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17 septembre 2012 1 17 /09 /septembre /2012 06:43

 

 

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Le gaz est extrait par fracturation hydraulique des roches (Photo DR)

 

La Commission européenne vient de rendre publics trois rapports sur les conséquences d’une exploitation des gaz de schiste. Véritable opportunité sans être un eldorado énergétique, les dangers pour l’environnement sont en tout cas réels

 


Publié le 16/09/2012 à 22h24


Par Jean-Denis Renard


C’est un travail précieux sur les gaz de schiste que la Commission européenne vient de publier sur son site internet. Ces trois lourdes études en langue anglaise présentent l’avantage de sortir de l’affrontement manichéen habituel : le monde merveilleux de la richesse et des emplois tel qu’il est dépeint par les industriels d’un côté, l’horreur écologique mise en avant par les militants associatifs de l’autre.


La Commission européenne a voulu faire avancer le débat de manière rationnelle sur cette question qui déchire le Vieux continent avant même le début de la moindre extraction. Les gaz de schiste ne sont pas encore exploités dans le périmètre des 27 états membres. Mais les convoitises se font jour ici et là. Les inquiétudes aussi, qui ont conduit la France et la Bulgarie à proscrire la fracturation hydraulique, la seule technique connue à ce jour pour extraire le gaz naturel contenu à faible concentration dans la roche : l’injection à très haute pression d’eau et de composés chimiques suivant des forages horizontaux situés entre un et trois kilomètres de profondeur, cette action ayant pour effet de briser la roche et de créer des micro-canaux par lesquels remonte le gaz.


Trois rapports composent cet ensemble. Œuvre du Centre de recherche commun (JRC), le premier porte sur "l’impact des gaz non conventionnels sur le marché de l’énergie dans l’Union européenne". Il balaie l’idée d’un eldorado énergétique européen. "La production de gaz de schiste ne rendra pas l’Europe auto-suffisante pour le gaz naturel" notent les chercheurs. Selon le scénario le plus favorable, le gaz de schiste permettrait de compenser le déclin de la production conventionnelle de gaz naturel à l’intérieur de l’Union, ce qui maintiendrait à terme les importations à hauteur de 60%.


Il y a plusieurs explications à ce coup de froid porté aux plus enthousiastes promoteurs du gaz de schiste. Tout d’abord, le niveau réel des réserves est très incertain. Elles ont par exemple été révisées à la baisse en Pologne. La fraction du gaz de schiste qui peut techniquement être récupérée varie énormément : de 15% à 40% du total, ce qui modifie profondément l’équation économique. Mais tout autant que le gisement lui-même, c’est le contexte européen qui rendra l’exploitation très différente de ce qu’elle est aujourd’hui en Amérique du nord, commentent les rapporteurs.


Premier point, il n’y a pas d’étendues vierges sur le Vieux continent, mais des territoires sur lesquels il faut gérer le partage de l’eau et les déchets, respecter les zones protégées, restreindre le bruit et l’impact visuel des puits, rendre l’exploitation compatible avec les zones habitées etc. Comparé à la situation américaine, le morcellement des terres en de multiples propriétés et le régime juridique applicable au sous-sol ne favorisent pas les industriels. Ainsi en France, les richesses souterraines n’appartiennent pas aux propriétaires, qui n’ont donc aucun intérêt direct à l’exploitation. Or les industriels ont besoin de vastes étendues et de gros volumes d’eau pour multiplier les puits. C’est l’une des particularités de l’exploitation des gaz de schiste par rapport à l’exploitation conventionnelle du gaz naturel telle qu’elle a été pratiquée pendant un demi-siècle à Lacq, dans le Béarn. Ce besoin d’espace se fera sentir pour "trouver, développer, produire et transporter le gaz, ce qui inclut les puits, les routes d’accès, les terrains gelés pour l’acheminement de l’eau et de l’électricité..." notent les rapporteurs.


Autre différence de contexte, le marché américain de l’énergie était bien plus favorable à l’essor des gaz de schiste que ne l’est le marché européen. Aux Etats-Unis, le gaz naturel à bas coût a taillé des croupières au charbon dans le secteur de la production d’électricité (les centrales thermiques), des transports et de la pétrochimie. Moins polluant que le charbon, il est considéré Outre-Atlantique comme une énergie de transition. L’Europe, pour sa part, bénéficie déjà d’approvisionnements abondants et sécurisés en gaz naturel. Un pays comme la France a par ailleurs parié sur le nucléaire pour produire de l’électricité bon marché.


