Tout d'abord je souhaiterais remettre le projet de port extérieur de Pasaia dans son contexte intermodal Fer/Route/Mer. C'est ce que stipule clairement l'enquête publique sur le Plan Territorial Partiel (PTP) de l'aire fonctionnelle de Donostia et du bassin de la Bidassoa qui s'est tenu en janvier 2011 et à laquelle ACE Hendaye et le CADE ont participé. Ce PTP concerne l'organisation des infrastructures intermodales de 13 villes et villages du Gipuzkoa et inclut la proposition du port extérieur de Pasaia. Selon l'Autorité Portuaire de Pasaia (APP): "Ce projet CFA-EFFIPLAT est européen et rentre dans le programme Interreg IV B Espace Atlantique, dont l'objectif stratégique est la promotion et le développement du corridor atlantique de fret ferroviaire dans une perspective globale du système de transport, l'intégration des services portuaires et de la logistique multimodale plates-formes de l'Arc Atlantique à travers la création d'un réseau transnational d'autorités publiques et des opérateurs ferroviaires, de la logistique et du port public et privé." Soutenir que le projet de port extérieur ne se fera pas pour X raisons fait preuve d'une réelle méconnaissance de ce dossier de transport combiné.
On peut certes arguer du fait que l'état espagnol est dans une situation financière délicate et que les grandes infrastructures pourraient être compromises. En 2012, au niveau du fer, les différents chantiers du TAV ont connus quelques difficultés financières. La Communauté Autonome Basque a résolu le problème en ponctionnant 22% du budget de l'Education et 16% du budget de la Santé pour continuer à financer le TAV basque. Cet impact économique sur des budgets essentiels de la CAV ne peut que se reproduire lorsqu'il sera question de construire le port extérieur de Pasaia qui fait parti d'un tout.
En fait, ce projet consiste à déplacer les activités portuaires de son emplacement actuel, la baie de Pasaia, vers la mer, plus exactement sur la zone Natura 2000, aux pieds des falaises de la ZEC (Zone Spécial de Conservation) Ulia-Jaizkibel. Il s’agit de construire une plateforme en béton d’au moins 100 hectares comprenant également un bassin de la même superficie et des docks de 2.700 mètres de long qui prendront leurs assises à 30 voire 35 mètres de profondeur dans l’océan. L’accès depuis la terre se fera en creusant deux tunnels sous le Jaizkibel. L’un servira à acheminer les marchandises par la route, l’autre par chemin de fer.
Ce projet compromet gravement l’intégrité de cet écosystème remarquable. De nombreux géologues, ethnologues, paléontologues, botanistes ainsi que des groupes prestigieux comme Aranzadi, le COBE (Collège Officiel des Biologistes d'Euskadi), OCEANA, LUBERRI etc... militent pour que Jaizkibel-Ulia soit reconnu comme patrimoine mondial géologique, ethnographique ainsi qu'au niveau de sa biodiversité. Ces scientifiques considèrent que Jaizkibel-Ulia est un joyau géologique avec des reliefs uniques de nodules, concrétions et paramoudras. Selon eux les zones de fond marin constituent également un patrimoine géologique naturel inappréciable outre leur richesse au niveau de la biodiversité marine.
Nous nous demandons comment la construction de ce projet pharaonique qui nécessitera l’assemblage de plus de 80 blocs de béton géants, en utilisant pour ce faire plus de 20 millions de mètres cubes de pierre sans compter les 3 millions de m3 de terre du Jaizkibel (qui seront utilisés pour combler partiellement l’espace appelé à se transformer en plateforme et qui proviendront de l’excavations des deux tunnels) se fera sans augmenter la pollution sonore marine et donc sans perturber gravement la faune aquatique de la zone côtière, principalement les cétacés?!
17 espèces de baleines et de dauphins possèdent des populations stables dans la zone Jazkibel-Ulia. Du côté Hendayais, on trouve deux espèces de cétacés: le marsouin commun et le dauphin mulard. Il s'agit, selon les biologistes basques (COBE), des mêmes populations qui partagent des aires d'alimentation et utilisent les domaines marins de Jaizkibel.
la réalisation et l'exploitation postérieure du dit projet, causerait, s'il arrivait à se réaliser, de graves et irréversibles dommages environnementaux sur la zone Jaizkibel-Ulia, l'écosystème aquatique de la Bidassoa et de son estuaire, de la baie de Txingudi, du golfe du figuier dont les plages d'Hondarribia et celle d'Hendaye ainsi que sur toute la zone côtière d’Iparralde, partie intégrante du Réseau Nature 2000.
Quant au trafic, prétexte pour construire ce méga port, l'Autorité Portuaire de Pasaia continue d'extrapoler en ne se basant sur aucune réalité chiffrée. L’étude estime que le super port extérieur fera 17,6 millions de tonnes annuelles en 2030. Alors qu’il y a quelques mois, lors de l’antérieur ISA (étude d'impact environnemental) le chiffre avancé, dans les mêmes circonstances, était de 9,4 millions de tonnes. Pourquoi une telle différence ?!! Mystère, aucune justification n’est avancée.
Nous ne comprenons pas par quelle magie nous pouvons arriver à ces tonnages dithyrambiques alors que les caractéristiques du projet n’ont pas changée et que le tonnage pour l’exercice 2011 du port actuel arrive tout juste à 3,8 millions de tonnes !!! L’explication que l’on nous donne au travers de l’ISA révisé est simple, voir mathématique: « (…..) Le seul fait de dupliquer son espace permettrait (au port extérieur) de quadrupler le trafic de marchandises ». !! Cette extrapolation subjective du trafic n’est nullement convaincante.
ACE Hendaye et le CADE estime que ce projet pharaonique s’il est un jour construit sera une bombe à retardement écocidaire. C’est un déni écologique qui fait parti des Grands Projets Inutiles Imposés (GPII).
Soutenir que ce projet ne se fera pas est une utopie totalement démobilisatrice. Pour nos dirigeants des deux côtés de la frontière seule une "croissance" soutenue avec à la clef la construction de grandes infrastructures de ce type nous sortira de la "crise" dans laquelle ils nous ont eux-mêmes plongés.
Tous ces projets inutiles et ruineux auront du retard mais se feront sauf si nous nous y opposons en nous mobilisant. Dans le cas du port extérieur de Pasaia nous demandons à tout quidam responsable, aux associations de surf, de plongée sous marine, de montagne .... aux associations environnementalistes, aux élus/e grands et petits de participer à l'enquête publique qui se tient actuellement et jusqu'au 28 janvier.
L'enquête publique se déroulera du 27 décembre 2012 au 28 janvier 2013. Les pièces du dossier ainsi qu'un registre d'enquête sont déposés aux sièges de la Communauté de Communes Sud Pays Basque 5-7 rue Putillenea à Urrugne et de la Communauté d'Agglomération Côte Basque Adour 15 avenue Foch à Bayonne ainsi qu'à la sous préfecture de Bayonne.
Maryvonne Gervaise