L'association Animaux sous tension, qui défend les éleveurs victimes présumées de nuisances électromagnétiques, reprend du service et entend bien mener son combat jusqu'au bout.
Publié le 4 Nov 19 à 6:00
Ils ont fait le déplacement de la Sarthe, de l’Orne, de l’Eure-et-Loir, des Côtes d’Armor, mais aussi du bassin lyonnais, de Picardie et du Nord.
Ils sont venus de la France entière pour faire bloc et « rompre le silence ». Des éleveurs, en activité, reconvertis ou à la retraite, tous confrontés à une hécatombe sur leurs terres qu’ils imputent aux rayonnements électromagnétiques produits par des lignes électriques, des éoliennes, des antennes-relais ou encore des panneaux photovoltaïques se sont réunis dans la Manche, à Saint-Laurent-de-Terregatte, mercredi 29 mai 2019.
Une trentaine de cas répertoriés
L’association Animaux sous tension (Anast), créée en 1993 et relancée officiellement en avril 2019 (lire encadré ci-dessous) était à l’initiative de cette réunion. A l’occasion de la publication de notre enquête actu.fr sur les champs et ondes électromagnétiques ce lundi 4 novembre 2019, nous vous restituons aujourd’hui le contenu de cette réunion.
En leur donnant la parole, le président de l’association Serge Provost veut sortir ces éleveurs du gouffre dans lequel ils se sentent aspirés :
Ce qui se passe est dramatique, inacceptable. Il faut que les agriculteurs parlent. S’enfermer sur ses problèmes, c’est le mal du monde agricole. »
L’Anast a recensé une trentaine d’élevages, laitiers, de porcs, de volailles ou de lapins, victimes de nuisances électromagnétiques. Parmi eux, certains ne sont plus en activité aujourd’hui.
Voici la carte des cas recensés par l’association Animaux sous tension (1) :
A noter que tous les éleveurs victimes recensés par l’Anast ne sont pas membres de l’association. Légende de la carte : THT = Très Haute Tension ; BT = Basse Tension ; MT = Moyenne Tension.
L’association Animaux sous tension n’a pas dit son dernier mot
L’association Animaux sous tension (Anast) a été créée en 1993 par des agriculteurs qui s’estimaient victimes des champs électromagnétiques, principalement à cause des lignes à Très Haute Tension (THT) implantées à proximité de leurs élevages.
A la fin des années 90, après avoir alerté le ministère de l’Agriculture, elle a contribué à la création du GPSE, groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole. En sommeil pendant plusieurs années, l’Anast ressort de terre en 2018 après de nouveaux témoignages troublants, incriminant cette fois des éoliennes, des antennes-relais ou encore des panneaux photovoltaïques
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La rencontre avec un autre collectif de défense d’agriculteurs subissant l’influence des ondes, l’Apem, dans la Sarthe, relance le combat. De nouveaux statuts pour l’Anast sont déposés en avril 2019
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Tous les éleveurs qui se reconnaissent dans les problèmes évoqués sont invités à rejoindre l’association. L’objectif : « se faire entendre collectivement. On veut éviter que chacun se batte seul de son côté et se ruine. L’urgence est de sauver ceux qui sont au bord du gouffre », résume le président de l’association, Serge Provost.
Lors de la réunion publique du 29 mai, l’Anast a prévenu : des actions seront menées en justice mais aussi sur le terrain pour « secouer les consciences ».
« On est coupable de rien »
La détresse, tous la connaissent. Les maladies qui pullulent dans le cheptel, la production en baisse, les coopératives qui ne veulent plus du lait ou de la viande, les préjugés des confrères, le mépris des experts, et parfois, une santé qui se met à vaciller. Des années de galère pour essayer de comprendre. Avec bien souvent à la clé, liquidation, abandon de l’élevage, dettes démesurées et démêlés judiciaires.
« J’ai vu mon fils et mon mari craquer, ils parlaient de se zigouiller », témoigne Martine, la mère de Sylvain Gallet, un jeune éleveur laitier d’Eure-et-Loir qui a perdu presque tout son troupeau à cause des courants parasites induits par la ligne à 20 000 volts qui passait juste au dessus de son bâtiment agricole.
