Après l'avis défavorable de la commission d'enquête publique, il faut attendre maintenant la décision du Conseil d'État et celle du gouvernement. Le projet de LGV pourrait bien être retardé de longues années encore
Publié le 01/04/2015 à 07:30, Mis à jour le 01/04/2015 à 10:18 Jean-Marie Decorse
Après l'avis défavorable émis par la commission d'enquête publique, faut-il croire encore en l'avenir du TGV Bordeaux-Toulouse ? L'analyse de la situation.
La commission d'enquête publique sur les projets de lignes à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, vers l'Espagne vient de rendre un avis défavorable sur la déclaration d'utilité publique de ces projets. Le rapport sur cette enquête menée du 14 octobre au 8 décembre n'a qu'un caractère consultatif, mais il témoigne des difficultés et des polémiques qui accompagnent depuis le début ce projet qui s'étend sur un linéaire de 327 km et s'inscrit dans la continuité de la LGV Tours-Bordeaux (mise en service en juillet 2017).
Si cette LGV a le soutien des élus du Sud-Ouest, elle cristallise aussi plusieurs oppositions, dans le Pays basque notamment.
Le gouvernement, par la voie d'Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des Transports, a été informé des conclusions de la commission d'enquête publique sur les projets de LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, vers l'Espagne. Le maître d'ouvrage SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France), dispose maintenant d'un délai de quatre mois pour répondre à ces conclusions. Le tout sera transmis ensuite au Conseil d'État pour avis. Le gouvernement, saisi de la globalité de ces conclusions et compléments d'information, aura ensuite un délai de dix-huit mois pour se prononcer, mais après avis du Conseil d'État. «Le respect de cette procédure impose aujourd'hui l'absence de toute conclusion prématurée tirée de l'avis de la commission d'enquête publique», prend soin de préciser Alain Vidalies. En général, le gouvernement suit de très près l'avis du de la haute juridiction administrative pour limiter les risques de recours. Tout comme le Conseil d'État n'hésite pas, si besoin est, à émettre un avis différent de celui du commissaire enquêteur.
Deux scénarios se dessineraient : soit on repart pour trois à cinq ans d'études pour réaliser une ligne aménagée qui soulèvera toujours des contestations, soit on passe au forceps et, dans ce cas les zadistes auront les meilleurs arguments du monde pour contester un projet, selon eux imposé et inutile, indiquait hier soir une source proche du dossier. L'un des opposants, le député PS de Gironde Gilles Savary, saluait lundi un «avis qui introduit enfin le bon sens et la rationalité économique dans un projet de LGV». Il demande à l'Aquitaine «d'exiger de l'État et de SNCF Réseau des scénarios alternatifs» vers les Landes et l'Espagne d'une part, et vers Toulouse d'autre part. En 2010, le même élu, qui semblait croire beaucoup plus à cette LGV, indiquait que «la gare de Bordeaux allait devenir une plateforme d'échange internationale de premier ordre entre Paris, Toulouse, la Méditerranée, l'Espagne et le Portugal, digne d'un grand aéroport mais sans ses nuisances…»
Désignée le 30 juin 2014 par le président du tribunal administratif de Bordeaux, la commission d'enquête est composée de 21 membres représentant la société civile. Présidée par Daniel Maguerez, ingénieur général des études et techniques de l'armement, elle regroupe une large majorité de retraités : urbanistes, cadre EDF-GDF, majors de la police nationale ou de la gendarmerie, général, ex-directeur régional des impôts… Si l'impartialité de ces membres titulaires n'est jamais remise en cause, on leur reproche sans le dire d'être parfois coupés des réalités économiques et des grands enjeux territoriaux.
Les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax représentent 8,03 milliards d'euros, les aménagements ferroviaires au nord de Toulouse 543 millions, les aménagements au sud de Bordeaux 595 millions, soit un total de 9,17 milliards d'euros. Englobé dans ce montant, le coût de la concertation engagée en 2009, avec notamment la procédure du débat public. Tout cela a déjà représenté des millions d'euros.
Cet avis ne surprend pas vraiment puisqu'il intervient dans une conjoncture délicate. Les enquêteurs tiennent compte du climat défavorable qui, de plus en plus, pousse à remettre en cause les petits et grands projets, y compris après les processus d'enquête publique et de DUP. La création de zones à défendre (ZAD) comme pour Notre-Dame des Landes et Sivens, offrent un nouveau visage de la France contestataire.
«La pression fiscale que subissent les Français s'exprime du côté de l'opinion par son opposition aux dépenses publiques jugées inutiles ou non-prioritaires», ajoute sans détours la commission… Le commissaire-enquêteur insiste aussi dans son rapport sur le nombre d'opposants qui ont «déferlé» dans les permanences, le temps de l'enquête.
La possible remise en cause des aménagements au nord de Toulouse est très critiquée. On en parle peu, mais certains voyaient dans ces travaux l'opportunité de réparer des aberrations héritières du passé : la présence en amont et en aval du triage de Saint-Jory, de deux sites Seveso de stockage de pétrole et de gaz provenant de Méditerranée. L'évitement de ces installations pour assurer la protection des voyageurs passe par la réalisation d'ouvrages pour un coût de 70 M€. Cette somme représenterait 15 % du montant total du projet entre Saint-Jory et Matabiau…
Source : http://www.ladepeche.fr/article/2015/04/01/2078658-la-lgv-a-t-elle-encore-un-avenir.html