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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 10:27

 

 

17078_une.jpg  © FNE


La légitimité juridique autant que la pertinence économique du serpent de mer qu'est le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes restent à démontrer, tant les zones d'ombre demeurent, selon les opposants à l'aéroport, qui s'appuient sur une série de recours argumentés.


|  20 novembre 2012  |  Actu-Environnement.com Agnès Sinaï


Alors que plus de 30.000 personnes ont défilé à Notre-Dame des Landes ce samedi 17 novembre, la mobilisation se renforce contre le projet d'aéroport : participation record à la manifestation, éclosion des comités de soutien dans toutes les régions, levée de bouclier des élus et bataille juridique en cours autour de l'enquête publique relative à l'application de la loi sur l'eau. Samedi, les "zadistes", installés dans des bastions de la "zone d'aménagement différée" rebaptisée "zone à défendre" (ZAD), ont entraîné le cortège dans les bois afin de "réoccuper" l'emblématique forêt de Rohanne, proche du village de Notre-Dame-des-Landes. Celle-ci sera détruite pour laisser place aux pistes d'atterrissage si l'aéroport voit le jour. Il y a trois semaines, l'opération "César" a lancé plusieurs centaines de CRS et gendarmes mobiles à l'assaut de ces Robin des Bois, dont certains sont venus s'installer ici dans des cabanes parfois perchées dans les arbres.


Il était une fois Grandchamp, Héric, Notre-Dame-des-Landes, Treillières, Vigneux, paisibles villages de la région Pays-de-Loire, à une trentaine de kilomètres au nord de Nantes. Leurs habitants, un beau matin de mai 1970, découvrent un gros titre qui annonce : "La métropole Nantes-Saint Nazaire pourrait devenir le Rotterdam aérien de l'Europe par la création d'un aéroport international de fret au nord de la Loire." Quarante ans plus tard, le serpent de mer ressurgit. Après avoir été mis en veilleuse dans les années 1980, le projet ressort en 2000. Le 30 décembre 2010, Thierry Mariani, secrétaire d'Etat chargé des transports, signe le contrat de concession du nouvel aéroport de Nantes avec la société "Aéroports du Grand Ouest", qui associe le constructeur Vinci, la Chambre de commerce et d'industrie de Nantes et la société ETPO (Entreprises de travaux publics de l'Ouest).


Incohérences et lacunes de l'enquête publique  

D'année en année, les motifs évoluent. Il ne s'agit plus d'un aéroport de fret, mais d'un aéroport international remplaçant partiellement l'aéroport existant de Nantes-Atlantique. La région du Grand Ouest et ses édiles rêvent d'accueillir de gros aéronefs sur deux pistes neuves, au nom de la future saturation de l'aéroport actuel. Au bout du compte, le projet déposé par Vinci présente deux pistes de 2.700 et 2.900 mètres : trop courtes pour y faire atterrir des A 380... Un projet d'une emprise de 2.000 hectares de terres agricoles, dont 100 kilomètres de haies, 130 hectares de bois, des zones humides, une faune et flore protégée : une demande de destruction d'espèces protégées est en attente de signature au ministère de l'Ecologie.


Au point que le collectif d'élus opposés au projet d'aéroport, le CeDpa, "las de demander en vain une étude économique indépendante", a sollicité le cabinet d'études européen indépendant, CE Delft, pour qu'il passe en revue l'analyse coût-bénéfice qui a étayé l'enquête publique de 2006 : "Aucune estimation n'est faite de la gestion de l'eau, des coûts de compensation de la suppression ou de la dégradation des zones humides, de la valeur des services rendus par la nature, du bruit... La concurrence du TGV n'a pas été prise en compte." Le CéDpa demande l'abrogation de la Déclaration d'utilité publique (DUP) du projet déposée en 2008 : "Le projet présenté par Vinci n'a plus grand chose à voir avec celui présenté par l'enquête publique. La déclaration d'utilité publique de 2008 repose sur des bases erronées, elle doit être abrogée". Le recours sur le refus du Premier ministre d'abroger la DUP est en cours d'instruction devant le Conseil d'Etat.


Les alternatives n'ont pas été examinées 

A lire les chiffres fournis par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), rien ne justifie une infrastructure plus grande. La taille de l'aéroport actuel de Nantes-Atlantique, doté de 320 hectares et d'une piste de 2.900 mètres par 45, est comparable à celle de l'aéroport de San Diego, en Californie (Etats-Unis), qui, lui, accueille 223.000 mouvements par an (contre 38.000 à Nantes-Atlantique), et reçoit 17 millions de passagers (contre trois millions de passagers de Nantes-Atlantique en décembre 2010). L'explosion des low cost a certes fait augmenter le trafic passager, mais l'emport (nombre moyen de passagers par avion) actuel explique pourquoi la hausse du nombre de passagers n'équivaut pas à une augmentation de la fréquence des atterrissages. Par sa superficie, Nantes-Atlantique a déjà la dimension d'un aéroport international. Sa surface est même plus grande que celle de l'aéroport de Londres-Gatwick, qui, par comparaison, assure 280.000 mouvements par an et reçoit 31 millions de passagers.


