Les tronçons Bordeaux-Hendaye et Bordeaux-Toulouse pourraient être remis en cause.
(photo Stéphane Lartigue/« Sud Ouest »)
On connaîtra mi-septembre la méthode du gouvernement pour hiérarchiser les projets de lignes nouvelles. Retards en vue pour Toulouse et Hendaye
31 juillet 2012 Par Jean-Bernard Gilles
Halte à la dette ! Les propos de Jérôme Cahuzac, le ministre délégué au Budget, ont semé le trouble sur tout le territoire national, partout où les élus locaux, encouragés par l'État et aidés par Réseau ferré de France (RFF), ont dessiné la nouvelle carte de France du réseau à grande vitesse.
Insoutenable sur le plan financier, a juste rappelé - c'est sa mission - le grand argentier lot-et-garonnais de la République. « Nous devrons abandonner certains projets et hiérarchiser les priorités », a indiqué le ministre. Pour être franc, les réactions des territoires avaient été bien plus virulentes quand, en décembre dernier, Nathalie Kosciusko-Morizet, n'avait pas dit autre chose en conclusion des Assises du ferroviaire.
Quel financement ?
Le schéma national des infrastructures de transport (SNIT) annonce d'ici à 2020 pour quelque 245 milliards d'euros de lignes à grande vitesse (LGV), sans que personne, à ce jour, ait dit comment ils seraient financés. « Pour réaliser ce réseau, il faudrait y consacrer pendant cent vingt-cinq ans le budget de l'Agence française des infrastructures de transport », rappelle Gilles Savary, député (PS) de la Gironde, pour qui il est grand temps que la raison l'emporte sur ce lourd dossier ferroviaire.
Le Sud-Ouest est directement concerné par cette révision drastique des politiques publiques, dont le ministre délégué aux Transports, Frédéric Cuvillier, a précisé le tempo. Hors les coups déjà partis, comme le bouclage de la LGV Est, le contournement de Montpellier et la ligne Tours-Bordeaux qui ne sont pas remis en question, c'est une commission nouvelle, installée mi-septembre, qui jugera de la pertinence des projets. « Nous souhaitons y mettre un peu de démocratie », indique-t-on au cabinet du ministre. Cette commission dira si les lignes Dijon-Lyon, Paris-Calais, Toulouse-Narbonne, Rouen-Le Havre ou Poitiers-Limoges ont une chance de se faire un jour.
Au mois de mai 2011, le député Hervé Mariton (UMP, Drôme) avait le premier lancé un beau pavé dans la mare en annonçant que la République ne pourrait pas financer tous ces projets. Ce que ne disait pas le SNIT d'ailleurs, qui n'est qu'un document de planification.
Toulouse bien placé
Le Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO) et les deux branches au sud, vers Bordeaux et Hendaye, n'échapperont pas à l'évaluation. L'investissement est annoncé, en euros 2011, à quelque 10 milliards. « Ces deux lignes, qui sont le prolongement de Tours-Bordeaux, sont un coup parti », avait fini par dire NKM le 2 janvier dernier dans une interview à « Sud Ouest ».
La formule avait singulièrement détendu l'atmosphère. Mais elle n'est pas reprise à son compte par l'actuel ministre des Transports. Il faudra donc prouver la pertinence des deux branches du GPSO. Rappelons que la pression de la SNCF est forte sur le tronçon Bordeaux-Toulouse. « Incontestablement une des plus rentables sur le plan des voyageurs », note un spécialiste.
Et puis Airbus a un intérêt stratégique à récupérer les capacités de l'aéroport de Blagnac. Mettre Toulouse à trois heures de Paris en train apparaît comme une priorité. C'est pour cela que les collectivités locales de Midi-Pyrénées ont fortement contribué, sous condition, aux travaux de Tours-Bordeaux. On sent Martin Malvy, le président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, serein après les déclarations de Jérôme Cahuzac.
Pas de LGV ? Remboursez !
Quid du tronçon Bordeaux-Hendaye ? La ligne est très contestée au Pays basque. C'est son talon d'Achille, bien identifié à Paris. « Sa rentabilité est de surcroît moindre, car les péages payés par les trains de fret sont moins élevés », explique-t-on à RFF. Mais elle fait l'objet d'un engagement avec l'Espagne, qui a été rappelé le 16 juillet dernier lors de la venue à Paris de la ministre espagnole des Travaux publics, Anna Pastor. « Nous nous battrons pour cette liaison jusqu'au bout », prévient déjà le Landais Henri Emmanuelli, qui demandera le remboursement de sa participation à Tours-Bordeaux - soit 33 millions d'euros - en cas d'abandon de cette branche sud du GPSO.
L'imbrication des financements de toutes les collectivités locales pour la ligne Tours-Bordeaux, longtemps critiquée car elle fut source de surenchères interminables, pourrait s'avérer au final un atout. « C'est 400 à 500 millions d'euros qu'il faudrait alors rembourser, ici aux Pyrénées-Atlantiques, là à la Haute-Garonne ou ailleurs, les sommes investies dans la Tours-Bordeaux elle-même », note Gilles Savary. Pas la meilleure façon d'engager une politique de plus grande rigueur financière, en effet.
« L'important est qu'il y ait continuité des études et du chantier au nord et au sud de Bordeaux », estime Alain Rousset, le président aquitain. Le temps pourrait aider aussi au maintien du GPSO sur le haut de la pile. Enquête publique l'an prochain, déclaration d'utilité publique en 2015, au moins deux ans pour le montage financier du projet, cinq ans de travaux - plus si, depuis Captieux, ils devaient aller plus vite vers Toulouse que vers Hendaye.
Cela repousse les échéances d'arrivée du TGV à la gare Matabiau et à Hendaye à 2022, voire 2024. « Le facteur temps est un allié dans ces dossiers ferroviaires », reconnaît-on au ministère des Transports.
Source: http://www.sudouest.fr/2012/07/31/coup-de-frein-durable-pour-les-projets-lgv-783394-648.php