Ce projet pharaonique, lancé il y a près de trente ans, est en train de finir en eau de boudin, malgré les pressions des milliardaires du BTP, malgré les politiciens aveugles, ou intéressés, et malgré les pressions mafieuses…
Quand, en 1990, suite à la découverte d’une petite plaquette savoyarde qui évoquait le projet Lyon Turin, je m’amusais à agrandir le document, puis à le superposer à un plan IGN, montrant les communes touchées par le projet, puis contactais un journaliste du Nord-Isère, lequel fit publier le document dans son journal, je n’imaginais pas la mobilisation que cela allait provoquer.
Sur tout le territoire, de la Savoie, à la région lyonnaise, les associations d’opposants se multiplièrent, générant 3 coordinations, Savoie, avant pays savoyard, et nord Isère Ain.
Les années passant, une certaine lassitude s’installait, mais nous n’avions pas baissé les bras pour autant, multipliant les actions, à la mesure de nos moyens…
Faire le tour de la question depuis le départ du projet est une tâche complexe, mais il faut se souvenir que, pour justifier ce projet, Louis Besson, ex-ministre des transports de Mitterrand, et personnage influent de Savoie, avait tenté mille subterfuges pour promouvoir le projet, comme par exemple inclure ce projet dans une banane.
Cette banane symbolique reliait Londres à Turin, en passant par Lyon, et ce TGV, devait transporter des millions de voyageurs, et plus tard des marchandises.
En effet, au départ, il ne s’agissait que d’une ligne TGV de plus, cataloguée par les opposants dans la liste des G.P.I.I. (grands projets inutiles et imposés). lien
Manque de chance, les opposants de la CADS (Coordination Ain Dauphiné Savoie) interrogèrent Eurotunnel, lequel gère le trafic fret entre Londres et l’Italie, et fit savoir qu’ils avaient retenu un itinéraire par le Nord, à savoir, par Calais, Metz, Bale, et Milan. lien
Du coup les promoteurs du LT changèrent leur fusil d’épaule, inventant un nouveau concept, Kiev-Lisbonne, passant bien sûr par Lyon et Turin…
https://mediarail.files.wordpress.com/2018/11/tunnel_12.jpg?w=500
Pour faire passer la pilule, le coût en avait été minoré…7 milliards pour l’ensemble, y compris un tunnel long de 57,5 km.
Aujourd’hui, on sait que, le tunnel de base envisagé coûte déjà plus cher (près de 9 milliards d’euros)…tunnel auquel il faut ajouter près de 80 km de tunnels supplémentaires.
De nombreux rapports se succédèrent, critiquant le projet. lien
La commission européenne jugea même qu’il était surdimensionné. lien
Les opposants demandèrent et obtinrent une expertise indépendante qui confirma leurs craintes : la rentabilité du projet n’était pas prouvée, le cout était largement sous-estimé, et l’environnement était loin d’être respecté, prélevant 1500 hectares de terres agricoles riches, des zones à protéger, et surtout, les experts mirent en évidence les contradictions des promoteurs du projet. lien
Le seul intérêt qu’aurait pu avoir le projet étant, d’après les experts, de le remplacer par un projet de fret ferroviaire.
Les promoteurs saisirent alors l’occasion, en doublant le projet voyageur, par un projet fret, sauf que, pour respecter les pentes, (les marchandises ne pouvant franchir des pentes de plus de 3 pour 100), l’environnement s’en trouvait encore plus dévasté, puisque c’était désormais deux sillons qu’il fallait imaginer…
Les opposants eurent beau faire savoir qu’une ligne ferroviaire existait déjà, qu’elle faisait passer des voyageurs et des marchandises, et qu’elle n’est exploitée qu’à 18% de ses possibilités, les promoteurs s’entêtèrent. lien
Incompréhensible attitude puisqu’un milliard environ a été dépensé pour mettre aux normes l’ancien tunnel.
Coté élus écologistes, il ne fallut pas moins de 15 ans pour les convaincre de l’inutilité du projet, et de l’importance d’étudier une alternative recevable. lien
Et puis récemment, Grenoble s’est retiré du projet, au grand dam des promoteurs. lien
La CADS obtint finalement une subvention, offerte par le ministère de l’environnement, permettant d’étudier un projet alternatif.
