Je me souviens du jour où, en 2010, mon éditeur Guy Trédaniel a été attaqué en diffamation par les industriels de la conserve alimentaire. La plainte qu'il venait de recevoir visait un livre épais, mais pas bien méchant, qu'il avait édité. Ce livre compilait 500 recettes pour être en bonne santé. Sur 500 pages, une seule était consacrée aux conserves, mais elle conseillait de ne plus acheter les boîtes recouvertes, à l'intérieur, d'une couche de bisphénol A, jugé par l'auteur comme dangereux. Guy était préoccupé, je crois me souvenir qu'ils réclamaient 200 000 euros de dommages et intérêts tant ils avaient été choqués, disaient-ils, par une telle affirmation.
Fort heureusement une excellente enquête sur "La 5" tomba à pic pour blanchir l’éditeur et annuler le procès.
Depuis, de nombreuses études sont venues confirmer le rôle des perturbateurs endocriniens et leur présence dans de multiples produits de consommation courante. Les industriels de la conserve le savaient-ils en 2010 ? Ils devaient au moins en avoir entendu parler et n'ont pourtant pas hésité à jouer les outragés...
Tout récemment, une étude rendue publique à Paris affirme que près de 40% des produits d'hygiène-beauté contiennent au moins un perturbateur endocrinien (PE). Cette étude réalisée sur une base de 15 000 produits de beauté-hygiène par « l'institut indépendant de notation » Noteo, affiche par genre et par ordre décroissant les champions de la teneur en PE comme suit :
· les vernis à ongles (74%)
· les fonds de teint (71%),
· les maquillages pour les yeux (51%),
· les démaquillants (43%),
· les rouges à lèvres (40%),
· les soins du visage (38%),
· les déodorants (36%),
· les dentifrices (30%),
· les shampoings (24%).
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Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques interférant sur la régulation hormonale et sont susceptibles de provoquer, même à très faibles doses, une grande variété d'effets, notamment sur le développement physiologique pendant la période intra-utérine. Ils sont notamment suspectés d'avoir un impact sur la fertilité et d'être liés à l'augmentation du nombre de cancers dits hormono-dépendants, principalement ceux du sein et de la prostate.
Parmi les PE les plus fréquemment utilisés dans les produits d'hygiène-beauté, on trouve les parabènes (23%) et le cyclopentasiloxane (15%), le triclosan n'étant présent que dans 1,3% des produits.
Les produits labellisés bio semblent largement épargnés par le phénomène selon l'étude qui n'a retrouvé un PE que dans 1,3% d'entre eux, essentiellement le cinnamal que l'on retrouve naturellement dans certaines huiles essentielles (cannelle, jacinthe, patchouli).
Le toxicologue et lanceur d'alertes, André Cicolella, qui préside le Réseau Environnement Santé (RES), signale quelque 870 PE qui ont déjà été identifiés parmi les 143 000 substances présentes sur le marché, mais dit-il, leur nombre réel est probablement beaucoup plus important.
La mobilisation autour de l'un d'entre eux, le bisphénol A (PBA), une substance présente principalement dans les plastiques, a abouti à l'interdiction de ce perturbateur dans les biberons en Europe en 2011. Cette interdiction a été étendue par la France le 1er janvier dernier (seulement !) à tous les contenants alimentaires destinés aux enfants de 0 à 3 ans et s'appliquera (seulement !!) à tous les contenants alimentaires à partir de juillet 2015.
Cela veut-il dire qu'il n'y aura bientôt plus de perturbateurs endocriniens dans les boîtes de conserve ? Non, cela veut dire qu'il n'y aura plus de bisphénol A et que ça sera effectif dans deux ans. Celà veut-il dire qu'il n'y en aura plus dans les produits cosmétiques ? Non, pas du tout. Rien n'a été décidé dans ce domaine.
Je vous conseille donc plus que jamais d’être vigilants quand vous achetez un produit présenté dans un contenant en plastique et, mesdames, de passer à la cosmétique bio.
Michel Dogna
Source : http://www.biensur-sante.com/tout-frais-du-jour-1-1458-les-perturbateurs-endocriniens-sont-partout