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7 mars 2013 4 07 /03 /mars /2013 16:12

 

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LE MONDE | 05.03.2013 à 11h21 • Mis à jour le 05.03.2013 à 12h09 Par Bertrand Bissuel

 

Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, de nombreuses personnalités de gauche avaient pris position contre les contrats de partenariats publics-privés (PPP). Au motif que ces dispositifs, qui délèguent à des entreprises la construction et l'exploitation d'infrastructures, sont trop onéreux et trop favorables aux majors du BTP.


Certains avaient même alors parlé de "bombe à retardement" budgétaire menaçant d'exploser au visage des générations futures. Depuis l'élection de François Hollande, les critiques subsistent mais le gouvernement ne parle pas d'abandonner ces outils. Il a commencé à esquisser une nouvelle doctrine, moins coûteuse pour les finances publiques. L'idée sous-jacente est de lever le pied sur ce type d'opérations.


L'EMBALLEMENT DU RECOURS AUX PPP 

Instaurés par une ordonnance de juin 2004, les contrats de PPP permettent à une collectivité publique de confier à un opérateur privé le financement, la construction, l'entretien et l'exploitation d'équipements collectifs (collège, éclairage, etc.). En contrepartie de la réalisation du projet, le donneur d'ordres public verse un loyer sur plusieurs décennies – jusqu'à 40 à 50 ans pour les infrastructures de transports. Lorsque le contrat arrive à échéance, la personne publique devient propriétaire de l'ouvrage.


En à peine neuf ans d'existence, les PPP ont connu un emballement spectaculaire : de 146 millions d'euros en 2007, le montant des investissements programmé dans ce cadre a atteint près de 5,6 milliards en 2011, plaçant la France au premier rang européen.


Un peu plus des trois quarts des chantiers ont été attribués par des collectivités locales, le solde relevant d'initiatives de l'Etat. "Les banques et les industriels les ont promus en mettant en avant deux arguments : c'est plus rapide et ça ne coûte pas plus cher que les autres modalités d'investissements publics", explique Didier Guidoni, du cabinet de consultants Kurt Salmon.


UN DISPOSITIF CRITIQUÉ 

Mais ces dispositifs ont mauvaise presse. Au Royaume-Uni, ils ont tourné au fiasco dans une soixantaine d'hôpitaux, à cause de remboursements trop lourd. En France, plusieurs opérations sèment la controverse. L'exemple sans doute le plus emblématique est celui du Centre hospitalier sud-francilien, réalisé par le groupe Eiffage. Le loyer à payer représente "une somme énorme" qui "a mis en faillite" l'établissement, dénonce l'ancien directeur, Alain Verret, dans un entretien au Journal du dimanche du 3 mars. Les syndicats de l'hôpital, eux, fustigent cette charge financière qui oblige la direction à faire des économies et à supprimer des postes.


Plusieurs rapports ont épinglé ces dérives, le dernier en date (décembre 2012) émanant de l'Inspection générale des finances (IGF). Ce document, révélé par Le Canard enchaîné et que Le Monde s'est procuré, constate de "graves défaillances dans l'utilisation des PPP". Les donneurs d'ordre publics y ont recours "pour s'affranchir des contraintes budgétaires", déplore l'IGF : la dépense est étalée dans le temps et, jusqu'à une période récente, n'était pas comptabilisée comme une dette dans le bilan de l'acheteur public. "Or, poursuit l'IGF, un PPP initié pour des raisons budgétaires est risqué : il incite l'acheteur public à investir au-delà de ce que ses ressources lui permettraient d'envisager avec raison." Dès lors, le risque est grand "de surpayer un investissement" ou de lancer "des projets manifestement surcalibrés".


L'IGF souligne aussi le problème des "clauses léonines" qui peut se poser en particulier pour les collectivités locales : celles-ci n'ont "pas toujours de ressources internes suffisantes pour négocier avec des entreprises disposant de nombreux conseils".


Ce n'est pas le dispositif en lui-même qui est en cause, mais les conditions de sa mise en place, objecte, sous le sceau de l'anonymat, un consultant. "Les PPP peuvent être tout à fait adaptées à certaines opérations, renchérit M. Guidoni. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, les dérives ne sont pas systématiques." Selon une étude diffusée en octobre 2012 par l'Institut d'administration des entreprises de Paris-Sorbonne, "la personne publique se déclare satisfaite ou très satisfaite du respect du coût des travaux" dans 90 % des projets.


