Par Pierre Recarte vice-président du CADE
Rémi Fraisse est mort le 25 octobre 2014, atteint par une grenade offensive lors d’une manifestation contre la construction du barrage de Sivens. Les jours suivants, le Président de la République, après son rituel exercice de compassion, annonce vouloir ouvrir le grand chantier d'une démocratie participative sur les projets d'aménagement impactant le territoire. Le chef de l’Etat affirme que « Sivens exige d'accomplir des progrès supplémentaires de la participation des citoyens à l'élaboration de la décision publique ».
Il demande au gouvernement d'y travailler afin de formuler des propositions « dans un délai de six mois ». Celles-ci « seront immédiatement mises en œuvre».
Des paroles aux actes
Un an plus tard, le CADE alerté par un collectif breton découvre une demande de permis de recherche et d’exploitation d’or et de substances connexes sur 126 km2 au Pays basque (PER-M dit de Kanbo) déposé par la société Sudmine. La notice d'impact environnemental est rédigée par GéoPlusEnvironnement. Rien à redire, sinon que cette société est aussi associée de Sudmine et dirigée par la même personne : Christian Vallier. Cette position de juge et partie devrait poser un grave problème éthique. Apparemment non.
Le Préfet des Pyrénées atlantiques, avant de rendre son avis, consulte uniquement les conseils municipaux des communes situées dans le périmètre du projet mais interdit de rendre public le dossier !
« La démocratie participative, ce n'est pas le public contre les élus, c'est dans l'intérêt des élus. Il faut miser sur la capacité de dialogue des citoyens, leur intelligence et leur souci d'éviter les gaspillages » déclarait Ségolène Royal il y a quelques mois.
Alertée début octobre, la ministre de l’Ecologie n’a pas daigné nous répondre directement. A sa demande, le secrétariat du Préfet des Pyrénées atlantiques s’en est chargé pour nous indiquer que « des dossiers de déclaration ou d’autorisation » seront déposés par l’exploitant et « soumis selon leur importance à évaluation des impacts et consultations locales (y compris enquête publique) ». Or, le code minier actuel indique que le titulaire d’un permis exclusif de recherches a droit à l’octroi d’un permis d’exploitation s’il en fait la demande. Celle-ci n’étant pas soumise à concurrence elle échappe donc à la procédure de l’enquête publique.
Autrement dit les citoyens ne seront jamais consultés…
Des enquêtes publiques malmenées
Selon Ségolène Royal, « consulter le public est le gage d'une meilleure efficacité, on peut ainsi retenir une hypothèse plus intelligente et moins coûteuse. ».
Qu’advient-il lorsque le public est consulté ?
Sur le projet de LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, l’enquête d’utilité publique a eu lieu. Les commissaires ont donné un avis défavorable argumenté : gain de temps « peu probant », « infrastructure lourde et coûteuse pour un service non garanti », « financement public incertain », « rentabilité socio-économique insuffisante », « alternatives à la grande vitesse insuffisamment explorées », impacts environnementaux « insuffisamment pris en compte ».
Du jamais vu, près de 20 000 contributions versées au dossier. 93% sont clairement opposées au projet. Les enquêteurs jugent « faible l’acceptabilité sociale » avec des « soutiens au projet peu nombreux et peu mobilisés. »
Avec le plus grand mépris, balayant d’un revers de main les conclusions accablantes de l’enquête publique, le gouvernement annonce sa volonté de signer la déclaration d’utilité publique (DUP). N’allez pas accuser nos responsables politiques de déni démocratique ou de passage en force ! Alain Vidalies, secrétaire d’Etat aux transports, estime qu’il n’y a « qu’une seule expression démocratique : le vote » et qualifie même de « dangereuse » l’opinion selon laquelle la démocratie pourrait passer ailleurs que par les urnes. Il nous faut donc admettre que les enquêtes publiques ne servent à rien puisque in fine ce sont les élus qui décident.
Des référendums inadaptés
« Pour débloquer une situation, le recours à un référendum local vaut toujours mieux que le fait accompli ou que l'enlisement » rappelait François Hollande en novembre 2014. Une voie que propose le Président pour sortir du bourbier de Notre Dame des Landes. Une façon aussi de donner des gages aux écologistes à l’approche des élections présidentielles ! Sur ce dossier, la validité juridique d’un référendum local est mise en doute par les juristes. En effet, la réforme constitutionnelle de 2003 rend possible ce type de consultation uniquement si elle est organisée par une collectivité territoriale. Or, c’est l’Etat qui a signé et publié le décret d’utilité publique. En conséquence le référendum relève de sa compétence. Un cas de figure non prévu par la législation. Il faudra une nouvelle loi si l’on veut éviter de nouveaux recours juridiques. Comment ne pas y voir une simple « manœuvre politique » destinée à gagner du temps ?
Cela rappelle étrangement la promesse de campagne de Sylviane Allaux : organiser un référendum local sur la LGV, afin de connaître, une fois pour toutes, l’avis de la population. Elle est élue députée de la 6ème circonscription. On attend toujours la consultation…
Oui malheureusement, la démocratie participative est morte avant d’avoir vécue.
Nous sommes bien en face d'un déni avéré des droits du citoyen.
Plutôt que de s'attaquer au fond du problème en proposant des réformes audacieuses, le Président de la République a préféré se complaire dans des effets d’annonce. Les grands projets inutiles aujourd'hui contestés doivent être arrêtés pour la simple raison qu'ils ne sont ni légaux ni légitimes. Les aménagements ne peuvent plus être le fait du prince ou de ses vassaux. Les enjeux environnementaux et financiers sont tels qu’on doit respecter l’avis des citoyens.