24/09/2013 Argitxu DUFAU et Antton ROUGET
Le hasard du calendrier a mal fait les choses. Vendredi, le syndicat mixte Bil ta Garbi a présenté en grande pompe le prêt accordé par la Banque européenne d’investissement pour financer le centre de tri Canopia (50 millions d’euros). Problème : la veille de cette présentation, une enquête diffusée sur France 2 a sérieusement remis en cause le choix effectué par Bil ta Garbi pour les futures usines de tri de Canopia à Bayonne et Mendixka à Charritte-de-Bas (coût total : 100 millions d’euros).
Dans “Poubelles, un monde sans déchets ?”, le magazine Complément d’enquête s’est penché sur le tri mécano-biologique (TMB), méthode de valorisation des déchets organiques controversée. Un procédé qui “travaille à la place des habitants et récupère la matière organique” pour en faire du compost par la suite revendu. Colère des élus et boycott des agriculteurs : le documentaire témoigne de la déception de promoteurs de projets de TMB, une trentaine dans l’Hexagone.
Fronde des agriculteurs
Au centre Biopole d’Angers, Gilles Mahé, adjoint au maire chargé de l’environnement, peste contre une usine dont il a pourtant soutenu l’implantation : une partie du compost produit n’entre pas dans les normes européennes. Et le taux de valorisation des déchets est plus proche des 10 % que des 40 % promis par le constructeur.
Pas moins de “60 millions d’euros investis pour voir l’essentiel du compost finir à la décharge, il y aurait comme un problème”, commente la voix off, avant de poursuivre : “Vous allez rire, mais le ‘bon compost’, il y en a qui le trouve pas si bon que cela.” Et le documentaire de donner la parole aux paysans qui refusent d’épandre un compost contenant des particules de plastique et d’aluminium. Exemple dans la Drôme où, à la suite d’analyses, la chambre d’agriculture, d’abord favorable au projet, a fini par contre-indiquer l’utilisation du compost issu du TMB.
La Drôme, où le constructeur Urbaser est le même que celui sélectionné par Bil ta Garbi. Thomas Vachey, responsable de projets du syndicat mixte, se veut rassurant, imputant les problèmes rencontrés aux conflits entre opérateurs privés : “Le problème à Angers et dans la Drôme, c’est que la construction et l’exploitation ont été confiées à deux opérateurs différents. Il y a des difficultés de fonctionnement.”
TMB ou tri en amont ?
Derrière le débat sur le TMB se cache la sempiternelle question du tri en amont des déchets organiques.
Cette solution n’aurait-elle pu être privilégiée ? On imagine mal Thomas Vachey soutenir l’hypothèse à quelques semaines de l’ouverture de Canopia à Bayonne : “Les collectes de biodéchets coûtent très cher et les collectes ne sont pas si efficaces que cela.” Mais le responsable de projet l’assure : “Si le tri se met en place, nos installations seront prêtes à recevoir les déchets organiques.” Reste la volonté politique.
Entretien avec Marc JUBAULT-BREGLER / Président du réseau Compost Plus
« Le TMB n’est clairement pas une solution »
Président du réseau Compost Plus, qui milite pour le renforcement la filière de la collecte sélective des biodéchets dans l’Hexagone, Marc Jubault-Bregler est aussi président du Syndicat mixte de traitement des déchets du Béarn.
Quelle est votre position sur la technique de TMB ?
J’ai des interrogations sur le choix des TMB. Dans le traitement des déchets, le principe de base est qu’il est beaucoup plus difficile de traiter un déchet mélangé que s’il est trié. Si la matière organique est triée au départ, le compost est de meilleure qualité.
Quelles sont les conséquences du TMB ?
Actuellement, en France, il y a un grand nombre d’usines TMB qui produisent du compost de qualité insuffisante. La technique n’est pas au point et, pour l’élu que je suis, s’il y a un problème avec le milieu agricole, tout le monde sera touché, même les collectivités qui ont fait le choix de l’exemplarité dans le réseau Compost Plus. Nous ne voulons pas de rupture avec les agriculteurs qui ne veulent pas revivre un nouveau scandale.
Que faire pour l’éviter ?
Compost Plus milite pour un changement du seuil européen de définition du compost. Il faut que le TMB aussi produise des composts exemplaires et il peut le faire sur des collectes dans lesquelles il y a eu un tri de la matière organique.
Mais, peut-on vraiment se passer du TMB ?
Je sais que la question pour un élu est : “Si vous ne faites pas de TMB que faites-vous ?” Quoi qu’il arrive, le TMB s’accompagne d’un site d’enfouissement. Ce n’est clairement pas une solution. L’idéal, c’est de trier, c’est ce que font très bien les Basques de l’autre côté de la frontière ou même les Italiens à Milan.
Malgré ces réserves, pourquoi certaines collectivités poursuivent avec le TMB ?
Dans un certain nombre de cas, je pense qu’il y a un manque de connaissance technique sur le traitement des déchets.
Canopia ouvrira ses portes dès 2014
Le chantier de Canopia, débuté en 2011, va prendre fin en décembre pour lancer ses premières activités dès janvier 2014. Les deux principales unités de valorisation des déchets, le centre de tri et de tri mécano-biologique, vont en effet connaître différentes phases de lancement.
Le centre de tri sera exploitable à l’ouverture prévue pour le début d’année. Le tri mécano-biologique ne sera exploitable qu’à partir de janvier 2015, après divers essais à vide des équipements, le démarrage et la mise en service industrielle. Ces installations modernes permettraient une anticipation sur les futures mesures de recyclage. Seront aussi traitées les odeurs pour éviter toutes nuisances olfactives.
Sur place, un point informations sera mis en place, l’occasion de sensibiliser les plus jeunes de manière pédagogique sur la gestion et la valorisation des déchets ménagers. Alain Iriart, président du syndicat Bil ta Garbi, s’est félicité de délais scrupuleusement respectés sans dérapage financier. Le projet a pourtant été difficile à mener, nous explique-t-il, “car l’acceptation sociale n’a pas été immédiate”.
Source : http://www.lejpb.com/paperezkoa/20130924/424004/fr/Bil-ta-Garbi-ne-collecte-pas-l%E2%80%99unanimite