Jeudi 17 mai 2012
Le bio à deux vitesses, il fallait y penser. L’un des rois du poulet industriel vient d’inventer le bio low cost. Le groupe Duc est le champion européen de la volaille « certifiée ». Comprenez un poulet élevé en batterie, mais seize jours de plus qu’un poulet standard, le bas de gamme de la volaille industrielle.
Autre avantage inouï : il partage sa vie avec 17 autres bestioles au mètre carré au lieu de 22. D’ici à la fin de l’année, le volailler français a prévu d’exploiter 12 poulaillers, remplis chacun de 4 800 poulets bio. Une cinquantaine d’autres devraient voir le jour d’ici trois ans. Ce que la filière de l’agriculture bio a du mal à avaler, c’est que lesdites volailles seront abattues à 71 jours et non à 81 comme c’est l’usage. « La qualité gustative est directement liée à l’âge du poulet : plus il est abattu tard plus la chair est ferme et goûteuse », s’agace-t-on à la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique.
Chez Duc, interrogé par Le Canard, on jure au contraire qu’il ne s’agit pas de faire un « poulet bio au rabais » et que, dix jours d’élevage de moins, ça change que pouic. C’est là qu’on découvre que la réglementation européenne sur le bio n’impose aucune durée minimale d’élevage pour les aviculteurs qui travaillent avec des souches dites « à croissance lente », type poulet fermier. En France, tous les poussins naissent dans des couvoirs industriels. Pour les transformer en poulet bio, les « convertir », on les fait manger bio pendant au moins dix semaines.
En clair, si vous travaillez avec une souche à croissance prétendue lente, vous pouvez tranquillement, comme le fait Duc, élever du poulet bio en 71 jours. Et le vendre moins cher puisqu’il vous coûte dix jours de moins en nourriture. Du coup, tout le monde se vole dans les plumes sur la définition de la « souche lente ». En guise de contre-attaque, la filière bio traditionnelle vient d’obtenir de l’Institut national de l’origine et de la qualité qu’un éleveur bio ne puisse faire grossir son poulet de plus de 27 grammes par jour (au lieu de 35 grammes actuellement).
Si le nouveau ministre de l’Agriculture confirme et signe l’arrêté, il sera mathématiquement impossible de faire pousser en moins de 81 jours du poulet bio, vendu dès qu’il atteint 2,2 kilos. Duc a déjà prévenu qu’il « saisirait Bruxelles ». C’est ce qui s’appelle se dresser sur ses ergots…
Le Canard Enchaîné N° 4777 du 16 mai 2012
Source : http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article19986