26/10/2012 Antton ROUGET (avec P. M.)
Le rendez-vous était pourtant fixé. Prévu d’abord en 2010 puis successivement pour 2013, 2014,.. On parle, aujourd’hui, de 2016 voire de 2017. Le “Y basque”, projet ferroviaire de liaison des trois capitales de la Communauté autonome basque (Bilbo, Gasteiz et Donostia) accumule les retards. L’autre grand projet en Pays Basque sud, la ligne Iruñea-Saragosse est lui aussi en passe de battre des records de lenteur. Du “miracle économique espagnol” à la crise profonde, le changement brutal de contexte et de perspectives de croissance ont, en effet, conduit les promoteurs du projet à revoir leurs prévisions à la baisse. Jusqu’à ce que l’on parle, pour la première fois, d’un abandon possible des deux projets ferroviaires alors que les travaux ont débuté.
Les caisses sont vides
Dans les cartons depuis plusieurs décennies (première mention dès 1986) et plébiscité par le Plan stratégique d’infrastructures et de transport 2005-2020, le fameux “Y basque”, projet d’une longueur totale de 175 km, prévoit la création de lignes à grande vitesse entre Donostia, Bilbo et Gasteiz. Combiné à un autre projet en Navarre, il doit garantir un maillage important du Pays Basque sud et des connexions vers toute l’Europe. Vers le nord du continent en liaison avec le GPSO (Grands projets du Sud-Ouest), vers le sud de la péninsule Ibérique en passant par Burgos, Valladolid et Madrid ou encore à l’est, via la construction d’une transversale entre Iruñea et Saragosse.
Un projet pharaonique de 6 milliards d’euros pour les seules voies concernant la Communauté autonome basque (CAB). Une vitrine importante, selon ses promoteurs, pour une région en pleine croissance.
Et puis, la crise est passée par là. L’annonce, samedi 29 septembre 2012, du gouvernement central de baisser de 40 % sa participation au financement de la construction des lignes nouvelles dans la CAB (de 314 millions d’euros en 2012 à 190 millions d’euros) a rendu officiel ce que tout le monde attendait. Le délégué du gouvernement dans la CAB, Carlos Urquijo, a beau répéter que le “Y basque” reste un projet “stratégique” pour Madrid : taillé à la hache, le budget 2013 n’a pas épargné la LGV.
“Cette annonce va encore retarder le projet mais jette surtout le trouble sur la façon dont il sera financé.” Mikel Alvarez, membre de la plateforme Aht gelditu ! opposée au “Y basque”, s’interroge sur l’impact de la décision de Madrid alors que les travaux sont déjà lancés.
Tunnels, viaducs, tranchées : depuis 2007, la construction des lignes dans la CAB a, en effet, été engagée sur 100 km de lignes (60 % du projet environ). Mais, seulement 1,5 milliard d’euros, sur les 6 milliards que coûte le projet, a été réglé. Reste 70 % du budget total à débloquer. Avec la suspension des travaux de voies d’accès aux capitales (tunnels, etc.), ce chiffre devrait certes baisser, mais, l’addition reste salée.
Pour la ligne Pampelune-Saragosse, le budget 2013 du gouvernement central ne prévoit qu’un apport de 5 millions d’euros pour financer des études. Un accord de financement a pourtant été signé entre la Communauté forale de Navarre et le gouvernement central : Pampelune règle la facture pour le tronçon Castejon-Pampelune, Madrid pour la liaison Castejon-Saragosse.
Les travaux ont débuté dans la Rivera (partie financée par la Communauté forale), mais pas une avancée du projet dans la partie financée par le gouvernement central.
“Yolanda Barcina veut accélérer les travaux pour faire pression, pour que Madrid honore son accord.” commente Mikel Alvarez, avant de tempérer : “Elle a l’intention mais pas le budget : les dernières nouvelles montrent qu’elle va réduire son budget pour la LGV de plus de 50 %, de 134 millions d’euros en 2012 à 60 millions en 2013”.
Et si le train n’arrivait pas ?
Entre travaux déjà bien entamés, projets suspendus et caisses vides surgit une question : et si les projets étaient abandonnés ?
Yolanda Barcina ne veut même pas y penser. Iñigo Urkullu, récent vainqueur des élections dans la Communauté autonome basque, a martelé, pendant la campagne électorale, que le “Y basque” se ferait et que le budget de la CAB compenserait le retrait du gouvernement central. “Je ne sais pas qu’elle sera la position d’Euzkadi Buru Batzar, (direction du PNV), il y a débat” a expliqué, mercredi, Dany Camblong porte-parole du parti au Pays Basque nord : “moi, je pense que la crise va mettre tout le monde d’accord”.
“Nous sommes en train de construire des tronçons isolés. C’est d’une telle incohérence, de la folie”. Mikel Alvarez pointe aussi un autre problème de poids. Alors que les travaux battent leur plein dans la CAB, aucune des liaisons avec Madrid n’est assurée. “Il n’y a pas une trace de travaux après Burgos” explique Mikel Alvarez. Pas de raccordement en vue, au sud du “Y Basque”, donc, ni au nord où le GPSO est en débat. Idem pour la ligne Pampelune-Saragosse : “après Castejon, rien n’est en construction, non plus”.
“Ils ont fait pareil en Extremadura” s’indigne l’opposant : “le Portugal a annoncé l’arrêt du projet de LGV mais le nouveau plan d’infrastructure a validé, fin septembre, la construction de la ligne du côté espagnole”.
Peut-on envisager la construction d’infrastructures inutilisées ? L’Etat espagnol l’a déjà fait avec les aéroports.