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15 février 2011 2 15 /02 /février /2011 13:00

 

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C'est un port de taille moyenne, assorti d'un petit port de pêche, la Communauté Autonome Basque souhaite en faire un des plus gros de la côte: Le port de Pasaia pourrait devenir, d'ici une dizaine d'années, une méga plateforme de 100 hectares de béton accrochée aux flancs du Jaizkibel. Un projet, qui, bien qu'étant situé "de l'autre côté", pourrait avoir des impacts forts sur toute la côte basque, jusqu'à Bayonne.

 

 

D'un côté, le domaine d'Abbadia, la magnifique corniche basque et un littoral maritime protégé; de l'autre, une plateforme en béton de trois kilomètres de long, appuyée sur des piliers immergés de 35 mètres et à laquelle on accedera par deux tunnels percés dans la montagne: d'ici quelques années, la côte basque entre Urrugne et Saint-Sébastien pourrait avoir un visage assez surprenant. A l'origine de cette transformation, la Communauté Autonome d'Euskadi, qui souhaite développer les activités du port de Pasaia. Le problème: l'accès au port se fait par le petit passage reliant la mer et la baie, ce qui limite la taille des navires y ayant accès et donc l'augmentation du trafic.La solution envisagée ne fait pas dans la dentelle: déplacer le port de l'extérieur de la baie (cf photo), ce qui fait bondir de nombreux acteurs, de la petite association environnementale du coin jusqu'à.... la Commission européenne, en passant par le Collectif d'associations pour la défence de l'environnement (CADE) du Pays Basque Nord, bien connue aussi pour être le fer de lance de l'opposition au projet LGV.

 

Maryvonne Gervaise, présidente de l'association hendayaise ACE s'est longuement penchée sur le sujet: "Si le projet aboutit, les impacts négatifs seront considérables, explique-t-elle. Les oiseaux, les espèces animales terrestres et marines, les habitats, les falaises, les pêcheurs, les courants, c'est tout cela qui sera touché. Sachant qu'en mer, il n'y a pas de frontière, et que ces impacts toucheront aussi bien notre littoral français, jusqu'aux plages de Fontarrabie et d'Hendaye, la baie de Txingudi, l'estuaire de la Bidassoa, Abbadia et même plus loin!". Les falaises du Jaizkibel, par exemple, creusées par la mer et le vent, sont déjà fragiles parce que principalement faites de sable. "Tenter d'y accrocher une telle plateforme achèverait assurément leur destruction."  Sans parler du renforcement de l'érosion des fonds marins: "On le voit bien à Anglet commente Victor Pachon, président du CADE. Quelques épis installés sur la plage empêchent le sable et les sédiments de circuler, les fonds s'érodent et les plages s'éffondrent". Ce n'est pas l'association des Amis du littoral d'Anglet (Adala) qui dira le contraire. Qui dit agrandissement du port dit également augmentation du trafic maritime: les ressources halieutiques et donc l'activité des pêcheurs seront directement affectés. Enfin, pour Victor Pachon,  "il ne faut pas oublier que la mer peut décider de reprendre sa place, comme elle l'a déjà montré. Si un port s'installe sur des falaises creuses et des fonds  sous-marins  en pleine érosion, il ne tardera pas à être englouti."

 

Autant d'inquiétudes qui ont pu être exprimées par tous les habitants du territoire, d'Irun à Saint-Sebastien, dans le cadre de l'enquête publique qui vient de se terminer et qui est actuellement analysée par les services de la Communauté autonome basque. (En Espagne, contrairement au processus français dans lequel intervient un commissaire enquêteur, c'est le porteur de projet lui-même qui mène et restitue une enquête d'utilité publique). Pour la seule ville d'Irun, 7200 allégations ont été déposées. Les associations françaises impliquées sur le sujet n'ont quant à elles pas eu de voix au chapitre: " Nous avions envoyé nos allégations à la préfecture, qui nous les a retournées en nous demandant de les expédier directement aux ministères concernés à Paris, raconte Maryvonne Gervaise. La consultation s'est donc terminée sans que nos remarques ne soient prises en compte." Ce qui ne les empêchera pas de continuer à alerter les habitants, mais aussi les collectivités du Pays Basque Nord sur les risques qu'un tel projet fait courir à toute la côte basque.

