jeudi 1er mai 2014
Les fabricants de pesticides vont encore dire que les écolos leur cherchent des poux dans la tête. Ceux de l’ONG Générations Futures ont voulu mesurer les retombées sur les enfants des 65 000 tonnes de fongicides, insecticides et autres herbicides répandues chaque année dans nos champs. Ils ont fait analyser les cheveux de 29 gamins de 3 à 10 ans. Le résultat est stupéfiant : chaque tignasse aligne en moyenne 21 résidus de pesticides, qui plus est tous estampillés perturbateurs endocriniens.
Parmi les joyeusetés détectées, l’époxyconazole, un fongicide. Mais aussi le 3-PBA, utilisé pour le stockage des céréales, ou encore le TCPy, un organophosphoré badigeonné notamment sur les vignes. S’y ajoutent des traces de biocides vétérinaires tels que le fipronil, un antipuce pour chiens et chats, ou le perméthrine, un aérosol contre les fourmis, les guêpes et les cafards. Tout ça est un poil irritant quand on sait que les perturbateurs endocriniens s’attaquent au système hormonal.
Ils sont ainsi méchamment soupçonnés, même à faible dose, de déclencher des cancers des testicules et des pubertés précoces, de provoquer des malformations de l’appareil génital et de flinguer les spermatozoïdes. Le pire étant que, plus on y est exposé jeune, plus on déguste. À tel point que les scientifiques se demandent si la raréfaction des spermatozoïdes observée dans les pays occidentaux ne leur serait pas due en grande partie.
Toujours est-il que l’étude de Générations Futures tombe comme un cheveu sur la soupe pour les fabricants de pesticides, qui venaient tout juste de remporter une victoire à Bruxelles. Ils ont en effet réussi à renvoyer aux calendes grecques la mise en œuvre d’un règlement de 2009 interdisant les pesticides étiquetés perturbateurs endocriniens. La pomme de discorde étant leur définition sur laquelle tout le monde devait se mettre d’accord en décembre dernier.
Mais voilà : pour les pesticideurs, les substances ayant des effets endocriniens bénins peuvent continuer d’être vaporisées au motif que ce ne sont pas de vrais perturbateurs. L’argument fait grimper aux rideaux nombre de toxicologues, qui considèrent, eux, que ce type de substance est délétère, quel que soit le seuil.
Une position partagée par la France, qui l’a inscrite dans son projet de « stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens ». Au grand dam des industriels. Ils trouvent peut-être que l’on coupe les cheveux en quatre ?
Source : Le Canard EnchaînéN° 4879 du 29 avril 2014