31/08/2012 Carole SUHAS
La Politique agricole commune (PAC) est dans de beaux draps. Contestée par nombre de paysans, producteurs, consommateurs, acteurs politiques ou syndicalistes, sa réforme à venir d’ici 2014 occupe tous les esprits. A tel point qu’une grande marche, la “Good Food March”, est organisée à travers toute l’Europe à destination du Parlement européen de Bruxelles, où l’arrivée est programmée pour le 19 septembre prochain. Pour la première fois, la réforme de la PAC européenne sera décidée conjointement par le Parlement européen et les gouvernements étatiques.
Ce qui fait dire aux organisateurs de la marche que l’“opportunité est à saisir”. Quatre caravanes rejoindront Bruxelles, une au départ de Munich, lancée le 25 août dernier, une seconde de Rotterdam, une troisième de Calais, et enfin celle du Pays Basque dont le départ sera donné demain, samedi 1er septembre, à Bidarray dès 11 heures autour de diverses prises de parole suivies d’un pique-nique autogéré (comprendre que chacun amène de quoi se nourrir).
Une marche pour promouvoir la souveraineté alimentaire, pour dénoncer l’industrialisation de la production alimentaire et ses dérives destructrices pour l’environnement, pour enrayer la désertification des zones rurales et pour promouvoir la “bonne bouffe”. Vaste projet donc que celui de ces quatre caravanes faites d’agriculteurs, de citoyens et de jeunes Européens qui participeront à diverses actions, rassemblements ou événements tout au long du trajet.
La PAC à la dérive
A Bidarray, l’invitation est donc lancée par le syndicat ELB, affilié à la Confédération paysanne, organisatrice de la marche européenne. Invitation à laquelle ont par la suite répondu le Cade, Attac Pays Basque, Inter-Amap, EHNE ainsi que Bizi!.
Pour ELB, il devient urgent de réformer une PAC “devenue OMC compatible” au détriment des aspects sociaux, environnementaux et territoriaux de l’agriculture. “La PAC définie en 1962 était un projet ambitieux d’autosuffisance alimentaire et de solidarité financière”, estime le syndicat. Une cinquantaine d’années plus tard, le constat est moins euphorique. “L’agriculture française a perdu l’essentiel de ses forces vives et de ses fermes, anéantissant la vie économique en milieu rural”, constate ELB. “La faim dans le monde et la malnutrition ne cessent de s’accroître sur fond de scandale permanent du gaspillage à échelle industrielle.”
Une réalité qui touche aussi bien consommateurs que producteurs et qui fait dire au syndicat que la seule alternative pour sortie de ce chemin de croix est une réforme basée sur la souveraineté alimentaire. Et pour soutenir sa vision d’une agriculture de montagne, de proximité et respectueuse de l’environnement, le syndicat a une revendication principale : “Le soutien financier aux petites structures, quel que soit le pays, à hauteur de 5 000 euros par actif.”
Appels conjoints
Une revendication pleinement assumée par le Collectif des associations de défense de l’environnement (Cade). “C’est la première fois qu’on concrétise notre convergence avec ELB. Leur revendication d’agriculture de proximité correspond à notre vision du territoire. Les petites exploitations sont une garantie pour la préservation du paysage, elles sont sur la bonne voie pour réduire l’impact des pesticides, des intrants chimiques, etc.” Qui plus est, “la proximité réduit l’usage de transports. Il y a tellement de transports indécents en agriculture, quand on voit par exemple des tomates partir vertes du Maroc et mûrir dans les camions”, détaille Victor Pachon. En résumé, “la PAC doit prendre un virage nécessaire, qu’ELB a déjà pris depuis longtemps”, pour le militant environnementaliste.
Aux aspects écologique et territorial, se joignent l’économique et le social. C’est sur ce plan-là que l’on retrouve Attac Pays Basque à la liste des soutiens à la “Good Food March”. Comme l’explique son président, Guy de Barbeyrac, il faut mettre l’accent “sur le problème de la spéculation boursière et financière qui se fait sur les matières premières”. “La très forte fluctuation des prix met évidemment en difficulté les consommateurs et les agriculteurs”, dénonce ce dernier. A Bidarray, demain, “on parlera également du détournement des matières premières pour une utilisation autre que l’alimentaire”. Une problématique déjà pointée du doigt par le syndicat ELB qui déplore que des matières premières soient détournées de la production alimentaire pour servir à la production d’agrocarburants, entamant ainsi des stocks déjà trop peu fournis du goût de certains.
Une “Good Food March” à son coup d’essai qui marchera le 19 septembre sur Bruxelles, journée lors de laquelle une grande mobilisation est prévue dans la capitale européenne, avec notamment l’organisation d’une conférence entre les membres organisateurs de la marche et des décideurs politiques à l’instar de Dacian Ciolos, le commissaire européen à l’Agriculture, et Martin Schulz, le président du Parlement européen. “Le but principal étant finalement que cette action soit médiatisée au maximum, afin que les messages qu’elles portent soient entendus”, conclut le président d’Attac Pays Basque, Guy de Barbeyrac.
Après un débat au Parlement européen et au Conseil, l’approbation des différentes réglementations et des actes d’application est attendu d’ici la fin 2013, afin que la réforme de la PAC puisse entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2014.
Les céréaliers créent un fonds de solidarité pour soutenir les éleveurs
Dans ce contexte de solidarité et de revendication, les céréaliers, les premiers à avoir profité de la flambée du prix des céréales, décident de partager leur part du butin avec les éleveurs. C’est ce qu’a annoncé jeudi 30 août dernier Philippe Pinta, président de l’Union des associations des céréaliers (Orama), rattachée au principal syndicat agricole, la FNSEA. Ce fonds sera doté d’environ 100 millions d’euros, sur la base d’une cotisation volontaire des producteurs de céréales.
Une mesure hexagonale à l’initiative des associations de céréaliers AGPB et AGPM pour pallier l’explosion du cours des céréales. Henri Bies-Péré, président de la FDSEA 64, estime lui aussi qu’il faut “créer une passerelle” entre les deux secteurs d’activités qui pourrait “être complémentaire de ce qui serait fait par ailleurs”. “Par ailleurs” : comprendre les prochaines mesures de la réforme de la PAC. En effet, les céréaliers “veulent bien faire des efforts”, mais ils en demandent également en contrepartie.
C’est-à-dire par exemple que “si le céréalier met de l’argent de côté et si le prix des céréales chute cinq ans après, il peut récupérer cet argent sans qu’il ne soit taxé par l’Etat”, précise Henri Bies-Péré. L’autre condition posée par les céréaliers est la “garantie que la future PAC aille toujours dans le sens d’une agriculture productive”.
Les modalités de ce fonds de solidarité devraient être définies d’ici le 11 septembre prochain. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, se réjouit d’ores et déjà de l’initiative.