LE PRAGMATISME DU GOUVERNEMENT 

Plusieurs membres du gouvernement n'en restent pas moins très réservés. Dans un entretien au journal Acteurs publics, le ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac, a déclaré, fin octobre 2012, que les contrats de PPP "coûtent trop cher sur le long terme". "Cette façon de masquer l'impécuniosité de l'Etat est dangereuse (...)", a-t-il conclu. M. Hollande, lui, est plus mesuré. Lors d'un déplacement à Bordeaux, le 10 janvier, le président de la République a regretté "de mauvaises surprises avec ces partenariats". Mais il ne veut pas les "jeter aux gémonies".


A Matignon, on précise que le sujet est abordé "sans tabou". "Les mauvais PPP sont ceux qui transfèrent de la dette", déclare un conseiller mais il existe aussi des partenariats "de type péage qui ont du sens". Cette réflexion laisse entendre que le gouvernement a désormais une préférence pour les "dispositifs concessifs" financés par l'usager et non pas par le contribuable, observe un bon connaisseur du sujet. Avantage : les collectivités publiques sont moins sollicitées, sur le plan financier.


Dans ce contexte, le nombre de projets pourrait reculer, même si l'exécutif ne le dit pas officiellement. "Le cadre reste encore à définir", indique-t-on dans l'entourage du premier ministre. Des annonces pourraient être faites au début du printemps.


Prisons : Taubira s'est résolue à utiliser ce mode de financement


Christiane Taubira, la garde des sceaux, s'est toujours dite résolument hostile aux partenariats public-privé (PPP), un mode de financement "qui n'est pas acceptable" et revient à "engager l'Etat sur au moins deux générations pour échapper à des crédits aujourd'hui". Le précédent gouvernement s'était engagé, sans un sou d'avance, dans un vaste chantier de construction de nouveaux établissements pénitentiaires, évalué à la veille de l'élection présidentielle à 2,2 milliards d'euros.


La ministre s'est contentée de confirmer 10 PPP déjà engagés, pour de nouvelles prisons (Béziers, LeHavre, Le Mans-Croisettes, Lille-Annoeullin, Lyon-Corbas, Nancy, Nantes, Poitiers-Vivonne, Roanne et le centre pénitentiaire Sud-francilien en Seine-et-Marne). Le montant des loyers de ces PPP représente 122,8 millions d'euros en 2013 et aura coûté en fin de programme 4 milliards d'euros.


La ministre a signé trois autres PPP, à Riom (Puy-de-Dôme), Valence (Drôme) et Beauvais (Oise), pour remplacer des établissements qui menaçaient ruine –une renégociation des programmes aurait retardé les travaux de trois ans, a calculé la chancellerie, et 12 millions d'euros de crédits de paiement ont été engagés.


Outre les prisons, deux tribunaux seront financés par le privé. Celui de Caen, où il y avait "un vrai problème de sécurité", avec une partie du bâtiment qui risquait de s'effondrer – le PPP du tribunal de Perpignan en revanche a été abandonné. Mais le plus gros chantier de la Place Vendôme reste évidemment la cité judiciaire des Batignolles, à Paris. "Aux termes de ce contrat de vingt-sept ans, en 2043, a indiqué la garde des sceaux en octobre 2012, l'Etat, deux générations après nous, aura payé 2,7 milliards d'euros pour un investissement de 679 millions. Comme démonstration de bonne gestion, je crois qu'on a déjà fait mieux."


A titre de comparaison, le projet Tolbiac, pour ce même tribunal mais en maîtrise d'ouvrage publique, était évalué à 575 millions d'euros. Les indemnités de dédit étaient estimées à 80 millions d'euros, avec un risque contentieux de 100 millions d'euros. Le maire de Paris a pesé de tout son poids en faveur de ce projet et le premier ministre a finalement accepté. L'Etat va ainsi verser en moyenne 90 millions de loyer jusqu'en 2043 au consortium Arelia, mené par Bouygues.


Franck Johannès

 


 

Source : http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/03/05/bercy-face-a-la-bombe-a-retardement-des-partenariats-public-prive_1842821_823448.html

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