 

L'Europe à la rescousse de Jaizkibel

Ces collectivités, d'ailleurs, ont déjà été sensibilisées à la question par le Collège officiel de biologistes d'Euskadi (Cobe). Cette association de scientifiques a en effet imaginé un "corridor écologique" de 35 km, couvrant une zone de 27 000 hectares et abritant plus d'un millier d'espèces animales et végétales. Un projet qui répond à la demande de la Commission Européenne elle-même: "Depuis le nord de l'Europe, en Hollande, jusqu'à la Bidassoa, tous les espaces marins sont protégés par le programme Natura 2000, explique Inaki Azkarate, du Cobe. Mais cela s'arrête à la frontière. Côté espagnol, plus rien. Sur ce point, Bruxelles a déjà alerté Madrid, en lui demandant de prendre de nouvelles mesures pour mieux protéger son littoral marin." Cette proposition de corridor écologique a, selon le Cobe, été envoyée à toutes les mairies de la côte basque française il y a trois mois environ: aucune n'a pour l'instant répondu. Il y a sans doute eu des ratés: à Anglet par exemple, personne n'en a entendu parler. Mais si ce projet aboutit, il viendra freiner les velléités de la Communauté autonome basque: "Le super port et le corridor écologique sont absolument incompatibles."

 

Différentes directives européennes, la directive "oiseaux" et la directive "Habitat" notamment, pourront aussi jouer un rôle dans le dossier: la construction et l'exploitation d'un super-port irait à l'encontre de ces dispositifs.


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       Le port de Pasaia aujourd'hui.......                                 ........ et demain?

 

 

Enfin il n'est pas uniquement question d'écologie. Certains acteurs du secteur touristique du Pays Basque Sud ont déjà fait entendre leur voix sur le sujet dans le cadre de l'enquête publique; "Les randonneurs sur les monts du Jaizkibel sont nombreux chaque année. Le site est splendide. Une telle infrastructure aura forcémment un impact sur le tourisme."  Et jusqu'à Bayonne, on suit le projet de très près (cf. encadré): un nouveau super-port, d'une taille proche de celui de Bilbao, obligerait le port de Bayonne à faire face à une concurrence accrue. Donc, à repositionner son activité. Voire peut-être à s'agrandir.

 

En attendant, les opposants au projet réclament un réaménagement et une modernisation du port existant à Pasaia. Pour Maryvonne Gervaise, "le problème, c'est qu'encore une fois, on nous annonce une augmentation du trafic du port qui rend insuffisante la seule rénovation des infrastructures actuelles. Mais ces chiffres sont surévalués." En outre, une opération immobilière préparant la construction de 1500 nouveaux logements sur le port de Pasaia serait programmée. Si la Communauté autonome basque valide le projet, les travaux pourraient commencer en 2013. 

 

"Rester compétitif"

Le point de vue de Bernard Darretche, directeur de la CCI de Bayonne

"C'est évidemment un projet qui nous préocupe, en tout cas nous le suivons avec intérêt. Cependant, nous n'avons pas, à ce jour, beaucoup d'informations précises sur ce que cela pourrait donner. On sait ce qu'ils envisagent au niveau des infrastructures, mais c'est à peu près tout. Il est donc trop tôt pour dire s'il poussera le port de Bayonne à repositionner ses activités, face à une nouvelle concurrence encore plus rude. Ce qui est certain, c'est que nous feront tout pour que notre port reste le plus compétitif possible. Bayonne dispose d'atouts suffisants, avec un domaine foncier important et une possibilité de progression en terme d'accessibilité maritime. A nous de voir, en fonction de l'évolution du projet de Pasajes, dans quelle mesure et de quelle façon il faudra nous adapyer."

 

Amaury Guillem

 


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