Le deuxième rapport commandé par la Commission européenne porte spécifiquement sur "les risques potentiels de la fracturation hydraulique pour l’environnement et la santé humaine". Le travail a balayé l’ensemble de la littérature nord-américaine produite sur le sujet. Il détaille toutes les sources possibles de perturbation de l’environnement et propose une série de recommandations. Il bat en brèche l’un des arguments principaux des industriels, qui prétendent que les contaminations de l’eau constatées en Amérique du nord résultent de défaillances dans la cimentation des puits, mais pas de la technique de la fracturation hydraulique elle-même. Or la fracture de la roche peut intervenir sur des caractéristiques géologiques (ou modifiées par l’homme) susceptibles de créer des passages pour les fluides chimiques ou les gaz qui iraient contaminer les ressources en eau potable, pose le rapport. De ce fait, la contamination des eaux souterraines "demeure un risque potentiel". Pour y remédier, il conviendrait de maintenir une distance minimale de 600 mètres entre la zone de production et la ressource en eau potable.


L’usage de l’eau apparaît bien comme le principal problème. D’abord parce que l’exploitation des gaz de schiste peut prendre place dans des régions où les ressources sont limitées, alors que la mise en service d’un seul puits est susceptible de requérir "25 000 m3 sur une courte période de temps". Mais aussi parce que la technologie actuelle ne permet pas de récupérer toute l’eau mélangée à des additifs chimiques qui est injectée pour fracturer la roche. "Entre 30% et 75% des fluides sont refoulés", indique l’étude. Des améliorations sont cependant en cours. "La réutilisation de l’eau devient une pratique standard aux Etats-Unis", ainsi que l’utilisation d’eau impropre à la consommation humaine, comme l’eau qui sort de circuits de refroidissement ou d’usines d’épuration. Les risques d’accident ne se limitent pas au processus technique de la fracturation hydraulique. Les rapporteurs mettent en garde contre la mauvaise étanchéité des puits, un problème rapporté de loin en loin en Amérique du nord, et contre le rejet dans le milieu naturel des eaux polluées ramenées en surface.


Pour le reste, l’exploitation des gaz de schiste semble acceptable si des mesures strictes d’encadrement sont adoptées : privilégier les zones proches des axes routiers, adopter des plannings d’heures de travail décalées pour minimiser l’impact sur le trafic routier de proximité, multiplier les puits horizontaux à partir d’un seul puits central vertical pour diminuer l’emprise au sol, par exemple. La surface requise pour l’installation d’un seul puits est estimée à trois hectares. Les routes d’accès associées et les pipe-lines conduisent à une consommation d’espace supplémentaire et à la fragmentation des habitats naturels. Le rapport met en avant la possibilité de prohiber toute exploitation dans des zones capitales pour le captage des eaux, pour l’agriculture ou pour le patrimoine. Il évoque aussi l’utilisation de machines à forer électriques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et l’importance du contrôle du bruit "qui peut être continu durant plusieurs mois".


Le dernier rapport, relatif à "l’impact sur le climat d’une exploitation des gaz de schiste en Europe", n’a rien de catastrophiste, au contraire. Le bilan carbone de l’électricité produite à partir des gaz de schiste (dans les centrales thermiques) serait de 4% à 8% supérieur à celui de l’électricité produite à partir de gaz naturel importé par pipe-line sur le continent européen. Le bilan serait bien meilleur comparé au charbon : 41% à 49% d’émissions de gaz à effet de serre en moins par unité d’électricité produite. Mais le bilan d’ensemble des gaz de schiste est moins bon quand l’exploitant du puits laisse échapper du méthane dans l’atmosphère, un gaz à effet de serre au potentiel 25 fois supérieur à celui du CO2 (dioxyde de carbone).


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Source: http://www.sudouest.fr/2012/09/16/gaz-de-schiste-les-rapports-qui-jettent-un-froid-822596-706.php

 

 

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