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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 14:54

 

Par Interview | Publié : 31/08/2015

       

 A quelques semaines de l’inauguration de l’Ikea de Bayonne, l’hebdomadaire en langue basque « Argia » a publié un reportage spécial intitulé « De Barakaldo à Baiona, la commercialisation du mode de vie « low-cost »" . Voici les questions posées à Martine Bouchet de Mouguerre Cadre de Vie (MCV) pour la réalisation de cet article, ainsi que la version intégrale des réponses apportées. 

www.argia.eus/argia-astekaria/2472/ikea

www.argia.eus/argia-astekaria/2472/ikea

 

Pour quelle raison a-t-on installé Ikea dans une zone de centres commerciaux et de multinationales comme l’est Bayonne ? 

MCV : Les élus concernés se considèrent comme étant dans une véritable guerre économique. Ils ne réfléchissent qu’en fonction de leurs propres intérêts de rentrées fiscales. Ils cherchent à attirer le plus de commerces possibles sur leurs communes, sans avoir une vision d’ensemble équilibrée hors de leur territoire. Pour les élus des communes concernées, cela a été une victoire qu’IKEA ne s’installe pas au Pays Basque Sud.

L’agrandissement du centre commercial BAB2 est une conséquence de l’arrivée d’IKEA : pour survivre, les bailleurs commerciaux s’agrandissent. Un autre énorme projet est en cours dans le département des Landes, à une dizaine de kilomètres seulement d’IKEA.

Ce développement irréfléchi de grosses structures commerciales se calque sur une vision passéiste du futur. Les élus agissent selon un modèle de développement dépassé. Ils sont en train de transformer Bayonne et les villages environnants sur le modèle des métropoles urbaines. Pourtant avec les crises économiques, sociales et écologiques, il est grand temps d’arrêter ce développement qui est la source principale de nos problèmes, et de relocaliser le plus possible nos productions et notre consommation.

 

Vous voyez vraiment que le centre commercial Ametzondo est économiquement viable ? Quel poids peut-il avoir quant à la spéculation des terres ?

MCV : Il est évident, et cela a été annoncé par un expert économique, que tous ces nouveaux mètres carrés commerciaux ne sont pas viables. Ce ne sera pas forcement IKEA qui va mourir, mais un de ces centres commerciaux. On peut s’attendre à avoir inéluctablement des friches commerciales.
Mais avant que au moins un de ces grands centres commerciaux ne meurent, se seront les petits commerçants, notamment de Bayonne, qui vont souffrir. C’est ce qui nous inquiète le plus, car avec la disparition des petits commerces, c’est le tissu social qui souffre, et cela va à l’encontre de la relocalisation qui nous semble être indispensable.

 

Est-ce que les mouvements sociaux, les commerçants et les habitants en général ont pris part à la décision de faire venir Ikea à Bayonne ?

MCV : Non, faire venir IKEA a été une décision prise dans les bureaux des élus, et annoncée seulement une fois prise. Les procédures françaises obligeaient à faire des enquêtes publiques. C’est là que les associations et les citoyens se sont manifestés, non pas pour prendre part à la décision, mais pour pouvoir exprimer leur adhésion ou au contraire leur opposition. Les commerçants ne se sont pas manifestés à ce moment-là.

Il faut dire que la plupart pensaient qu’il n’y avait qu’un magasin IKEA. Mais en fait, le magasin IKEA sert de locomotive à l’implantation d’un gigantesque centre commercial. Les commerçants ont donc réagi, mais plus tard, à l’occasion d’une modification du permis de construire de la galerie commerciale, destinée à accueillir une enseigne de mode à très petit prix. Mais leur intervention a été trop tardive.

 

La pollution et les dommages dans un site naturel (Barthes) sont des arguments contre le projet d’Ikea…
MCV : Notre association a vigoureusement protesté sur deux points liés à l’implantation d’IKEA. Le premier point est qu’IKEA a demandé une dérogation pour s’installer en bordure d’autoroute, alors que la réglementation prévoit un recul de 100 mètres. Cette proximité expose de manière chronique à la pollution de l’air liée à la circulation autoroutière les personnes qui travaillent à IKEA. C’est un véritable problème de santé publique.

