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15 janvier 2021 5 15 /01 /janvier /2021 09:41

 

 

 

Bruna Basini

28/12/2020

© Sipa

© Sipa

Depuis le 23 novembre, les colonnes montantes des immeubles d'habitation appartiennent aux collectivités locales. Les copropriétés se retrouvent prisonnières du monopole d'Enedis sur l'entretien de leurs…

C'est une nationalisation qui est passée sous les radars. En vertu de la loi Elan, votée il y a deux ans, toutes les colonnes montantes des immeubles d'habitation en France, soit 1,6 million de conduits, appartiennent depuis le 23 novembre aux collectivités locales – sans qu'elles aient eu à bourse délier. Et c'est à Enedis, la filiale d'EDF qui distribue l'électricité et qui avait déjà quelque 800.000 colonnes sous concession, que revient la charge de leur entretien. Seules 300 copropriétés ont refusé de céder leurs installations, comme les y autorisait la loi Elan. 

Pourquoi ce transfert au réseau public? Parce que depuis des années la propriété et l'entretien de ces colonnes suscitaient de nombreux litiges entre Enedis et les copropriétés quand la question de la prise en charge de leur rénovation venait à se poser. "La loi Elan devait mettre fin à ces contentieux une bonne fois pour toutes, or rien ne se passe comme prévu", regrette Olivier Challan Belval, médiateur national de l'énergie.

 

Le médiateur appelle le gouvernement "à clarifier la situation"

Car Enedis estime ne pas être tenu par la loi de financer tous les travaux de rénovation. Dans une note datée du 18 novembre 2020, le gestionnaire annonce clairement la couleur. D'accord pour assumer les travaux sur les colonnes quand un danger est avéré et pour effectuer des raccordements quand les colonnes étaient "déjà sous contrainte". "Mais lors d'une demande de modification de branchement ou d'augmentation de puissance, le client prend en charge 60% du coût, le reste étant couvert par Enedis", détaille Éric Salomon, directeur clients chez Enedis. Encouragées depuis deux ans à céder gratuitement leurs installations électriques, les copropriétés qui se retrouvent avec un reste à charge ont-elles conclu un marché de dupes?

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Il est injuste et discutable qu'un copropriétaire qui demande la pose d'un compteur doive payer l'intégralité de ces travaux

Le médiateur de l'énergie ne partage pas l'analyse d'Enedis. Mais il n'a qu'un pouvoir de recommandation auprès du gestionnaire lorsqu'il est saisi d'un litige. "Il est injuste et discutable qu'un copropriétaire qui demande une augmentation de puissance ou la pose d'un compteur doive payer l'intégralité de ces travaux, qui profiteront ensuite à tous les autres résidents, argumente Olivier Challan Belval. Depuis la loi Elan, les colonnes ne sont plus un branchement collectif, mais une partie intégrante du réseau, qui n'appartient plus aux copropriétaires."

Le médiateur national de l'énergie appelle le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à trancher ou le législateur "à clarifier à nouveau la situation". "La question concernant qui doit payer quoi en fonction des travaux fera l'objet d'une mise au point en début d'année", révèle Anne-Sophie Dessillons, cheffe du département distribution de la CRE.

 

Environ 300.000 colonnes vétustes

  Le débat est loin d'être anodin. Aujourd'hui, beaucoup de colonnes sont dans un état de vétusté avancé, provoquant coupures d'électricité et incendies. Un rapport gouvernemental de 2015 estimait à 300.000 le nombre d'équipements obsolètes et à 6 milliards d'euros le montant prévisionnel des travaux. En moyenne, rénover une installation coûte entre 10.000 et 20.000 euros.

"Faute d'un audit complet du parc, nul ne sait quel âge ont les colonnes Elan et dans quel état elles se trouvent", souligne un expert. Enedis table quant à lui sur un budget annuel d'investissement de 40 millions d'euros pour 4.000 colonnes. "Nous élaborons un calendrier du parc à rénover mais nous ne sommes pas obligés de faire une mise aux normes de toutes ces colonnes", estime Eric Salomon.

 

Un actif de plus en plus stratégique

Pour la filiale d'EDF, cette nouvelle responsabilité reste budgétairement neutre. Elle est couverte par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe). Calculée par la CRE, cette taxe est directement prélevée sur les factures d'électricité de tous les Français. Soucieuse de faire un bon usage des deniers publics, la CRE veut éviter une hausse des factures d'électricité, sujet ô combien sensible. L'objectif : faire en sorte que les colonnes Elan n'engendrent aucun surcoût pour les consommateurs. Et donc éviter une prise en charge illimitée des travaux sur les colonnes montantes.

"Nous ne voulions ni devenir tributaires d'un système bureaucratique, ni accepter d'être privés de la liberté de choisir un prestataire

Seule certitude : désormais, Enedis a la main sur la gestion d'un actif stratégique capable de véhiculer l'électricité produite demain par les immeubles et de raccorder des prises à charge rapide pour alimenter des véhicules électriques dans les copropriétés disposant d'un parking. Autant d'arguments qui ont incité quelques copropriétaires à conserver leurs installations. "Nous ne voulions ni devenir tributaires d'un système bureaucratique où un monopole décide de l'opportunité des travaux en fonction de ses contraintes de calendrier, ni accepter d'être privés de la liberté de choisir un prestataire, développe Pascal Perez, président du conseil syndical d'un immeuble parisien d'une centaine de lots alimentés par trois colonnes électriques. Et nous voulons éviter le surcoût à durée indéterminée du maintien d'un chauffage au sol inefficient."

Pour les entreprises auprès desquelles Enedis sous-traite ces travaux de rénovation, le nouveau dispositif est une douche froide. Désormais, seuls une centaine de prestataires certifiés Qualifelec par le gestionnaire peuvent répondre aux appels d'offres, et leurs tarifs ont subi une baisse de 30%, selon un entrepreneur parisien. Pour les membres de l'association Robin des Toits, avec la cession des colonnes, le loup Enedis est entré dans la bergerie. Et de pointer les risques d'utilisation, sans contrôle, par l'opérateur des parties communes pour laisser s'y installer des compteurs communicants et connectés, des capteurs, voire les câbles pour raccorder les antennes 5G. "Ces réseaux ne doivent servir qu'à distribuer de l'électricité consommée ou produite, rappelle Claude Pouey, directeur technique de l'Association des responsables de copropriété. D'autres utilisations sont théoriquement possibles, mais pas sans l'accord préalable des copropriétaires." A bon entendeur. 

 

 

Source: https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/comment-la-nationalisation-des-colonnes-montantes-profite-%C3%A0-enedis/ar-BB1chxyI

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