Hugo Verlomme pense « qu’il y aura un avant et un après 2013-2014 ». © Photo archives isabelle louvier
Publié le 30/04/2014 à 06h00 par Pierre mailharin
Hugo Verlomme est persuadé que les tempêtes comme celles qui ont frappé Biarritz cet hiver vont se reproduire. Il serait urgent de trouver des solutions pour cohabiter.
Journaliste spécialisé dans les questions maritimes, Hugo Verlomme collabore régulièrement avec Biarritz Océan. Il publiera, en mai, « Vagues, mode d'emploi » (éditions Pimientos).
« Sud Ouest ». Biarritz, comme le reste de la façade atlantique, a été frappée par plusieurs tempêtes cet hiver. Le phénomène est-il exceptionnel ou va-t-il se reproduire ?
On ne peut plus nier que ces tempêtes successives, exceptionnellement importantes, sont liées au changement climatique. Le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), sorti il y a quelques semaines, le démontre clairement. Ce n'est pas de la foutaise.
Que dit précisément ce rapport ?
Que le changement climatique - il ne faut plus parler de réchauffement, ça n'a pas de sens - entraîne des événements extrêmes. Il y a des combinaisons de facteurs, qui se produisent de plus en plus. Les vents les plus forts, qui sont toujours sur la mer, se multiplient, provoquant des vagues « extrêmes ». Il y a aussi pas mal de phénomènes qu'on étudie actuellement, comme les vagues scélérates.
De quoi s'agit-il ?
Une vague 2,2 fois plus haute que 33 % des vagues environnantes. Par exemple, vous avez des vagues de 5 mètres et brusquement, vous en avez une de 15 mètres. Cela se produit de plus en plus fréquemment et c'est une bombe à retardement économique. Au moins 200 cargos ont été coulés par des vagues scélérates ces vingt dernières années. Les 100 000 navires qui circulent sur notre planète ont tous été conçus avec les mêmes normes de sécurité internationales. Sauf qu'elles sont prévues pour que les bateaux résistent à des vagues de 15 mètres maximum. Or, dans beaucoup d'endroits du globe, on mesure des vagues de 25-30 mètres, des vagues dites « extrêmes » (dont font partie scélérates).
Les vagues scélérates sont-elles à l'origine des débordements sur la façade atlantique ?
Non. Elles sont des phénomènes séparés. Il n'y a pas nécessairement de fortes dépressions derrière. Pour les tempêtes de cet hiver sur la façade atlantique, il s'agit de vagues extrêmes. On a eu une combinaison de facteurs : quand la pression atmosphérique est basse, comme dans le cas d'une tempête, la mer gonfle. Avec un coefficient de marée important - au-delà de 90 ou 100 -, si les vents soufflent longtemps dans la même direction que les vagues, le niveau de l'océan monte et les vagues déferlent par-dessus. C'est le fameux phénomène de surcote ou de vagues de submersion.
Est-il forcément lié au changement climatique ?
Oui. Le chapitre consacré à l'océan du rapport du Giec permet de voir ça de manière claire. D'autant qu'il a été écrit avant. Pour lui, ces phénomènes de tempêtes extrêmes et imprévisibles, c'est notre futur. Je suis convaincu qu'il y aura un avant et un après 2013-2014, compte tenu de l'impact des tempêtes cet hiver. On ne l'a pas encore mesuré, on va le mesurer financièrement, car ce n'est pas considéré comme catastrophe naturelle. Ça veut dire des milliers de dégâts, ça va coûter cher aux communes.
Cela va-t-il se reproduire ?
C'est inévitable. Et les systèmes actuels pour empêcher la houle d'arriver sont complètement caducs. Les enrochements que l'on fait ne font qu'aggraver les choses. À long terme, c'est catastrophique.
Que préconisez-vous ?
Il n'y a pas une réponse absolue. On devrait ouvrir la réflexion, organiser des think tank et voir ce qui se fait à l'étranger. C'est une urgence nationale. Par exemple, il y a les récifs artificiels qui sont utilisés dans un grand nombre de pays, qui consistent à casser les vagues plus loin que la plage, de façon à ce que leur puissance soit réduite en arrivant.
Peut-on prévoir ces phénomènes ?
On peut de plus en plus les anticiper. Mais une grande partie de nos élus n'était pas vraiment concernée jusqu'ici par la puissance de la mer. Ils ne la connaissaient pas bien. Ils doivent se tourner vers la mer pour cohabiter avec elle.
Ne faut-il pas s'adapter au caractère inéluctable de ces bouleversements en « reculant » les villes ?
On ne peut pas se protéger de la mer, en construisant des digues ou des murailles comme au Japon. On ne peut pas aller contre la mer, il faut vivre avec elle. Ça veut dire redonner, dans certains endroits, l'espace tampon qui a toujours existé. Les anciens ne construisaient jamais en front de mer.
Source : http://www.sudouest.fr/2014/04/30/arreter-d-aller-contre-l-ocean-vivre-avec-lui-1540352-4037.php