plus de dix officiels fédéraux impliqués dans l’approbation de l’aspartame avaient trouvé un poste lucratif dans le secteur privé dépendant de l’industrie de l’aspartame. C’est donc en se référant à de honteuses recherches truquées que la France a autorisé l’aspartame en 1988. En 1994, son emploi a été harmonisé par l’Union européenne (directive 94/35-CE) et approuvé dans plus de 90 pays. Mais le pire est qu’actuellement la France persiste dans son entêtement. En 2006, en réponse à l’étude italienne, l’Afssaps a déclaré : « l’aspartame n’est finalement pas dangereux ». Il fallait oser ! On se demande si ces « experts », qui ont un pouvoir de vie ou de mort sur la population, connaissent les études indépendantes menées depuis des lustres, les manigances politiques qui ont permis la mise sur le marché de ce produit toxique, et les milliers de plaintes déposées contre ses fabricants. Cette nouvelle, médiatisée par France 2 à la mi-septembre 2006, avait fait bondir tous les scientifiques qui ont, tant soit peu, étudié ces problèmes. Car il est bien connu dans le milieu médical averti que pratiquement toutes les études qui affirment l’innocuité de l’aspartame ont été financées par l’industrie. Et 8 % seulement des études indépendantes menées sur fonds public concluent à l’innocuité des édulcorants alimentaires, contre 100 % de celles qui sont financées par l’industrie. On pourrait se demander si toutes ces agences de santé sont au courant de la partialité de ces études et de leurs liens avec les fabricants. Ou bien ces agences responsables sont incompétentes, ou bien elles sont criminelles.
Les journalistes de France 2 qui ont annoncé la non toxicité de l’aspartame se sont bien gardés de nous parler de ces publications ni des manigances de la FDA, sans doute parce qu’ils les ignoraient, ce qui est, relativement, pardonnable. Il n’en est pas de même pour l’Afssaps ou l’Aesa qui n’ont pas le droit de négliger de telles informations au nom du principe de précaution. Si elles n’ont pas été prévenues, c’est que leurs enquêtes menées avant de valider un produit sont bien incomplètes et, dans ce cas, il est urgent de leur retirer le pouvoir absolu dont elles disposent. Ainsi, en 2011, l’Aesa a réaffirmé l’innocuité de l’aspartame, rejetant les conclusions de l’étude italienne et estimant que « la prise alimentaire de ses composants peut être comparée avec la prise de ces mêmes composants provenant d’aliments naturels. » Elle va même jusqu’à déconseiller aux consommateurs de changer leurs habitudes alimentaires, car elle considère que le méthanol, comme l’acide aspartique et la phénylalanine se trouvent dans certains produits naturels, mais elle cache soigneusement qu’ils sont alors mêlés à d’autres acides aminés dans une longue et complexe chaîne de protéines qui les rend inoffensifs, ce qui n’est pas le cas dans l’aspartame.
Nous devrons sans doute attendre qu’un nouveau scandale éclate au grand jour pour que les experts mondiaux, dont l’OMS, la FDA et les comités scientifiques européens qui persistent dans leurs mensonges, soient traduits devant des tribunaux comme l’est actuellement Servier pour l’affaire du Mediator, car ils sont encore plus coupables que lui, qui a tout de même admis sa responsabilité. En attendant, lorsque vous voyez sur une étiquette « Sugar Free » ou « Sans Sucre », évitez d’acheter le produit et vous éviterez bien des risques. À moins que ce produit ne contienne véritablement aucun produit sucrant, ou soit issu de l’agriculture biologique.
Source : http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article20274