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24 octobre 2021 7 24 /10 /octobre /2021 16:24

 

 

 

Tribune

Par Simon Charbonneau

Publié le 07/10/2021 à 20:30

En septembre 2020, des pompiers face à un incendie en Californie. AFP

En septembre 2020, des pompiers face à un incendie en Californie. AFP

Dans une tribune, Simon Charbonneau, professeur honoraire de droit de l’environnement à l’université de Bordeaux, rappelle que la crise environnementale est le fruit du développement technique.

Il y a déjà longtemps que des esprits affûtés ont cherché à comprendre les raisons à l'origine de la rapidité et de la puissance du processus historique de développement industriel affectant d'abord les pays occidentaux. Ceci par-delà les explications marxistes bien connues et qui aujourd'hui apparaissent plus que jamais complètement obsolètes.

Il faut à ce sujet rendre hommage à l'historien du droit Jacques Ellul qui, à une époque marquée par l'idéologie progressiste, a su avancer des explications qui aujourd'hui n'ont jamais été aussi pertinentes en ce moment douloureux de l'histoire de l'humanité menacée de disparition à cause de son aveuglement prométhéen.

Dans les années 1950, à la suite de la Seconde Guerre mondiale accoucheuse de la folie nucléaire, Jacques Ellul a entrepris de développer l'idée particulièrement dérangeante en politique d'une autonomie du développement technique indépendante de tout clivage idéologique.

 

DOUBLE LANGAGE

Alors que l'homme a toujours eu le sentiment que l'invention et le développement de nos moyens scientifiques et techniques sont le fruit évident du génie humain, voilà que notre juriste souligne le fait historique d'un développement échappant pour l'essentiel à l'emprise humaine. Dans ses écrits, mon père, Bernard Charbonneau, pointait du doigt la société comme seconde nature (Une seconde nature, éditions du Sang de la Terre, 2012) et il avait certainement raison !

De son côté, l'écrivain Bertrand Méheust reprenait la même idée comme cause profonde avec « la politique de l'oxymore » (La politique de l'oxymore, éditions La Découverte 2009). À savoir inventer une rhétorique destinée à masquer la vérité en faisant coexister deux notions radicalement contradictoires quoique très pratiquées par les médias. De là le règne du double langage cher à nos politiques !

« L'échec évident des politiques publiques destinées à se passer des énergies fossiles est confirmé par l'avancée, partout dans le monde, des désordres climatiques. »

Car pour se défendre de son aveuglement et de son déni, la société a inventé ce que Jean Baudrillard appelait des « simulacres » ou en adoptant ce qu’Orwell a appelé une « novlangue ». De là des expressions comme « la croissance verte » ou encore « la voiture propre » !

Or, l'impuissance manifeste de notre société industrielle à arrêter le désastre en cours explique l'invention de cette rhétorique. L'échec évident des politiques publiques destinées à se passer des énergies fossiles est confirmé par l'avancée, partout dans le monde, des désordres climatiques qui continuent à se manifester inexorablement en raison des hausses de température.

De même que progresse partout la vente des pesticides alors que les discours de l'agrochimie se prétendent plus verts que jamais, comme le montre l'adoption du label Haute Valeur Environnementale (HVTE) destiné à concurrencer le succès du label Bio. On peut citer enfin le cas de l'industrie automobile en état de surproduction et de congestion permanente partout dans le monde et qui est persuadée qu'avec le véhicule électrique, ces problèmes seront résolus !

 

SORTIR DE L'ILLUSION TECHNOSCIENTIFIQUE

Que conclure de ces constats ? Une autre conclusion est plus angoissante, à savoir l'impossibilité manifeste de notre société à remettre en question ses propres fondements qui sont à l'origine du drame, à savoir son obsession de la croissance qui ne repose que sur le vieux rêve de l'humanité de la toute-puissance !

De là les réflexes primaires du recours au pouvoir technoscientifique qui se sont spectaculairement manifestés dans le domaine sanitaire ces derniers temps avec la lutte contre la pandémie. De ce point de vue là, les réponses au désastre écologique en cours pourraient être du même acabit avec l'instauration d'une écocratie planétaire, destinée à réaliser les rêves de Greta Thunberg !

Mais paradoxe ultime, cette tentative destinée à prouver la puissance humaine face à la nature sera alors inévitablement à l'origine de nouveaux problèmes tant sociaux qu'écologiques dans un mécanisme « d'effet rebond » bien connu des spécialistes ! Aujourd'hui plus que jamais, hors de l'illusion des solutions technoscientifiques, l'humanité devrait être le lieu d'un sursaut spirituel lui permettant de mener une réflexion capable de donner un sens à son avenir en faisant face à la pire tragédie de son histoire.

 

 

 

Source: https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/notre-societe-est-incapable-de-remettre-en-cause-ses-fondements-a-lorigine-du-drame-ecologique

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