Le scandaleux cadeau de Manuel Valls à Pierre et Vacances pour saccager la nature
2 juillet 2015 / Andrea Barolini (Reporterre)
La durée légale des travaux de défrichement est de cinq ans, posant la date butoir pour la construction du Center Parcs de Roybon à mi-juillet. Le couperet pour ce projet qui va saccager une forêt ? Qu’à cela ne tienne ! Un décret signé par Manuel Valls et Stéphane Le Foll vient miraculeusement modifier la loi. Laissant tout le loisir à Pierre et vacances de finir les travaux...
En France, la durée légale des travaux de défrichement vient d’être miraculeusement prolongée. Pour achever l’abattage d’arbres, les entreprises n’auront plus « seulement » cinq ans, mais jusqu’à huit ans. Cette nouveauté – providentielle pour les bétonneurs de tout poil – est contenue dans un décret signé le 13 juin par le premier ministre Manuel Valls et son ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll.
Déterré par les Verts de l’Isère, ce texte intervient opportunément pour arranger les affaires de Pierre et Vacances. Selon le parti écologiste, il s’agit en effet d’un cadeau « fait en catimini pour aider l’entreprise de Gérard Brémond », dont le projet de création d’un Center Parcs à Roybon avait été autorisé pour cinq ans par le Préfet le 12 juillet 2010 (arrêté n° 2010-05508). Le non achèvement des travaux avant la mi-juillet aurait donc entraîné la caducité de la décision préfectorale.
Le décret Valls-Le Foll, numéro 2015-656 du 10 juin 2015, augmente la durée totale légale des autorisations de défrichement à huit ans au maximum. À l’article 4, en outre, Valls et Le Foll soulignent que « le décret est applicable aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication ». L’autorisation de Pierre et Vacances pour la construction du Center Parcs pourra donc être prolongée jusqu’à juillet 2018.
Ce n’est pas la première fois que Pierre et Vacances bénéficie des faveurs des gouvernements néo-libéraux : en 2013, un beau cadeau fiscal lui avait été accordé par le ministre du budget de l’époque, Jérôme Cahuzac. Et en décembre dernier, Manuel Valls lui-même s’était déplacé pour poser la première pierre d’un « village » Pierre et Vacances, largement doté en subventions publiques. Les attentions dont bénéficie ce groupe sont d’autant plus étranges qu’il est en mauvaise santé économique et ne tient que grâce à ces aides publiques de toutes sortes.
La loi Macron entérine les constructions illégales
En parallèle, le gouvernement veut introduire, par l’article 29 de la loi Macron, l’interdiction de démolir une construction reconnue illégale par un tribunal administratif.
Le même texte avait été proposé au Sénat, qui l’avait supprimé, parce que, dénonçait le député d’EELV Jean Desessard dans la séance parlementaire du 15 avril, « les démolitions resteraient possibles dans certaines zones protégées : les rives des plans d’eau, les espaces caractéristiques du patrimoine naturel et culturel, le cœur des parcs nationaux, les réserves naturelles, les sites désignés Natura 2000 et les zones figurant dans les plans de prévention des risques technologiques et dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles. Toutefois, la démolition deviendrait impossible sur une très grande partie du territoire, y compris dans les parcs naturels régionaux et nationaux ».
« En outre, l’article 29 réduit de deux ans à six mois après l’annulation définitive du permis de construire par le juge administratif le délai au cours duquel l’action en démolition peut être engagée », soulignait Dominique Watrin du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
« Le dispositif tel qu’il nous est soumis, avait contesté dans la même séance la socialiste Marie-Noëlle Lienemann, est totalement inacceptable Les démolitions qui ont été décidées doivent être exécutées. »
Manuel Valls posant la première pierre du projet « Villages Nature », des groupes Euro Disney et Pierre & Vacances, en Seine-et-Marne, décembre 2014.
Pourtant, le texte a été représenté, et le gouvernement a engagé sa responsabilité en utilisant l’article 49-3 de la Constitution. Il est ainsi quasi certain que la loi sera finalement approuvée. En attendant, le groupe Pierre et Vacances a obtenu une victoire auprès du Conseil d’État qui, le 18 juin, a refusé de suspendre l’une des autorisations administratives nécessaires à la réalisation du Center Parcs de Roybon.
La fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique avait saisi le tribunal administratif de Grenoble en 2014. Et le 23 décembre un juge isérois avait suspendu l’autorisation « loi sur l’eau », en expliquant que la commission nationale du débat public aurait dû être saisie avant que soit donné un feu vert définitif.
Verdict à la mi-juillet
Le Conseil d’État a confirmé que la loi impose de saisir cette commission pour des projets d’aménagement dont le coût prévisionnel dépasse un certain seuil. Mais il a ajouté que « l’autorisation contestée ne porte que sur certains travaux du projet, les seuls qui nécessitent une autorisation “loi sur l’eau”. Il ne fallait donc prendre en compte que le coût prévisionnel de ces travaux pour savoir si le seuil était ou non dépassé ».
Les travaux de défrichement pourraient donc recommencer en automne, après la période de reproduction des espèces protégées. Pierre et Vacances attend toutefois une nouvelle décision du tribunal administratif grenoblois. Jeudi 2 juillet, les recours engagés par l’association Pour les Chambarans sans Center Parcs (PCSCP), par la FRAPNA et par la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique, contre les deux arrêtés du préfet qui autorisaient le début des travaux, seront examinés sur le fond. Un rassemblement citoyen est prévu devant le tribunal administratif, à 9h.
Le verdict tombera vraisemblablement à la mi-juillet. La décision est très attendue, alors que des zadistes vivent depuis le 30 novembre à la maison forestière de la Marquise, à quelques kilomètres de Roybon.
Jean-Paul Bonnetain, nouveau préfet de l’Isère, a fait part le 16 juin de son souhait de procéder à une expulsion des opposants au mois de juillet. « Si les conditions juridiques seront réunies, je n’attendrai pas. Dès qu’on aura connaissance des décisions, on le fera. Même si juillet n’est pas la meilleure période pour une évacuation », a-t-il déclaré.
Dans un courriel, le Collectif grenoblois de soutien à la ZAD des Chambarans a lancé récemment un appel « à tous ceux qui le peuvent à rejoindre au plus tôt la zone à défendre. Tout le monde peut apporter son aide. Toutes les sensibilités et les manières de résister trouveront leur place. Ils veulent nous enterrer, mais ils oublient que nous sommes des graines prêtes à germer. »
Lire aussi : le DOSSIER : Center Parcs et Roybon
Source : Andrea Barolini pour Reporterre
Images :
. Dessin : Red ! pour Reporterre
. Photo : Emilie Massemin pour Reporterre
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