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Publié le 23-08-2013
Une initiative citoyenne demande à la Commission européenne d'adopter une loi pénalisant la destruction à grande échelle des écosystèmes. « End Ecocide » veut responsabiliser les multinationales et les États européens.
L’Europe va-t-elle criminaliser la destruction des écosystèmes ? C’est ce que demande l’initiative citoyenne européenne End Ecocide. Les partisans de la pénalisation de l’écocide, autrement dit la destruction à grande échelle d’un écosystème, veulent pousser la Commission à adopter une directive en ce sens en utilisant l’initiative citoyenne. Ce droit d'initiative politique de l’UE leur permet de soumettre à la Commission leur proposition, à condition de rassembler un million de citoyens dans au moins sept pays de l’UE. La proposition de directive veut rendre légalement responsables les personnes morales, mais aussi physiques. Pour Valérie Cabanes, juriste en droit international associée à l’initiative, « l’objectif n’est pas de mettre des gens en prison mais de responsabiliser les dirigeants ». Les amendes liées aux crimes contre l’environnement sont actuellement intégrées dans les coûts de fonctionnement des multinationales et ne permettent pas de changer les comportements, explique la juriste : « Pour la marée noire de l’Erika, Total a été condamné à payer 200 millions d’euros, alors que le groupe enregistrait la même année un bénéfice de 12 milliards d’euros ! » Transcrire l’évolution du droit de la nature en droit européen Outre interdire les écocides sur le territoire européen, le texte vise aussi les entreprises ou les citoyens européens opérant hors de l’UE. Il prévoit également d’interdire les importations en Europe de produits liés à un écocide. Le pétrole issu des sables bitumineux et les gaz de schiste sont notamment visés. Mais plus largement, « une telle loi ouvrirait la voie à une réelle transition énergétique », insiste Valérie Cabanes, tant les écocides sont liés à l’exploitation des énergies fossiles. L’idée n’est pas nouvelle. Un mouvement mené par l’avocate anglaise Polly Higgins milite depuis 2010 pour faire juger l’écocide devant la Cour pénale internationale. « Cette proposition de loi est l’occasion de transcrire l’évolution du droit de la nature en droit européen », explique Dominique Bourg. Pour le philosophe, ce projet criminalise la destruction des écosystèmes, alors que, jusqu’ici, les crimes contre l’environnement reposaient uniquement sur des préjudices humains graves. En France, la reconnaissance du préjudice écologique avec le procès de l’Erika a constitué une avancée vers la prise en compte des dégâts causés aux écosystèmes. Mais la directive écocide va plus loin en visant les dirigeants d’entreprises, voire les chefs de gouvernement ou les institutions financières « complices ». En six mois, l’initiative a rassemblé 35 000 signatures. Elle devra trouver un second souffle pour atteindre un million d’ici janvier 2014. Peu médiatisée, elle vient néanmoins de recevoir le soutien de plusieurs personnalités, dont Edgar Morin et René Passet, dans une tribune sur le site du journal Le Monde . « C’est un appel à une prise de conscience », insiste Dominique Bourg. |
Magali Reinert |
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