La Ruche qui dit Oui !, un succès collaboratif et solidaire expliqué par son fondateur
Par Manon Laplace publié le 07/10/2014 –
Interview de Guilhem Chéron par Manon Laplace, pour Bio à la Une.
La Ruche qui dit Oui ! 581 points de ventes, 2 300 producteurs, 48 600 consommateurs et autant d’acteurs pour promouvoir l’agriculture fermière et la consommation locale en France, en Belgique et bientôt à l’étranger. À l’origine de ce projet, Guilhem Chéron, pour qui le nouvel entrepreneuriat se doit d’être vertueux, engagé mais surtout collaboratif.
Collaboratif comme la cuisine de la Ruche où l'ensemble des butineurs se met “à poêle” chaque midi. Rien de tendancieux ici. Juste un moment de partage sous couvert de défis culinaires. Pour Bio à la une, Guilhem Chéron a accepté de passer à table. Retour sur un inspirant succès social et solidaire.
Bio à la une : La Ruche est née il y a quatre ans et a grandi très vite. Pensez-vous que la réussite de ce projet témoigne d’un réel changement des habitudes de consommation et des mentalités ?
Guilhem Chéron : Absolument. On assiste à un véritable changement de fonds en terme de consommation. La Ruche qui dit Oui ! promeut une agriculture fermière, et un système de vente directe pour une alimentation de qualité et une juste rémunération des producteurs. Et la demande pour ce genre de système augmente constamment.
Chaque mois, nous recevons près d’un millier de requêtes pour ouvrir une ruche, et faute d’agriculteurs, nous n’en ouvrons que 10 %. La demande est beaucoup plus importante que l’offre. On observe même les signes de ce changement de fond là où on ne l’attendait pas forcément. Par exemple chez certains diplômés de grandes écoles comme HEC, réputées très business, qui se tournent vers des modèles durables.
Bio à la une : Que proposez-vous pour faire face à cette demande croissante et pour inciter les producteurs à se tourner vers des circuits de vente comme le vôtre ?
Guilhem Chéron : Nous encourageons la permaculture au maximum. Pour beaucoup, le métier d’agriculteur n’est pas vraiment sexy. On s’imagine souvent le paysan isolé en pleine campagne qui mène un train de vie épuisant pour un salaire de misère. Nous voulons faire changer ça.
Aujourd’hui l’agriculture industrielle et l’objectif du quantitatif dominent. Mais de plus en plus de projets d’agriculture durable misant sur le qualitatif émergent et cela participe à un changement plus général des priorités.
Tout cela est très bien, mais il y a d’importants enjeux à relever. L’objectif n’est pas de revenir cent ans en arrière mais de proposer du nouveau. Nous retournons à d’anciennes valeurs, mais en les proposant autrement, de façon plus moderne. C’est la base de notre réflexion. Créer un modèle viable et attractif, à tous les niveaux.
Bio à la Une : Et c’est là qu’intervient internet qui est au cœur de votre modèle. De l’ouverture d’une ruche au passage des commandes, tout passe par le web. C’est ce qui fait le succès de La Ruche qui dit Oui ! ?
Guilhem Chéron : L’idée première était de changer d’échelle pour les circuits courts. À terme, nous voudrions que la vente directe retrouve une place majoritaire dans la distribution alimentaire. Avec internet, on peut promouvoir et développer plus largement le circuit court, mais aussi mieux en gérer la complexité.
La Ruche qui dit Oui ! Ce sont des milliers d’entreprises en une. Et comme nous misons sur une agriculture riche et variée, il faut gérer les nombreuses spécificités que cela implique. Le réseau grandit sans cesse avec plus de consommateurs, plus de produits, plus de ruches. Internet simplifie tout ça.
Bio à la Une : Chose étonnante pour une entreprise qui mise autant sur l’outil web, formidable instrument de communication, c'est justement de ne pas vous voir communiquer. Pas la moindre campagne publicitaire.
Guilhem Chéron : Le succès de La Ruche qui dit Oui ! est organique. Il vient de l’intérieur. C’était un choix de notre part de ne pas faire de publicité. On ne voulait pas mettre d’argent là-dedans. Toute notre communication est basée sur le bouche à oreille. Si les gens sont convaincus par notre modèle, ils en parlent et ramènent de nouveaux membres. Nous ne voulons pas faire le jeu de la publicité qui est de convaincre les gens d’acheter ce dont il n’ont pas forcément envie ou besoin. Nous préférons miser sur la pédagogie que sur la publicité. C'est l'idée de notre blog Oui ! Manger mieux, manger juste !.
Bio à la une : Les ruches proposent un choix de produits bio, mais aussi des produits conventionnels. Comment recrutez-vous vos producteurs et quelle attention portez-vous au mode de culture ou d’élevage ?
Guilhem Chéron : La moitié de nos producteurs ont le label bio. Mais les certifications ne font pas tout. Pour tous nos agriculteurs, certifiés ou non, non avons fait le pari de l’agroécologie. Nous nous imposons une logique fermière et rejetons toute forme de monoculture et de production industrialisée.
L’une des missions de La Ruche qui dit Oui ! est d’accompagner les producteurs conventionnels à travers leur démarche de conversion. Nous mettons des outils de financement à leur disposition afin de faciliter leur orientation vers l’agroécologie. C’est quelque chose que nous mettons en place en ce moment. Il y a un énorme travail de terrain pour cibler les agriculteurs susceptibles de se convertir.
Bio à la une : Quel genre d’aide leur apportez-vous ?
Guilhem Chéron : La Ruche qui dit Oui ! expérimente une nouvelle forme d’entrepreneuriat basée sur le collaboratif. La conversion des producteurs doit s’inscrire dans cette démarche d’économie sociale et solidaire. Notamment grâce au financement participatif, par le biais de plateformes telles que Hellomerci avec qui nous avons beaucoup travaillé, ou Blue Bees (qui permettent aux internautes de participer au financement de projets, souvent à valeur sociale ou environnementale). Nous sommes là pour faire naître et faciliter la coopération entre les différents acteurs. Ce qui étrangement n’est pas quelque chose d’inné.
Nous aidons également les producteurs sur le terrain. Nous allons à leur rencontre. Récemment nous avons même fait un stage de maraîchage chez l’un de nos producteurs dans le Pas-de-Calais. À quatre pattes pendant quatre jours pour désherber. C’était du sport. Depuis qu’il est à La Ruche qui dit Oui ! il est passé de 1 à 6 hectares d’exploitation bio.
Sinon nous avons cinq bureaux en province en plus de ceux à Paris, et des tables rondes sont organisées en permanence. L’humain est une composante fondamentale de notre démarche. Et on en voit les résultats. Les ruches dans lesquelles on a pu intervenir physiquement et travaillé à ce qu’il y ait une vraie collaboration entre les acteurs fonctionnent toujours mieux. Il n’y a pas de mystère.