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25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 06:52

 

 

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Au centre Pantxo Tellier, lors de la flânerie contre la grande vitesse à Mouguerre le 30 avril 2011 (photo ACE)

 

 

 

L'opinion - Tribune Libre

 

25/05/2011


Pantxo TELLIER / Président de Nivelle Bidassoa


Le rapport (501) à l’appui duquel il a été proposé d’approuver et autoriser la signature de la convention de financement de la Tours-Bordeaux, divers protocoles ainsi que la saisine de la Cour des comptes manque à l’évidence de sincérité, élément qu’exige la loi pour l’établissement de documents budgétaires ; car ce sont les budgets de notre département qui vont être durablement et gravement affectés par ce vote.


Ce rapport met en lumière une totale incohérence difficile à faire admettre auprès des contribuables ; en effet, le Conseil général avait estimé et approuvé une somme de 53 millions d’euros qui permettait de “prendre en compte au plus juste, l’équité, la solidarité et la mesure du service rendu par le financement du tronçon Tours-Bordeaux”. Aujourd’hui, l’équité pourtant admise en novembre 2008 et confirmée en décembre 2009 avec l’inscription au budget départemental pour 2010 d’une somme de 3 352 000 euros, ne se situe plus au même niveau, le même service rendu se voit revalorisé de près de 50 %, par quel miracle ? Que dire du principe de réciprocité exigé auprès des autres collectivités concernées sachant par exemple que la région Poitou-Charentes refuse de participer et ne consent qu’un prêt remboursable pour la même demande de financement ou encore M. Emmanuelli, président du CG des Landes, qui “ne signe pas sans comprendre” et aussi le Lot, le Tarn-et-Garonne ; des collectivités qui refusent de s’engager sur un projet voué à l’échec à l’instar du “Concorde” dont le syndrome est encore présent dans tous les esprits.


Transparence et sincérité 

Bien que d’“un intérêt majeur évident”, il faut expliquer comment le financement de la Tours-Bordeaux contribuera à “réduire considérablement le temps de trajet vers Bilbao et Madrid” pour notre département comme le prétend le rapport, expliquer aussi pourquoi la convention de financement qu’il est proposé d’avaliser indique un gain de plus de 50 minutes alors que le rapport mentionne 1 heure (soit 20 % de gain de temps de plus), peut-être pour justifier l’augmentation de notre contribution ; ces éléments que l’on pourrait croire anodins laissent clairement apparaître une volonté d’avaliser coûte que coûte ces propositions, y compris en maquillant la réalité et sans en avoir vraiment pris la mesure.


Les retombées touristiques et économiques “évidentes” ont dû faire l’objet d’une analyse et d’une évaluation précises qui motivent l’augmentation de notre participation. Ce document, s’il existe, mérite que l’on s’y arrête car, s’il est appuyé sur des chiffres émis par RFF, une remise en question est indispensable. En effet, vu l’avis de la Cour des comptes (qu’il est envisagé de saisir car la confiance envers l’Etat, RFF ou le concessionnaire a ses limites, justifiées), cette démarche peut s’avérer indispensable.


A propos de potentiel financier, nos conseillers ne peuvent ignorer que selon les recommandations de la commission européenne en 1998, la demande seuil nécessaire pour justifier un nouvel investissement dans une LGV sur la base des avantages qu’en tirerait la collectivité serait de l’ordre de 9 millions de déplacements de voyageurs au cours de la première année d’exploitation de la ligne. L’étude menée par l’opérateur historique (SNCF) lors du débat public en 2006 avançait un gain sur le trajet Bordeaux-Hendaye de 1,23 million de voyageurs grâce à la ligne nouvelle passant par l’est des Landes alors que RFF le situe à 2,2 millions (79 % supérieur) mais de toute façon très loin des recommandations de la commission. Ces données nous obligent à nous interroger avec Renaud Honoré des Echos sur les retombées “évidentes” et “substantielles” qui motivent ce vote. L’impact d’une LGV sur l’implantation d’entreprises aurait dû être un peu plus sérieusement analysé, car contrairement aux idées reçues, les constatations sont, elles, tout à fait différentes.


L’impact environnemental consécutif au report de fret routier attendu se heurte au paradoxe suivant : l’approbation de la convention est liée à l’exécution d’un nouveau projet routier ; comment peut-on à la fois prétendre au report modal du routier et parallèlement exiger de nouvelles infrastructures routières ou leur amélioration qui encouragent une hypermobilité ?


De plus, la liaison avec la gratuité de l’échangeur est tout à fait déplacée dans ce contexte : en effet, cette gratuité est due aux riverains (et pas seulement ceux des environs de Saint-Jean-de-Luz) parce qu’ils voient les nuisances considérablement augmenter avec l’élargissement de l’infrastructure (concédée elle aussi au groupe Vinci) ; rattacher cet élément au financement de la Tours-Bordeaux apparaît incongru et inéquitable.


Quant au report du fret sur le ferroviaire, on ne peut ignorer que celui-ci voit ses limites dans la saturation des réseaux au sud de la Bidassoa essentiellement dévolus au transport de voyageurs. RFF a considérablement réduit les prévisions de sillons à 94 (chiffre annoncé à la médiatrice) au lieu de 160 annoncés lors du débat public qui engendrait la saturation de la ligne existante, donc la justification d’une ligne nouvelle signant ainsi l’arrêt de mort de l’activité ferroviaire à Hendaye.