L’autre important problème du choix de ce site est que c’était une zone inondable naturelle, une barthe, une des dernières qui restent en périphérie de Bayonne. Les zones inondables naturelles sont très utiles, puisqu’elles absorbent l’eau lors des grosses pluies, à la manière d’une éponge, pour les relâcher lentement. Les constructions d’IKEA seront à l’abri des inondations, puisqu’ils ont construit sur pilotis, et que les magasins sont donc en hauteur. Par contre, l’imperméabilisation de cette zone va aggraver l’inondabilité des quartiers environnants. Le changement climatique amorcé depuis plusieurs années se traduit par des pluies exceptionnelles de plus en plus fréquentes. Météo France a publié des statistiques à ce sujet : sur Bayonne, des pluies qui n’arrivaient autrefois que tous les 100 ans, sont dorénavant attendues tous les 30 ans. On peut donc s’attendre à ce que les inondations soient de plus en plus fréquentes. Bétonner les zones inondables est une grave erreur.

 

On nous dit souvent que de nombreuses personnes souhaitent vraiment l’arrivée d’Ikea à Bayonne pour décorer sa maison à moindre coût. Que pensez-vous de l’impression générale des habitants de Mouguerre et de Bayonne au sujet d’IKEA ?

MCV : Chacun d’entre nous peut réagir en tant que citoyen avec une conscience écologique, ou comme travailleur, ou comme consommateur, en donnant plus ou moins d’importance à l’une de ces trois facettes. En tant que consommateur, on cherche le moindre coût. En tant que travailleur, on cherche du travail, avec un salaire décent. En tant que citoyen de la terre, on cherche à consommer de manière responsable. La réaction face à IKEA peut dépendre de l’importance relative de ces trois facettes chez chacun d’entre nous : le consommateur ne verra que le coût, mais le travailleur trouvera que les contrats précaires à temps partiel sont critiquables. Si c’est la troisième facette qui prévaut, alors on voit qu’en achetant Ikea, on achète des produits qui sont pour la plupart des achats impulsifs, fabriqués dans des conditions critiquables, notamment dans des pays où les travailleurs sont très mal payés, et des produits qui ont beaucoup voyagé. De plus, acheter ikea, c’est donner de l’argent à une entreprise qui pratique à outrance « l’optimisation fiscale », c’est à dire qui met en place tous les montages possibles pour ne pas participer au paiement de l’impôt.

 

IKEA signale qu’elle va créer 1100 emplois. IKEA est à Barakaldo depuis 11 ans et les conflits ont été nombreux dénonçant les conditions de travail. Pourtant Ikea offre un visage aimable et écologique…
MCV : Ikea a effectivement annoncé la création de 1100 emplois : 300 pour le magasin IKEA et 800 pour la galerie commerciale. Les élus ont fait semblant d’y croire. Notre association a officiellement posé la question de savoir parmi les 1100 emplois, combien seraient des transferts d’emplois, et combien d’emplois seraient supprimés ailleurs. La réponse officielle a été qu’aucune loi ne les obligeait à faire une telle étude, et qu’ils ne l’avaient donc pas faite. Les élus favorables au projet ont donc accepté ce chiffre sans aucune expertise. Ils ont engagé des millions d’euros d’investissement public sans aucune expertise économique.

Le magasin IKEA a commencé à faire son recrutement : de 300, on est passé à 155 embauches locales, soit la moitié de ce qui était annoncé. Quant à la galerie commerciale, qui peut croire qu’elle créera 800 emplois ? IKEA a une force marketing très forte, et est arrivée à passer aux yeux de beaucoup comme une entreprise « verte » et vertueuse. Mais cette image est en train de se fissurer. En France, dans l’année 2014, ont été mises à jour des pratiques d’espionnage des clients et des employés, qui conduisent aujourd’hui IKEA devant les tribunaux. Le passé nazi de son fondateur a aussi fait du mal à l’entreprise.

 

 

 

Source: http://www.enbata.info/articles/ikea-ou-la-commercialisation-du-mode-de-vie-lowcost

 

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