Pour beaucoup, le débat public de 2004 a été un leurre car les alternatives n'ont pas été étudiées. "La Commission du débat public a fait intervenir un expert soi-disant indépendant qui a fixé le seuil de saturation de nuisances à 4,5 millions de passagers sans anticiper la hausse de l'emport et sans prendre en considération la hausse du prix des carburants", selon Geneviève Lebouteux, impliquée dans la lutte depuis 10 ans au sein de l'association locale Solidarité écologie et aujourd'hui en tant qu'élue. "Les scénarios d'optimisation des équipements existants n'ont pas été posés, les solutions alternatives n'ont pas été étudiées, alors que le Grenelle de l'environnement a, depuis, préconisé l'étude de solutions alternatives pour les projets à fort impact environnemental". Et de s'étonner des fins de non recevoir opposées aux élus : "Jamais nous n'avons obtenu de rendez-vous ni avec un ministre, ni avec le préfet !", s'agace la conseillère générale Françoise Verchère. Les élus constatent aussi une attitude deux poids deux mesures de la part de l'Etat, tatillon lorsqu'il s'agit d'enquêtes publiques relatives à des petites ZAC locales, laxiste pour le méga-projet aéroportuaire dont il est lui-même actionnaire, qui engage de plus gros intérêts.


Recours multiples  

Le feuilleton judiciaire continue. Des recours portent sur les indemnisations des expropriés, qui, à 16 centimes d'euros par mètre carré, sont considérées comme dérisoires par les exploitants agricoles concernés. La grève de la faim de 28 jours des paysans Marcel Thébault et Michel Tarin et de l'élue Françoise Verchère a débouché sur l'accord du 8 mai 2012 qui mentionne : "Pas d'expulsion avant la fin des recours (…) pour les habitants et les exploitants agricoles installés avec droit et titre sur la zone avant la déclaration de la DUP et ayant refusé des procédures amiables." Fin octobre 2012, un recours a par ailleurs été déposé devant la commission des pétitions du Parlement européen, afin d'alerter les autres Etats de l'Union européenne pour non respect du droit communautaire - directive-cadre sur l'eau, oiseaux, habitats, études d'impact - qui pourrait déboucher sur la saisine de la Cour européenne de justice.


Cinq enquêtes publiques se sont déroulées du 21 juin au 7 août, dont celles au titre de la loi sur l'eau, qui oblige l'aménageur à demander une autorisation spécifique en cas de destruction de zones humides. Quelque 400 contributions ont été déposées ou envoyées aux commissaires enquêteurs. Romain Ecorchard, membre du réseau juridique de FNE, note "la précipitation à organiser l'enquête pendant l'été, avant l'entrée en application de la réforme des enquêtes publiques, ce qui a permis à l'Etat d'organiser la procédure conformément à l'ancienne règle, alors que la nouvelle aurait permis une instruction plus longue. La Préfecture a mis un mois pour nous transmettre les dossiers, soit plus de 2.000 pages, ce qui nous a laissé très peu de temps pour instruire le dossier". L'ACIPA, coordination de 35 associations opposées au projet de Notre-Dame-des-Landes, enregistre une série de vices de forme comme "le fait que la DREAL ait lancé son appel d'offres pour faire le déplacement des batraciens le 6 juillet, en pleine enquête publique loi sur l'eau", sans attendre ses conclusions.


Loi sur l'eau : les réserves de la commission d'enquête 

Les centaines d'hectares requis pour le nouvel aéroport sont des zones humides, en tête de deux bassins versants, leur artificialisation est contraire aux dispositions du SDAGE Loire Bretagne. "Normalement ce projet ne peut satisfaire aux exigences de la loi sur l'eau, l'Etat et Vinci proposent une « méthode » qui permettrait de passer outre ; cela pose bien sûr problème !", note l'ACIPA dans un communiqué. Cette "méthode" consisterait, pour le concessionnaire Vinci-Aéroport du Grand Ouest (AGO), à recourir à des "unités de compensation zones humides" calculées selon des coefficients de 0,25 à 2 pour évaluer l'intensité de la réponse compensatoire des mesures. La plupart des 200 contributions envoyées par les associations, les syndicats et les partis politiques ont émis des doutes sur la manière dont le concessionnaire AGO allait mettre en œuvre les mesures compensatoires prévues par la loi sur l'eau.


Le 24 octobre dernier, la commission d'enquête relative à la loi sur l'eau a donné un avis favorable avec réserves au dossier présenté par AGO, "dont notamment le fait de ne pas commencer les travaux provoquant des dommages irréversibles avant l'écoulement d'un délai d'un an, le temps qu'une commission d'experts indépendante donne son avis sur la méthode de calcul des mesures compensatoires", selon le juriste Dorian Piette, enseignant en droit à l'université de Nantes. "De toutes façons, vu l'ampleur du projet, ce dernier ne peut pas se réaliser sans violer la loi sur l'eau et la directive européenne cadre sur l'eau : normalement, une zone humide détruite doit être compensée par deux hectares construits sur le même bassin versant. Or, ici, toute la zone du projet et ses alentours sont classés en zones humides... il n'est pas donc pas possible de compenser. L'approche retenue par AGO, en termes de fonctionnalités, n'est donc pas viable...".

 


Source: http://www.actu-environnement.com/ae/news/notre-dame-landes-aeroport-contentieux-juridique-17078.php4#xtor=ES-6

 

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