Du financement 

Il est prévu une retenue de 30 % sur les versements pour la Tours-Bordeaux en garantie de continuité du projet (vers Toulouse et l’Espagne). Or, le département des Landes, à l’instar de la Dordogne et Midi-Pyrénées, demande 40 % mais aussi une dispense des intérêts (pour compenser les frais de trésorerie de RFF) sur les sommes retenues que notre département, lui, accepte de payer. Pourquoi une telle générosité, cette nouvelle majorité serait-elle plus mauvaise négociatrice que d’autres du même bord ou plus soumise à des pressions ?


Etant cofinanceur, nous deviendrions de fait coconcédants. Or, dans le protocole de financement proposé, il est fait 27 fois mention d’un “contrat de concession” qui n’est ni joint ni porté à notre connaissance ; il s’agit donc de signer un chèque en blanc en engageant les contribuables et les générations futures pour 50 ans sur un projet inutile ! Par honnêteté envers les contribuables, la communication de ce document doit être exigée (comme le fait le département des Landes) et pousser plus loin l’analyse, on se rendra vite compte de l’erreur commise en avalisant cette convention mais surtout en “embarquant” les contribuables des P.-A. dans cette aventure pour ne pas dire cette “arnaque”. Comment peut-on accepter qu’une multinationale puisse bénéficier d’une concession de 50 ans (au mépris de la loi Sapin), qui lui permettra d’encaisser un droit de péage pour tout train circulant sur cette voie, alors qu’elle n’aura payé que 29 % de l’investissement. Les collectivités régionales devront aussi payer un droit de péage au concessionnaire qui s’engagera en fait pour bien moins car il pourra bénéficier du plan de relance du 2 février 2009. La Caisse des dépôts et consignations, sur demande de l’Etat, pourra garantir le concessionnaire, ce qui aboutira à ce que celui-ci s’engage sur ses fonds propres pour à peine 5 %. Cinq pour cent pour 50 ans de concession ! D’autre part, comment peut-on rester sans réagir à la méthode d’actualisation appliquée par RFF au mépris de l’instruction de Robien qui aboutira à engranger un “matelas” de 2,4 milliards d’euros (chiffre avancé par M. Emmanuelli, soit davantage que la participation demandée aux collectivités locales) et une probable diminution de son endettement sur le dos des contribuables ?


Comment peut-on voter une telle convention quand on ne fait absolument pas confiance à ses “partenaires”. En effet, outre la retenue de 30 % en garantie de continuité, la majorité départementale estime nécessaire de saisir la Cour des comptes pour effectuer un contrôle régulier des opérations alors qu’un comité de suivi dans lequel figure un représentant de chaque collectivité est mis en place, belle marque de confiance, beau partenariat ! Ou alors cela serait-il dû à ce que notre département sera exclu du comité spécifique chargé de la gestion des risques (notamment de contrôler le retour à bonne fortune), le seuil étant fixé à une participation supérieure à 100 millions d’euros.


Pour les contreparties, la perspective d’une connexion avec la péninsule ibérique par un tunnel de base transpyrénéen est abandonnée, mais notre participation augmente tout de même. Par contre, pourquoi solliciter une participation de 60 millions d’euros pour la Pau-Oloron alors que l’on envisage d’en donner 80 pour un projet dont les retombées pour le département sont on ne peut plus aléatoires, en tous les cas pas démontrées !


Les coûts exorbitants de ces projets ajoutés aux profits attendus par les concessionnaires (retour sur investissements attendus par Vinci, 15 %) amènent fatalement une forte hausse des péages à laquelle la SNCF, l’opérateur historique, craint fortement de ne pouvoir répondre car d’ores et déjà (alors que le projet n’a pas démarré) il prévoit de ne pas emprunter ces voies nouvelles et d’utiliser les voies existantes rénovées et moins chères.


A l’heure où Guillaume Pépy insiste sur la non-rentabilité des lignes LGV et de l’importance économique et sociale des trains du quotidien, faut-il privilégier 10 à 15 % d’une population ou consacrer nos moyens pour les 90 % qui utilisent les lignes nationales et les trains régionaux quotidiennement ? Mireille Faugère, directrice des Grandes Lignes à la SNCF, aujourd’hui licenciée pour ces propos, déclarait : “Si les péages sont trop élevés, il n’y aura pas de trains supplémentaires. On aura donc construit les lignes pour rien”.


H. du Mesnil, président de RFF, quant à lui, affirme : “Il nous semble que l’argent public devrait d’abord aller au réseau existant”. Ces personnes, que l’on peut qualifier de “bien placées” et compétentes en la matière, prônent l’arrêt de projets non rentables sauf pour le BTP (à peine 20 % le sont aujourd’hui et demain probablement moins comme Bordeaux-Hendaye qui n’a jamais été non plus une exigence de l’Europe, bien au contraire, puisqu’elle réaffirme son attachement à la modernisation des réseaux existants). Enfermer les élus départementaux dans le piège que constitue la liaison du financement de la Tours-Bordeaux au projet GPSO a certainement dû leur poser des cas de conscience, mais cela affecte surtout gravement la crédibilité de notre assemblée qui s’est aventurée à voter ces propositions.


Face à un projet élitiste, la solution du service au plus grand nombre (grâce à un réseau existant rénové et modernisé et en mesure de répondre efficacement à une croissance raisonnable et à un aménagement équilibré de notre département) doit être privilégiée. Ce n’est pas l’ego de nos “grands élus” ni les intérêts particuliers du BTP qui doivent guider nos engagements envers les générations à venir.


 

Source : http://www.lejpb.com/paperezkoa/20110525/268360/fr/Comment-nos-conseillers-genereux-jettent-notre-argent-par-les-fenetres

 

 

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