Les témoignages, à fleur de peau, se succèdent. La voix de Yann Joly, éleveur de Picardie, tremble quand il évoque sa fille, à qui il aurait dû transmettre l’affaire familiale. Elle va finalement travailler dans la ferme des 1000 vaches, dans la Somme. Lui a vécu une « descente aux enfers » après l’implantation de 24 éoliennes près de son exploitation.
Ils m’ont pris dix ans de ma vie. Les champs électromagnétiques ont eu un impact énorme sur ma famille et mon entreprise. »
Yann Joly, éleveur de Picardie a raconté avec beaucoup d’émotion comment il a perdu tout son troupeau de vaches après l’installation d’un parc éolien à proximité de son exploitation. (©actu.fr)
Sylvie Gasnier, qui avait avec son compagnon Hubert Goupil, dans l’Orne, un atelier de poules pondeuses de plein air, liquidé en juillet 2015, ainsi qu’un troupeau de veaux, liquidé à son tour deux ans et demi plus tard, peine à compter les procédures engagées depuis quatre ans. Mais elle ne baisse pas les bras.
On se bat car on veut faire reconnaître qu’on n’est pas coupable. On n’a pas commis de faute, on n’a pas volé, on n’a pas tué. On est coupable de rien. Mais on nous poursuit et on nous dévalue en permanence. »
Hubert Goupil et Sylvie Gasnier, dans l’Orne, ont liquidé leur élevage de poules pondeuses en 2015. (©Le Perche)
Lire aussi : Tentatives de suicide, liquidations judiciaires, infarctus… des vies brisées à cause des ondes électromagnétiques
Lutter contre les pressions des lobbys
La journée de rencontre donne une tribune à ces hommes et ces femmes qui bien souvent n’osent pas parler, par honte ou sous le poids de pressions diverses. Ensemble, ils sont décidés à lutter contre les lobbys de l’électricité qui « achètent le silence de certains paysans », dénonce encore Serge Provost.
On fait taire les éleveurs à coups de millions et d’offres de délocalisation de leurs exploitations. Certains occupent des fonctions importantes dans les structures représentatives de la profession. On met les éleveurs sous silence et on les maintient sous perfusion. »
Sollicités par actu.fr, RTE et Enedis, les deux principaux opérateurs d’électricité, n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
L’association Animaux sous tension, présidée par Serge Provost, reprend du service et entend bien faire du bruit autour de son combat. (©FH/La Gazette de la Manche)
Faire évoluer les normes
L’Anast a aussi des pistes de travail concrètes : la reconnaissance de la géobiologie, qui étudie l’impact de l’environnement sur le vivant. L’intervention chez elles d’un géobiologue a bien souvent apporté une éclaircie aux victimes de rayonnements électromagnétiques.
L’association réclame aussi la révision des normes en matière de seuil d’exposition aux rayonnements électromagnétiques et davantage de contrôles des installations électriques, notamment que toutes les chambres d’agricultures exigent qu’un bâtiment agricole soit construit en équipotentialité (une protection permettant de garantir l’absence de potentiel électrique entre différents éléments conducteurs d’électricité, ndlr).
Des actions judiciaires à venir
Enfin, les victimes attendent la réparation des préjudices subis. L’Anast compte ainsi sur Maître François Lafforgue, du cabinet TTLA de Paris-Marseille.
« La tâche est ardue, mais nous sommes persuadés que le combat est légitime et juridiquement soutenable », assure Me Lafforgue. A l’issue de la réunion, il a suggéré aux éleveurs de rassembler tous les documents dont ils disposent pour réunir « des présomptions » et ainsi « démontrer des liens de causalité ». Et leur a promis de se revoir très vite…
L’Anast a fait appel à Maître François Lafforgue du cabinet TTLA pour défendre les éleveurs victimes en justice. (©actu.fr)
Pour retrouver l’intégralité de l’enquête, c’est ici : Champs et ondes électromagnétiques : le nouveau scandale environnemental ?