Publié le 30/03/2016. Mis à jour à 08h14 par Benoît Lasserre
Le projet initial de la SNCF prévoyait une moyenne de 13,5 TGV entre Bordeaux et la capitale. © Quentin Salinier/« sud ouest »
Alain Juppé et Alain Rousset, ainsi que Lisea, la société concessionnaire de Tours-Bordeaux, ont obtenu satisfaction face à la SNCF.
L'avenir dira si leur obstination s'avère économiquement payante, mais Alain Juppé et Alain Rousset - pour ne citer que les deux principaux intéressés - ont remporté leur bras de fer engagé contre la SNCF sur le nombre de dessertes entre Paris et Bordeaux après la mise en service, le 2 juillet 2017, du tronçon Tours-Bordeaux. Rappelons qu'à compter de cette date, Bordeaux ne sera plus qu'à 2 h 5 de Paris et 1 h 3 de Poitiers.
Ce sont donc en moyenne 18,5 navettes aller-retour, et non plus 16,5, que la SNCF mettra en place chaque jour entre la capitale française et la capitale aquitaine. Les deux présidents de Bordeaux Métropole et du Conseil régional en réclamaient 19. Tout comme Laurent Cavrois, le PDG de Lisea, la société dont Vinci est le principal actionnaire, pilote du PPP (partenariat public-privé) qui finance la construction de la ligne et en sera la gestionnaire pendant un demi-siècle.
13,5 navettes pour la SNCF
Selon nos informations (qu'ils n'ont voulu ni confirmer ni commenter), Alain Juppé et Alain Rousset ont été personnellement informés de cette décision par le président de la SNCF, Guillaume Pepy, qui devrait prochainement la rendre publique.
Lors de son déplacement à Bordeaux, le 16 mars dernier, pour inaugurer la station de maintenance TGV de la gare Saint-Jean, Rachel Picard, directrice générale de SNCF Voyages, s'était également abstenue de tout commentaire, renvoyant aux dernières déclarations d'Alain Vidalies, le secrétaire d'État aux Transports, qui avait annoncé 16,5 allers-retours à Bordeaux lors de l'inauguration d'un congrès consacré aux transports intelligents, en octobre dernier.
Pour mémoire, rappelons que la proposition initiale de la SNCF était de 13,5, ce qui avait fait bondir les deux présidents ainsi que les principaux acteurs économiques locaux comme la Chambre de commerce et d'industrie, mais aussi la Fnaut (Fédération nationale des associations d'usagers des transports).
Dans un courrier commun adressé à Alain Vidalies, les deux présidents dénonçaient « un schéma de transport malthusien » et qualifiaient de « regrettable et peu compréhensible » la proposition de l'entreprise ferroviaire.
Rames à deux étages
Le tronçon Tours-Bordeaux, rappelons-le, se construit dans le cadre d'un PPP piloté par la société Lisea, avec le soutien financier, à hauteur de 433 millions d'euros, de la Métropole et de la Région.
Pour rembourser son investissement, Lisea, gestionnaire des 340 kilomètres séparant Tours de Bordeaux, percevra les péages de SNCF Mobilités. Plus de navettes, plus de péages donc pour la compagnie ferroviaire qui craint de ne pas rentabiliser une ligne avec suffisamment de voyageurs qu'elle installera, de surcroît, dans des nouvelles rames à deux étages, tout en annonçant son intention de conquérir 2,3 millions de passagers supplémentaires. Pour Guillaume Pepy, donner satisfaction à Lisea entraînerait une perte annuelle de 150 à 200 millions d'euros par an pour la SNCF.
De son côté, Lisea a toujours affirmé que son plan de financement s'appuyait impérativement sur un minimum de 19 dessertes qui lui rapporteront environ 250 millions d'euros annuels.
LGV Bretagne en juillet 2017
Pour gagner ces deux dessertes supplémentaires, SNCF Réseaux (ex-Réseau ferré de France), propriétaire des voies ferrées, a accepté de diminuer le péage qu'acquitte SNCF Mobilités, utilisatrice des voies ferrées, sur le tronçon Tours-Paris, déjà opérationnel.
Un manque à gagner pour SNCF Réseaux, qui va néanmoins percevoir d'autres péages puisque le 2 juillet 2017 correspond également à la mise en service de la LGV Bretagne-Pays de la Loire. Et celle-ci empruntera la même voie que la LGV Atlantique entre Montparnasse et Courtalain, ville qui se situe à mi-chemin de Paris et de Tours.
Cette même LGV en direction de Rennes et de Nantes n'est d'ailleurs pas étrangère à la poussée d'adrénaline d'Alain Juppé et d'Alain Rousset face à Guillaume Pepy. Car entre Paris et Rennes, ce sont pas moins de 21 allers-retours qui sont prévus par la SNCF.
Autant dire que si les deux présidents ont réclamé des navettes à la hauteur de leur participation financière au projet, ils n'ont pas non plus apprécié qu'une métropole de 420 000 habitants (celle de Rennes) soit mieux desservie que celle de Bordeaux avec ses 750 000 citoyens. Il n'y a pas que les Bretons qui soient têtus !