Pour les marchandises, il va d’Ambérieu à la vallée de Maurienne, et pour les voyageurs, il utilise la voie historique, en la modernisant, suivant une technique développée en Autriche, supprimant toutes les nuisances liées à l’activité ferroviaire. lien
Ce projet permet une liaison rapide, tant pour les marchandises que pour les voyageurs, et permet d’économiser 20 milliards d’euros…
Pour l’instant, sans réactions du gouvernement.
Si la mobilisation en France fut assez modeste, elle ne cessa de contester ce projet, d’autant que nos voisins italiens avaient mobilisé beaucoup plus de militants contre ce projet… ces militants, sous l’appellation de NOTAV, réunirent à plusieurs reprises plus de 70 000 manifestants, ce qui donna naissance au mouvement 5 étoiles, sous la houlette d’un certain Beppe Grillo. lien
On sait que ce mouvement est aujourd’hui aux manettes du pays, avec une alliance incongrue, avec l’extrême droite.
Or dans le contrat de gouvernement Salvini, et Di Maio, (la ligue et les 5 étoiles), figurait en bonne et due place l’abandon pur et simple du projet, et suite au rapport italien récent, confirmant la non rentabilité du projet, Di Maio a enfoncé le clou : « le Lyon Turin ne se fera pas ». lien
Si Salvini persistait à vouloir ce projet, malgré l’accord qu’il a signé, il provoquerait l’éclatement du gouvernement italien…
En France, il y eut plusieurs renoncements, des pauses, dont la dernière, a été décidée par le président français actuel, en automne dernier. lien
S’il est vrai que l’Europe avait consenti à prendre en charge une partie du financement du projet, et s’était impliqué pour 500 millions dans les études, l’implication européenne ne portait que sur 40% du tunnel de base, soit ~3 milliards…alors que, nous l’avons vu, le projet couterait au minimum 30 milliards…lien
De plus, l’organisme qui gérait ce projet avait pour nom TELT… et le mandat de celui qui présidait cet organisme finissait le 31 décembre 2018.
Or le gouvernement français a décidé de ne pas le renouveler, donnant le signe évident d’un manque d’enthousiasme pour ce projet.
Des millions furent tout de même engagés par la région Rhône-Alpes, par Charles Million, et par ses successeurs, alors que le financement n’était pas acté, en contournant ce problème, qualifiant les travaux comme étant partie des études.
(Rappelons que le contrat gouvernemental qui acte le projet ne permet de démarrer le chantier que lorsque la totalité des financements aura été trouvée…)
Alors que des sondages verticaux auraient pu être réalisés à moindre coût, les promoteurs mirent en chantier des « galeries de reconnaissance », galeries dans lesquelles le tunnelier ne cessa de rencontrer des problèmes, tombant régulièrement en panne, et avançant à la vitesse d’un escargot.
Il était censé avancer de 600 mètres par mois, or 5 mois après le début des travaux, on en est à 2 mètres par jour, soit 10 fois moins vite que prévu. lien
Plus tard, le tunnelier ralenti encore sa cadence, se trouvant dans une zone carbonifère, difficile à creuser, avec une cadence de creusement d’un mètre par jour.
A ce rythme, pour creuser un seul tube (pour un tunnel qui en compte deux), il faudrait 78 ans pour aboutir. lien
Aujourd’hui, l’Europe menace de récupérer les 500 millions versés, (lien) et la France évoque des sanctions, oubliant au passage qu’un autre projet transalpin avait été signé, il y a des dizaines d’années : la traversée ferroviaire de Montgenèvre, censée relier la France et l’Italie, sauf que ce projet n’a jamais été réalisé, et que personne n’a réclamé suite à son abandon.
En toute logique, si les deux pays persistaient à imaginer cette liaison franco italienne, c’est donc le projet de Montgenèvre qui serait prioritaire.
Et puis, si le projet se réalisait malgré tout, vu sa non rentabilité, et malgré le rapport Italien qui le juge non rentable, évoquant un « gâchis d’argent public », une rapide faillite serait probable, qui obligerait l’état à combler le déficit, et à payer pour des années, la dette, et les intérêts de la dette…lien
C’est d’ailleurs ce qui s’est passé il n’y a pas si longtemps dans les Pyrénées, pour la LGV Perpignan-Figueras, provoquant la aussi, la fin d’un mythe. lien
Comme dit mon vieil ami africain : «c’est à force de se planter qu’on devient cultivé».