Bernard Lembey Président d'Actival
Propos recueillis par Bénédicte Saint-André|25/07/2016 14:50|0 commentaires| Mis à jour à: 14:50
Actival est une association née de l'opposition citoyenne au projet de traversée centrale des Pyrénées par voie ferroviaire. Ce nouvel axe consisterait en un tunnel de 42 kilomètres creusé à basse altitude reliant Saragosse au reste de l’Europe. Le lobby pro-TCP avance les arguments de l’écologie et du développement local. Bernard Lembeye, président de l'association présent à Bayonne lors du forum GPII, voit là des leurres insupportables. Entretien.
Dans le contexte actuel il y a des enjeux géopolitiques extrêmement importants du point de vue de Madrid. Elle souhaite obtenir une autonomie au niveau de la sortie du territoire vers le Nord en voulant se débarrasser des littoraux puisqu'il y a là de fortes velléités d'indépendance.
Quelle est la genèse du projet de TCP contre lequel vous vous battez ?
Bernard Lembeye : Ce projet de traversée centrale des Pyrénées est un projet européen défini en 2002 par la Commission européenne des transports, le projet n° 16. Il doit permettre de relier le sud de la péninsule ibérique, c'est à dire Sines au Portugal, Algeciras au sud de l'Espagne, remonter vers Madrid, ensuite Saragosse à travers la province aragonaise et enfin traverser les Pyrénées pour rejoindre Paris.
Sauf que c'est un projet qui doit essentiellement alimenter l'Europe du Nord et qui va créer une énorme balafre à l'intérieur des territoires alors que les voies maritimes seraient plus facilement exploitables et beaucoup moins génératrices de pollution. La TCP génèrerait un afflux supplémentaire de camions sur les routes sans résoudre le problème des goulets d’étranglement sur les littoraux, et au détriment des équilibres locaux.
Certains ne sont pas sensibles aux enjeux écologiques. Mais, le projet est-il rentable ?
B.L : Non plus ! De manière générale, les projets présents lors de ce forum sont des projets pharaoniques pour lesquels on gaspille éhontément de l'argent public. Et en ce qui nous concerne, ce projet est complètement contre-productif en terme économique. 90 % des flux de marchandises transitent par les littoraux méditerranéen et atlantique étant donné que les deux poumons économiques de l'Espagne sont la Catalogne et le Pays Basque. C'est donc un paradoxe de vouloir rallier le centre de la péninsule alors qu'économiquement cela ne se justifie pas du tout.
Comment l'expliquer alors ?
B.L : Dans le contexte actuel il y a des enjeux géopolitiques extrêmement importants du point de vue de Madrid. Elle souhaite obtenir une autonomie au niveau de la sortie du territoire vers le Nord en voulant se débarrasser des littoraux puisqu'il y a là de fortes velléités d'indépendance.
Initialement, ce projet visait une rationalisation des flux de marchandises en favorisant le fret ferroviaire. Qu'en pensez-vous ?
B.L : Il se trouve qu'aujourd'hui il n'y a ni les moyens de satisfaire ces ambitions ni la nécessité économique ou financière de le faire. Le tunnel du Perthus ouvert il y a quelques années sur la partie Est, de Perpignan à Figueras, est aujourd'hui en dépôt de bilan avec un déficit d'un demi-milliard d'euros. Or en principe c'est sur cet axe là qu'il devrait y avoir les besoins les plus importants de fret, c'est-à-dire non pas des camions mais des containers sur les trains. Mais, il n'y a pas la volonté politique de le faire. C'est la raison pour laquelle nous disons comme nos collègues du Lyon Turin, que le jour où il y aura 70% de fret qui sera réalisé sur l'ensemble du territoire, il sera temps de ré-envisager complètement la problématique qui est posée là. Mais pas avant.